14 décembre 2020

La fin d’un septennat : tout sauf Giscard

Par Franck Buleux

Complétons ce que nous avons rappelé la semaine passée concernant les rapports entre la droite nationale et Valéry Giscard d’Estaing.

L’année 1979 marque la fin des rapports de Giscard avec la droite nationale. Simone Veil, tête de liste centriste pour l’UDF (Union pour la démocratie française) arrive en pole position avec près de 28 % des suffrages exprimés lors des premières élections européennes. Les droites nationales se sont partagées entre les listes Malaud-Médecin-Poujade et Tixier-Vignancour (moins de 3 % à elles deux) mais aussi la liste Défense des intérêts de la France en Europe (DIFE) emmenée par Jacques Chirac et l’abstention (le choix du Front national de Le Pen qui a été évincé d’une hypothétique liste d’union des droites, à l’époque portée, à coups de sondages favorables, par l’hebdomadaire Minute et l’aristocrate normand, élu municipal dans l’Eure, l’écrivain Michel de Saint-Pierre).

La liste gaulliste est considérée par beaucoup comme « nationaliste » par son opposition au développement de la construction européenne. Le « Je vous ai compris » de Chirac s’adresse à une population eurosceptique, voire opposée au processus d’intégration européenne. Cette ligne nationale obtint un peu plus de 16 % des suffrages, un score un petit peu supérieur (un point de plus…) à celui de Chaban-Delmas en 1974, la dernière élection fondée sur une « circonscription nationale ». Le coup d’arrêt des gaullistes est confirmé électoralement.

La route semble libre pour le président-candidat Giscard qui a le soutien du nouveau magazine hebdomadaire « de droite », Le Figaro-Magazine, fondé en 1978, d’abord dirigé par le gréciste Jean-Claude Valla puis par le compagnon de route de la Nouvelle droite, Louis Pauwels, l’auteur du très ésotérisant Matin des Magiciens en 1960. Le Figaro-Magazine se veut, outre qu’il est une revue chic et glacée, être portée vers un certain « intellectualisme » de droite. Des cadres éminents du GRECE (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne) participent à l’hebdomadaire appartenant au groupe dirigé par Robert Hersant : Alain de Benoist himself, mais aussi Yves Christen ou Patrice de Plunkett, rédacteur en chef du Figaro dimanche. La ligne conservatrice de ce journal est ouverte aux idées de la Nouvelle droite et politiquement favorable au président Giscard.

Mais les années 1970 représentent une période de fourmillement idéologique et l’arrivée de la Nouvelle droite dans le paysage idéologique se bouscule avec d’autres clivages, qui pour la plupart viennent d’ailleurs… mais l’amalgame a ses raisons que la raison ne connaît pas. Le Monde ouvre ses pages (sa « une ») en 1978 au professeur Robert Faurisson, qui devient le « pape » du révisionnisme. La FANE (Fédération d’action nationale et européenne), groupuscule se réclamant du national-socialisme fait parler d‘elle quotidiennement entre 1978 (à partir de l’assassinat de François Duprat en mars, secrétaire général du FN dont la FANE est proche) et 1980 (avec la première dissolution du mouvement en septembre).

Giscard et ses acolytes (Poniatowki, Peyrefitte et sa loi « Sécurité et Liberté »…) passent pour l’aile « modérée » (et encore…) de cette France de l’extrême droite. Les troupes de gauche manifestent contre le racisme et l’antisémitisme, ce qui peut sembler traditionnel mais surtout contre « la majorité complice », celle de Giscard.

Même si la droite nationale et populaire qui l’avait soutenu en 1974 part, peu ou prou, chez Chirac : le Parti des forces nouvelles (PFN), faute de trouver 500 signatures en faveur de Pascal Gauchon en 1981, s’engage en faveur du candidat RPR dès le premier tour, comme les cadres du CNIP (Centre national des indépendants et paysans) et l’ancien giscardien antigaulliste, le député-maire de Nice, Jacques Médecin. Même l’avocat Pierre Lagaillarde (1931-2014), ancien député (sans étiquette) du département d’Alger, activiste nationaliste et anti-indépendantiste partisan de l’Algérie française, appelle à voter Chirac, comme l’ancien cafetier d’Alger, Ortiz. Depuis 1977, c’est Chirac qui semble avoir les soutiens de nombreux membres de la droite nationale : des candidats PFN sont présents sur de nombreuses listes du RPR lors des élections municipales comme à Paris.

Quant à Giscard, Le Figaro-Magazine le soutient, mais la campagne d’hystérisation d’octobre 1980 (après l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic le vendredi 3 octobre en fin de journée, dans le XVIe arrondissement de Paris) entraîne le départ ou la mise à l’écart (Alain de Benoist se limitera à la rubrique « vidéo » sur un tiers de page en fin de magazine) des membres du GRECE du magazine de droite.

