Jacques Mallet du Pan, l’homme du « juste milieu »
Fils de pasteur calviniste et citoyen genevois, Jacques Mallet du Pan (1749-1800) fut condisciple d’Étienne Clavière. C’est un journaliste libéral et réformiste, opposé à tout mouvement révolutionnaire. Il se fixe à Paris en 1783, après les déboires de la révolution genevoise de l’année précédente. Il rédige des articles de tendance « monarchienne » (monarchiste et réformatrice) pour Le Mercure de France de 1789 à 1792.
Inculpé en juin 1791 de « complot ayant abouti à l’enlèvement du roi » – c’est une accusation fantaisiste qui est un règlement de compte des « Jacobins » envers un étranger que le roi de France recevait volontiers –, il se cache, puis émigre en mai 1792, porteur d’un message secret du roi à ses frères (les comtes de Provence et d’Artois) leur demandant de modérer leur expression verbale.
Mal reçu à Coblence, il se retire en Suisse et publie à Berne, en 1793, ses Considérations sur la nature de la Révolution en France. Il y soutient que la Révolution n’est pas un effet de la philosophie des Lumières, mais résulte d’un effondrement de l’Ancien Régime, la bourgeoisie s’étant saisie d’un Pouvoir laissé à l’abandon, et prévoit une dictature militaire, à l’issue de la guerre opposant les Autrichiens, les Prussiens, les Piémontais, les Britanniques et les Espagnols aux révolutionnaires français.
De 1794 à 1798, il correspond avec les membres de divers gouvernements (ceux de Vienne, Berlin, Turin et Londres). Il tente également de modérer les déclarations des émigrés français. Chassé de Berne par l’approche des armées françaises, il se réfugie à Zurich en 1797, puis en Grande-Bretagne de 1798 à sa mort. En 1798-99, il rédige Le Mercure britannique. Il est également employé comme analyste par le service de renseignements du Foreign Office.
Son livre de 1793 est un modèle de sagacité, dont l’intérêt n’a toujours pas été perçu par certains historiens. Il fut l’homme du « juste milieu », estimant les réformes plus utiles et moins coûteuses que les éclats révolutionnaires.