Fils dâun Suisse de la domesticitĂ© du marĂ©chal Charles de La Croix de Castries, Jean, Nicolas Pache (1746-1823) se distingue trĂšs jeune par son intelligence et sa puissance de travail. Câest un fils dâimmigrĂ©, naturalisĂ©. En 1774, il rencontre le mathĂ©maticien Gaspard Monge, avec lequel il se lie dâune amitiĂ© durable.
PrĂ©cepteur des enfants du marĂ©chal de Castries durant les annĂ©es 1774-1780, il devient premier secrĂ©taire du ministĂšre de la Marine quand le marĂ©chal succĂšde, en octobre 1780, au remarquable Alexandre de Sartine, qui nâa plus lâheur de plaire au couple royal.
Cet emploi sâexplique aisĂ©ment. Pache est destinĂ© Ă Ă©pouser Marie-Marguerite Valette, fille doublement adultĂ©rine du marĂ©chal et de Marie-Anne de Noailles, tous deux mariĂ©s. Les noces sont cĂ©lĂ©brĂ©es en 1776. GrĂące Ă la protection du Suisse Necker, il est aussi, de 1781 Ă Â 1784, ContrĂŽleur de la Maison du roi, en plus de son emploi Ă la Marine.
La santĂ© de son Ă©pouse Ă©tant compromise, le couple et ses deux enfants sĂ©journent en Suisse, de 1784 Ă Â 1786, lâannĂ©e oĂč Pache devient veuf⊠De nombreux historiens ont inventĂ© des raisons politiques Ă cette semi-retraite, alors mĂȘme que Pache continue Ă percevoir les Ă©moluments de fonctions quâil nâexerce plus. La dĂ©mission du marĂ©chal de Castries en septembre 1787 le rend Ă ses chĂšres Ă©tudes et Ă la gestion de la fortune laissĂ©e par son Ă©pouse dĂ©funte.
Les dĂ©buts de la RĂ©volution ne le perturbent guĂšre. Il profite mĂȘme de lâaubaine, en aoĂ»t 1791, achetant une abbaye ardennaise, vendue comme Bien National. Il frĂ©quente quelques salons, dont celui de Madame Roland et sâinscrit aux « Jacobins » Ă la fin de 1791. Il crĂ©e, en janvier 1792, la SociĂ©tĂ© patriotique de la trĂšs bourgeoise section du Luxembourg. Le 24 mars 1792, Jean-Marie Roland, devenu ministre de lâIntĂ©rieur, lâappelle comme chef de cabinet. En mai, le gĂ©nĂ©ral Joseph Servan, lâappelle Ă la mĂȘme fonction au ministĂšre de la Guerre, jusquâau 13 juin.
Pache accomplit une mission Ă lâArsenal de Toulon en septembre 1792, puis est nommĂ© ministre de la Guerre, le 6 octobre (il ne prend ses fonctions que le 18) : Danton et Dumouriez ont patronnĂ© son Ă©lĂ©vation au ministĂšre. On attend beaucoup de ses qualitĂ©s dâorganisateur, or il laisse les choses aller leur train et le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du ministĂšre, le prĂȘtre dĂ©froquĂ© Xavier Audouin, prĂ©varique allĂšgrement, tout en jouant à « lâultra-rĂ©volutionnaire »⊠Pour mieux contrĂŽler son ministre, Audouin Ă©pouse Marie-Sylvie Pache, le 15 janvier 1793. Le 4 fĂ©vrier, Georges Danton, Lazare Carnot et Charles Dumouriez, lassĂ©s de lâincurie et de la corruption qui rĂšgnent en son ministĂšre, exigent de Pache sa dĂ©mission.
TrĂšs populaire aux « Jacobins » et soutenu par les « Brissotins », « Papa Pache » est Ă©lu maire de Paris, le 14 fĂ©vrier 1793, et fait inscrire sur tous les monuments publics la formule de Momoro, quâil a complĂ©tĂ©e de façon radicale : « LibertĂ©, ĂgalitĂ©, FraternitĂ© ou la mort ». Toujours dominĂ© par son gendre qui joue la carte des « ultra-rĂ©volutionnaires » (Vincent, Ronsin et Momoro) et sâentendant fort bien avec Chaumette, en dĂ©pit des mĆurs homosexuelles de ce dernier, Pache sâattaque violemment Ă ses anciens protecteurs « girondins », Ă la barre de la Convention Nationale, le 15 avril, puis il sâen prend Ă Danton et ses amis, enfin, le 29 juin 1793, il attaque ceux des « enragĂ©s », qui concurrencent la coterie de son gendre.
Une relation dâaffaires dâAudouin, Jacques HĂ©bert, dans son PĂšre Duchesne, estime, au dĂ©but de mars 1794, que Pache devrait ĂȘtre nommĂ© « Grand juge » de la RĂ©publique, soit une fonction mixant celles de PrĂ©sident et de super-ministre de la Justice. Cette proposition pourrait ĂȘtre tournĂ©e en plaisanterie ; elle est vĂ©cue comme une provocation par les Conventionnels.
Maximilien Robespierre refuse le principe de son arrestation, mais accepte son remplacement Ă la mairie par son fĂ©al le belge Jean-Baptiste Fleuriot-Lescot, le 10 mai 1794. La veille au soir, chez Monge, Marie-Sylvie Audouin-Pache sâen est prise violemment Ă Lazare Carnot Ă propos de lâexĂ©cution dâHĂ©bert, le 24 mars. Carnot se venge, le 10 mai, en faisant incarcĂ©rer Pache et le couple Audouin, ainsi que les meneurs survivants des « ultra-rĂ©volutionnaires ». Robespierre protĂšge Pache et sa famille : le trio sera libĂ©rĂ©, de façon sĂ©parĂ©e, du 14 au 20 thermidor II (du 1er au 7 aoĂ»t 1794).
AprĂšs lâinsurrection « montagnarde » du 1er prairial III (20 mai 1795), Pache et son gendre sont de nouveau dĂ©crĂ©tĂ©s dâarrestation, le 24 mai, et ne sont libĂ©rĂ©s que par lâeffet de lâamnistie votĂ©e, par les conventionnels, le 26 octobre. Pache fait quelques apparitions au club du PanthĂ©on, se dĂ©clare proche des idĂ©es de Babeuf, mais il ne sâengage plus dans les luttes politiques et se retire dans sa belle abbaye.
Ce nâest pas sans raison quâon lâa surnommĂ© le « Tartufe de la RĂ©volution ». En 1803, Ă lâapproche de la soixantaine et nanti dâune fortune non nĂ©gligeable, il a repoussĂ© poliment, par lâintermĂ©diaire de Monge, lâunique offre dâemploi que Bonaparte lui ait faite. Il meurt de pleurĂ©sie en 1823, sans avoir Ă©tĂ© inquiĂ©tĂ© par les hommes de la Restauration.
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