La droite oublie Giscard. Pourtant, la gauche appuie sur le lien entre le président sortant et la droite la plus extrême. On en oublierait presque le « Facho-Chirac » dénoncé inlassablement, depuis 1976 et la « prise du RPR » porte de Champerret à Paris, par Le Canard enchaîné. On l’a compris, pour la gauche morale, tout ennemi devient « fasciste » par la mise en œuvre de la reductio ad hitlerum, façon simple et utile de discréditer toute velléité « droitiste » ou considérée comme telle. Les médias suivent.

1980 fut l’annus horribilis pour Giscard : Barre en arrivait même à déplorer les Français « innocents », victimes de l’attentat de la synagogue de la rue de Copernic, qui passaient dans la rue à l’heure de l’office israélite… Comme je l’ai rappelé dans l’ouvrage édité chez Synthèse nationale consacré à la FANE (numéro 17, paru en 2019), la pression atteignait son paroxysme contre l’exécutif à partir de l’automne 1980.

Certes, les sondages ne montraient pas (encore) de dévissage électoral pour Giscard (toujours favori) car la gauche manquait d’incarnation ; on peut d’ailleurs noter que Mitterrand se déclara candidat en novembre 1980 lorsque la vraie-fausse candidature Coluche marqua des signes de faiblesse.

1981 ne fut que la conséquence de 1980. La droite nationale, absente des bulletins de vote, s’égara entre Chirac (le PFN), le vote « blanc » en faveur de Jeanne d’Arc (le FN par la voix de Le Pen) et, pour certains, Marie-France Garaud, qui représentait un certain autoritarisme nationaliste, fruit de la campagne anti-européenne de 1979 de la liste Chirac-Debré, dont elle avait été largement l’initiatrice, pour ne pas dire l’ordonnatrice.

Si la droite nationale avait accompagné Giscard en 1974, elle l’a abandonné en rase campagne sept ans plus tard. Le choix de Giscard fut donc éphémère. Toutefois, ce septennat si controversé fut, n’en doutons pas, les années de la prise en conscience d’un « manque » politique à droite. La conscientisation d’un public classé à droite, souvent considéré comme les « harkis du système », va se développer à cette époque de deux façons, l’une culturelle, l’autre politique.

À la fin du septennat, beaucoup pensent que la droite nationale n’a plus d’avenir, ni même d’existence électorale. Pourtant, des pierres sont posées, entre le développement d’une nouvelle culture, un « gramscisme de droite » et quelques « divines surprises » électorales comme à Dreux, lors des élections cantonales de mars 1979, avec les époux Stirbois. La droite attend son heure, sans d’ailleurs que ces deux « tendances », la Nouvelle (plus culturelle) et la « populaire et sociale » (plus populaire) ne se rencontrent. Devons-nous le regretter ?

Politiquement, le nouveau septennat socialiste (et communiste) commence, pour la droite nationale, avec la même question que celle posée lors du précédent septennat giscardien : le mouvement national doit-il avoir une identité électorale propre ou être une composante de l’opposition au socalo-marxisme. Ce débat sera tranché assez rapidement, mais Giscard aura disparu, emporté par ce délicieux amalgame dont les forces progressistes ont le secret.

EuroLibertés : toujours mieux vous ré-informer … GRÂCE À VOUS !

Ne financez pas le système ! Financez EuroLibertés !

EuroLibertés ré-informe parce qu’EuroLibertés est un média qui ne dépend ni du Système, ni des banques, ni des lobbies et qui est dégagé de tout politiquement correct.

Fort d’une audience grandissante avec 60 000 visiteurs uniques par mois, EuroLibertés est un acteur incontournable de dissection des politiques européennes menées dans les États européens membres ou non de l’Union européenne.

Ne bénéficiant d’aucune subvention, à la différence des médias du système, et intégralement animé par des bénévoles, EuroLibertés a néanmoins un coût qui englobe les frais de création et d’administration du site, les mailings de promotion et enfin les déplacements indispensables pour la réalisation d’interviews.

EuroLibertés est un organe de presse d’intérêt général. Chaque don ouvre droit à une déduction fiscale à hauteur de 66 %. À titre d’exemple, un don de 100 euros offre une déduction fiscale de 66 euros. Ainsi, votre don ne vous coûte en réalité que 34 euros.

Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

Quatre solutions pour nous soutenir :

1 : Faire un don par virement bancaire

Titulaire du compte (Account Owner) : EURO LIBERTES
Domiciliation : CIC FOUESNANT
IBAN (International Bank Account Number) :
FR76 3004 7140 6700 0202 0390 185
BIC (Bank Identifier Code) : CMCIFRPP

2 : Faire un don par paypal (paiement sécurisé SSL)

Sur le site EuroLibertés (www.eurolibertes.com), en cliquant, vous serez alors redirigé vers le site de paiement en ligne PayPal. Transaction 100 % sécurisée.
 

3 : Faire un don par chèque bancaire à l’ordre d’EuroLibertés

à retourner à : EuroLibertés
BP 400 35 – 94271 Le Kremlin-Bicêtre cedex – France

4 : Faire un don par carte bancaire

Pour cela, téléphonez à Marie-France Marceau au 06 77 60 24  99

Partager :