Primaire à LR : le plus à droite d’entre eux
La primaire du parti Les Républicains n’est, rappelons-le, malgré la présence du PCD (Parti chrétien-démocrate) à travers la présence de son président, Jean-Frédéric Poisson, qu’une primaire d’un parti de droite. L’expression retenue par les médias bienveillants de « primaire de la droite et du centre » n’aurait eu de valeur qu’en cas de présence participative de représentants de l’UDI (Union des démocrates et des indépendants) de Jean-Christophe Lagarde ou des nouvelles structures partisanes de Jean-Christophe Fromantin, le député-maire de Neuilly-sur-Seine et du député béarnais médiatique Jean Lassalle, voire du Mouvement démocrate (Modem) de François Bayrou.
Cette primaire de LR comporte finalement huit candidats. Parmi eux, chacun se veut « le plus gaulliste », « le meilleur d’entre eux »… Mais qui est le plus à droite ?
Pour le déterminer, il faudrait décrire une méthode : par exemple, celle qui consisterait à utiliser des thèmes récurrents, lors des discours, du Front national (FN) : l’insécurité, l’immigration incontrôlée, la méfiance vis-à-vis des institutions européennes… Alors, dans ce cas, Nicolas Sarkozy serait le plus à droite. Oui, mais il déteste le FN, il ne communique pas avec ce mouvement. Dans ce cas, pourquoi le droitiser plus qu’il ne le souhaite ? Partisan de l’ouverture à gauche, ses collaborateurs les plus proches n’inspirent pas particulièrement une « envie de droite », tout au plus une envie de Pouvoir.
Au moins, l’ancien directeur de cabinet de Marine Le Pen, l’énarque Philippe Martel a été un proche collaborateur d’Alain Juppé, tant à la mairie de Paris qu’au quai d’Orsay. Michel Schneider, ancien proche de Jean-Pierre Stirbois et ancien militant d’extrême droite – promoteur du site « Tout sauf Sarkozy » dès 2006 –, fut également un collaborateur avisé d’Alain Juppé notamment dans la mise en place de « clubs » après la victoire de François Mitterrand et de la gauche en mai et juin 1981. Alors, pourquoi pas Juppé pour la « droitisation » de ces anciens collaborateurs ?
Pourquoi pas, mais Alain Juppé n’a jamais passé d’accord avec le FN ! Et il ne compte pas en passer, d’après ces propos et malgré l’ancien entourage évoqué.
Si vous le voulez bien, pour dénicher le « bon » candidat, revenons aux années 1980.
Au Front national, en pleine dynamique électorale depuis les succès de 1983, notamment obtenus à Dreux par la liste municipale menée par Jean-Pierre Stirbois, les médias scrutent tout dérapage émanant des candidats nationaux (comme de nos jours, me direz-vous…).
Les élections européennes de juin 1984 approchent (le FN y obtiendra 11 %, un véritable séisme électoral dans le paysage politique français et 10 élus députés au Parlement européen sur les 81) et la campagne a démarré dès après « le tonnerre de Dreux » (17 % au premier tour et une victoire de l’union des droites avec 55 % au second tour en septembre 1983). La tête de liste de la droite (RPR-UDF-CNIP) pour la deuxième élection européenne au suffrage universel a été désignée et ce sera Simone Veil, ancienne et première présidente de l’Assemblée européenne en 1979 et profondément opposée à Jean-Marie Le Pen et au FN. Alors, certains, pour remettre en cause le leadership de cette libérale centriste, n’hésitent pas à remettre en cause la loi sur l’IVG dont l’ancienne ministre de la Santé du président Valéry Giscard d’Estaing fut le héraut.
Ainsi, lors du conseil national du FN en janvier 1984 à Lyon (où le ralliement du professeur d’université Bruno Gollnish Flourens fut connu, puisqu’il accepta de manière honorifique d’être candidat à la dernière place de la liste Front d’opposition nationale pour l’Europe des patries…), à la tribune, une militante de la première heure du FN, Germaine Burgaz, secrétaire départementale de la Drôme, dénonce, évoquant la tête de liste de la droite, la « tricoteuse de Giscard », rappelant l’utilisation par certaines femmes d’aiguilles à tricoter pour faire avorter leurs congénères (le plus souvent, contre rémunération). À la campagne, on disait aussi une faiseuse d’anges.
