Différentes conceptions de la famille

La conception de la famille a évolué au cours des siècles. On peut considérer dans l’Antiquité romaine que le système familial est patriarcal et que le mariage est décidé par les parents, puis par exemple au XXe siècle, le mariage d’amour va profondément transformer la famille, et la liberté sexuelle des années 1970 dans le couple et hors du couple vont entraîner d’autres conceptions de la famille.

Le choix d’une comparaison s’impose malgré tout, celle de la République de Platon (428-347 av J-C) qui est une véritable construction intellectuelle cherchant à remédier au caractère naturellement conflictuel de la famille par sa disparition et la recréation artificielle de celle-ci et de nos sociétés contemporaines qui ont recours à la PMA et GPA.

C’est dans la République, et dans un écho du Timée, que Platon présente son projet où, à l’issue de plusieurs étapes, émerge une nouvelle famille dans laquelle les liens biologiques disparaissent. La famille athénienne est « Oïkos » qui renvoie à la maison mais aussi aux membres qui la composent – le père, la mère, les enfants – selon Aristote.

Mais l’innéité de l’amour intrafamilial ne va pas de soi et les débats philosophiques laissent transparaître des positions divergentes. La famille n’a rien d’un signifiant stable oscillant sans cesse du sens de « parent » à celui de « sien », en passant par « familier » et « proche ».
Platon propose alors la création d’une cité idéale fondée pour l’élite dirigeante sur un mode de vie communautaire. Une politique eugéniste rigoureuse est mise en œuvre et chaque union sexuelle doit être impérativement approuvée par les instances dirigeantes. Les enfants seront communs, le père ne connaîtra pas son fils, ni le fils son père, ils seront remis à un comité constitué d’hommes et de femmes. Ce qui veut dire que les enfants sont séparés de leur mère et confiés à l’ensemble des membres de la communauté qui les prennent en charge, l’enfant ne connaîtra jamais la femme qui l’a mis au monde. Le rôle de mère se borne aux strictes fonctions biologiques : accouchement, allaitement. La maternité est instrumentalisée au profit du groupe. Platon dissout les liens privés et reconstitue une famille généralisée. Les enfants appelleront tous les hommes et toutes les femmes en âge de les avoir engendrés du nom « père » et « mère ». La vérité cachée des liens familiaux impose des devoirs de solidarité de tous les membres du groupe.

Si nous comparons cette utopie platonicienne à la famille contemporaine au prisme des procréations médicalement assistées, il y a des points de comparaison et des dissemblances.

On parle davantage de couples homosexuels en ce XXIe siècle ayant recours à la PMA et à la GPA. On note l’effacement du père ou de la mère pour ne retenir que des géniteurs et procréateurs anonymes. De même, dans la République, le père biologique et la mère biologique sont inconnus des enfants. Comme pour les enfants nés de la PMA qui ne connaissent pas leur géniteur.

L’eugénisme est le second point pour lequel on peut comparer la famille remodelée selon Platon et la famille contemporaine ayant recours à la GPA.

L’autre point de comparaison est le choix du géniteur qui incombe aux seuls médecins qui suivent un critère de ressemblance physique pour la PMA.

Pour la GPA, il n’y a pas d’éthique, les caractéristiques du donneur de gamètes sont choisies et le corps de femmes porteuses est surveillé et contrôlé, il est instrumentalisé. Elles sont réduites en esclavage durant neuf mois, l’argent circule. Des femmes dans le besoin vont accepter cette tâche. Le biologiste Jacques Testart voit dans la PMA et la GPA le risque de soumettre un peu plus la science à une logique de marché.

Si on continue à faire le parallèle avec la République, les élites organisaient les mariages dans un but eugéniste, mais l’idéologie restait le but commun. Les enfants appartenaient à tous, mais à personne en particulier. C’était une façon de préparer les hommes à la guerre et d’éviter les atermoiements des femmes comme on peut le constater dans le tableau pour les Romains de Le serment des Horaces de Jacques-Louis David.

Pour la PMA et la GPA, ce n’est pas une idéologie à caractère communiste qui est en jeu, mais pour la GPA une idéologie individualiste et libérale ; c’est en somme, une commercialisation des êtres humains et une marchandisation du corps des femmes.

Avec la République, les élites politiques – les philosophes-rois – organisaient les unions afin qu’elles procréent dans le but de servir les intérêts communs.

Avec la procréation médicalement assistée – la maternité pour autrui ouvre des perspectives d’entrée dans la parenté de façon originale et individuelle, les mères de substitution assument les deux rôles de génitrices et de gestatrices.

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