Bref, le ton est donné. Germaine Burgaz sera considérée (elle est décédée récemment) comme représentant la fraction la plus dure du FN. S’attaquer à Simone Veil à cinq mois des élections, c’est oser s’en prendre à une icône européenne… La poussée de la droite depuis deux ans et la personnalité de Simone Veil ne laissent que peu de place à d’autres listes, d’autant plus que, contrairement à 1979, le RPR s’est rassemblé tout entier derrière cette candidature. L’« appel de Cochin » de Jacques Chirac en 1978 semble oublié pour longtemps et le RPR harmonise ses positions en matière européenne avec l’UDF.
Bref, à partir de cette convention lyonnaise du FN, il est possible de considérer que Germaine Burgaz est un « marqueur » de l’infréquentable, selon nos bien-pensants. D’ailleurs, elle sera maintes fois mise en cause lorsque des journalistes interrogeront Jean-Marie Le Pen (rappelez-vous, c’était l’époque, à chaque rentrée, des « anciens contre les modernes »). Germaine Burgaz fut élue conseillère régionale en 1986.
Après les élections européennes, le FN commence à s’installer dans la vie politique française et prépare les élections cantonales de mars 1985, où il sera présent dans près de 80 % des cantons (avec un score au niveau national de près de 9 %), prouvant ainsi sa volonté d’implantation. Dans certaines régions, notamment dans le Sud-est, le FN réalisa une réelle percée, dépassant par exemple les 20 % dans le Var (terre des « estivales » du FN en ce mois de septembre 2016).
En ce début des années 1980, dans le département de la Drôme, pour la droite « républicaine », tout est à reconstruire. Malgré la forte poussée au niveau national, des listes RPR et UDF en 1983, le chef-lieu du département, Valence, est resté à gauche (comme Romans-sur-Isère et Montélimar, toutes communes ayant à leur tête un édile socialiste à cette époque).
Les jeunes espoirs de droite se sentent pousser des ailes. C’est l’époque de l’épanouissement des clubs de réflexion (comme le Club 89 par exemple dont Michel Schneider, cité plus haut, fut un des initiateurs) au sein desquels on élabore des programmes « de droite » comme celui qui permettra, en mars 1986, la victoire de la droite et imposera la cohabitation « dure » à François Mitterrand jusqu’à sa réélection de 1988. La première cohabitation de la Ve République.
Ainsi, un jeune élu municipal de Chevreuse (dans les Yvelines), élu à 24 ans sur la liste du RPR Félix Gonzales, le polytechnicien Hervé Mariton est devenu le responsable départemental, pour la Drôme, du Parti républicain (PR). Sans doute le département des Yvelines, s’il ne manque pas d’électeurs conservateurs, regorge de leaders chiraquiens et giscardiens. Sans doute, le fameux « trop plein » de l’ouest parisien.
Délaissant donc la vallée huppée des Yvelines, Hervé Mariton s’emballe pour l’ensoleillée Valence, ville perdue par les Gaullistes en 1977 et candidate, lors des élections cantonales de mars 1985, dans un de ces nouveaux cantons découpés par Gaston Defferre, notamment pour éviter une trop grande claque électorale à l’encontre des partis de gauche. Ainsi, un quatrième canton urbain est créé à Valence.
Le FN se mobilise localement grâce à la personnalité et au militantisme permanent (et déjà historique) de Germaine Burgaz. À droite, RPR et UDF (dont le PR présidé par François Léotard est la force principale au niveau national) se divisent, au moins électoralement, sentant la faiblesse des gauches, en perte de vitesse déjà depuis les élections législatives partielles de janvier 1982…
Dans le canton de Valence nouvellement crée, comme prévu (sic), le PS arrive largement en tête ; c’est le député-maire de Valence lui-même (le PS faisait fi, à l’époque du combat sur le non-cumul des mandats !) qui affleure les 40 % des suffrages exprimés dès le premier tour ! Mais le député-maire (qui veut devenir, en plus, le président du département…) a peu de réserves de voix ; en effet, le candidat communiste plafonne à moins de 8 %. Les trois droites sont majoritaires, ce qui est un exploit dans ce canton urbain ! Majoritaires, mais tellement divisées : le jeune Hervé Mariton, candidat UDF-PR, passe en tête, dépassant les 19 %, devant à égalité – ou presque – les candidats FN (16,7 %) et RPR, bon dernier – mais de justesse (avec 16,5 %).
Alors, Hervé Mariton, se mit à rêver. Lui, natif d’Algérie, a peut-être trouvé, à 26 ans, une terre d’élection à fort électorat d’origine Pieds noirs ? Il suffirait de cumuler les voix contre la gauche socialo communiste (vous vous souvenez du slogan ?). Le cumul des candidats de droite dépasse les 50 %, comme d’ailleurs dans le canton populaire voisin, où Germaine Burgaz, leader du camp national, est arrivée en troisième position avec 18 % derrière le sortant socialiste (36 %) et – cette fois-ci – le RPR (18,4 %).
Une semaine – seulement – pour rassembler ! Et au niveau national, la division à droite est de rigueur.
Toutefois, au FN, le président Jean-Marie Le Pen fait preuve d’ouverture à droite et demande à ses candidats de se retirer là où leur maintien favoriserait la gauche. Rappelons qu’il est nécessaire d’obtenir au moins 10 % des électeurs inscrits pour se maintenir ou d’arriver en première ou deuxième position.
Au RPR et à l’UDF, il n’est (déjà !) pas question d’alliances… nationales. Nationales car il y a déjà eu des alliances locales, non sanctionnées (aucun élu ne fut exclu) : par exemple à Dreux en mars 1983 dès le premier tour et en septembre de la même année au second tour. Seul le député de Marseille, Jean-Claude Gaudin appelle à refuser l’élection « d’un candidat communiste ». Pour les socialistes et autres radicaux de gauche, le doute est permis (et le vote en leur faveur aussi).
Toutefois, au niveau local, certains candidats se retirent, de droite et du FN, au profit, le plus souvent, du mieux placé face à la gauche. Mais le retrait, pour utile qu’il fut face à la gauche, n’est pas un accord. Un accord, c’est le consentement de deux parties, et non une (bonne) volonté unilatérale de faire barrage à la gauche.
Or, un seul accord fut conclu, entre les deux tours des élections cantonales de 1985. La responsable départementale du FN de la Drôme, Germaine Burgaz, déjà célèbre pour son traitement à la tribune de « la mère Veil », réussit à faire signer à Hervé Mariton, président départemental du PR, une lettre qui reconnaissait que le Front national est « une composante à part entière de l’opposition nationale » et dans laquelle « il se désolidarise des leaders nationaux de la droite et condamne l’ostracisme dont est victime le Front national ». En échange de quoi, le Front national a appelé à voter Hervé Mariton, à Valence.
Cela n’a pas empêché l’élection du socialiste avec 300 voix d’écart. Et Rodolphe Pesce, tombeur du jeune Mariton, devint président du conseil général de la Drôme, en sus de ses mandats de député et de maire…
Erreur de jeunesse du futur candidat à la présidence de LR (face à Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire) ?
Par la suite, élu conseiller régional, député en 1993 de la Drôme, il fut proche, en 1998, de Charles Million, lors de l’affaire des « alliances » post-électorales entre certains élus RPR et UDF (surtout…) et FN pour la constitution des exécutifs des conseils régionaux.
En 2011, Hervé Mariton recrute Jeanne Pavard, jeune journaliste diplômée, en qualité d’assistante parlementaire, une ancienne candidate du Rassemblement des étudiants de droite (RED) en 2006, mouvement considéré par le site de dénonciation politique Médiapart comme « proche du GUD ». Ce qui est inexcusable.
En 2013, le héraut de La Manif pour tous (LMPT), le député Hervé Mariton est sous le feu des projecteurs. Edwy Plenel n’hésite pas à rappeler les proximités idéologiques de son assistante (qui apprécierait l’essayiste Dominique Venner).
Devant la pression médiatique déchaînée des « enquêteurs » de Médiapart, Hervé Mariton, qui avait succombé (électoralement) à Germaine Burgaz, n’hésita pas à licencier Jeanne Pavard.
Comme 1985 semble loin…
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.