8 décembre 2020

Giscard et la droite nationale, contre ou tout contre ?

Par Franck Buleux

Le décès de Valéry Giscard d’Estaing nous rappelle deux principaux combats électoraux, celui de 1974 dont il sortit vainqueur et celui de 1981, dont il sortit défait. Cantonnons-nous à celui qui vit son élection face à François Mitterrand.

Ce qui fonde le Giscard victorieux, c’est sa double opposition, celle naturelle à l’Union de la gauche et celle, plus personnelle et parfois jugée œdipienne, au gaullisme. Certes, Giscard fut secrétaire d’État aux Finances (1959-1962), puis ministre des Finances et des Affaires économiques (1962-1966) lors des mandats successifs du Général De Gaulle, mais il se détacha de cette influence pour fonder, en 1966, la Fédération nationale des Républicains indépendants (FNRI, puis RI), deuxième force de la majorité parlementaire. Son choix du « non » lors du référendum de 1969 entraîna probablement, si ce n’est le départ du Général, l’ampleur du résultat : 53 % des suffrages exprimés.

Giscard s’évertua alors à rassembler les droites s’inscrivant dans une posture libérale et moderne. En 1974, malgré un retard de plus de 10 points au premier tour (près de trois millions de voix tout de même) il l’emporta sur le fil au second tour, battant de 400 000 voix le député de la Nièvre, pourtant largement en tête au premier tour avec plus de 43 % des suffrages. Giscard avait donc réussi à fédérer les droites, éliminant au premier tour les Gaullistes (Chaban-Delmas plafonne à 15 %), puis les « forces progressistes », avec des communistes plus importants électoralement que les socialistes, au second tour.

La droite nationale, absente de l’élection présidentielle de 1969 (Pierre Sidos n’a pas réussi à obtenir les signatures de 100 élus de la République contrairement à l’un des « héros » de Mai-68, le trotskiste « sous les drapeaux » Alain Krivine…), est divisée. La candidature de Jean-Marie Le Pen (la première d’une longue série jusqu’en 2007) est l’arbre qui cache la forêt : le candidat du Comité de salut public soutenu par le Front national (FN) qu’il a co-fondé en 1972 n’est pas « le » candidat de la droite nationale. En effet, d’autres, s’estimant plus proches d’une mouvance « nationale-catholique », comme l’Œuvre française (OF) de Sidos préféreront le candidat modéré (mais plus « traditionaliste » au niveau sociétal) Jean Royer et d’autres, considérés comme plus modernes, soutiendront directement et activement (collages d’affiches, protection de réunions électorales…) le candidat des RI, VGE.

Peu de gens se souviennent que le Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE), structure métapolique fondée en 1968 plus connue sous le nom de « Nouvelle droite », par la voix de son secrétaire général Jean-Claude Valla (1944-2010), futur premier directeur du Figaro-Magazine, a pris position, à la « une » de sa revue Éléments, en faveur de Giscard. Ce fut la seule et unique prise de position politique du GRECE en plus de cinquante ans ! Certains diront que certaines plumes de ce mouvement furent celles de Michel Poniatowski et de Philippe Malaud, ministres-écrivains lors du septennat Giscard. Beaucoup insinuèrent que le thème de l’avortement est né dans les laboratoires « eugénistes » de la « Nouvelle droite ». Parfois même le regroupement familial fut soupçonné d’avoir été élaboré dans des structures néo-droitistes, permettant ainsi d’éviter le fait que les travailleurs étrangers prennent des épouses autochtones. Pour mémoire (oubliée), à l’époque du vote de cette loi controversée, de nombreuses condamnations d’étrangers pour viols (contre des Françaises) avaient lieu…

Hormis la métapolitique, les comités Faire front, issus d’Ordre nouveau (ON), puis du FN, créés en 1973 tiennent Le Pen comme un « homme du passé » et préfèrent s’engager en faveur de Giscard. François Brigneau (1919-2012), ancien maréchaliste et journaliste apprécié à droite par ses éditoriaux dans l’hebdomadaire Minute (qui se vend bien !), fit même la « une » du Canard enchaîné, soulignant les soutiens très à droite du candidat-député du Puy-de-Dôme. Les comités Faire front créèrent le Parti des forces nouvelles (PFN) à la fin de l’année 1974, mouvement de droite dont un des leitmotive était l’intégration dans une majorité de droite plurielle. Le départ de Matignon de Chirac, à l’été 1976, scellera la fin du rapprochement entre le PFN et Giscard, puisque des candidats de ce parti (aujourd’hui qualifié de « néofasciste ») seront présents sur la liste de Chirac à Paris (« Union pour Paris ») entraînant la débâcle électorale du candidat de l’Élysée, Michel d’Ornano, alors maire sortant de Deauville.

Du GRECE au futur PFN, Giscard avait su, par sa volonté de rénover la droite, obtenir le soutien, dès le premier tour, de femmes et d’hommes qui pensèrent, à tort, que la droite nationale pouvait être une composante de l’axe majoritaire (à l’époque, à droite). Beaucoup d’anciens du groupe Occident, fondé en 1964 et dissous en 1968, seront candidats du Parti républicain (PR) – qui a succédé aux Républicains indépendants en 1977 – en 1978 comme Gérard Longuet (qui rédigea en son temps le programme économique initial du FN), Hubert Bassot ou Alain Madelin.

En 1974, l’Union de la gauche semblait avoir décomplexé les droites, leur union ayant permis à un candidat, que l’on a dit très proche, en son temps, de l’OAS, de vaincre avec près de 51 % l’élection suprême la plus serrée de la Ve République, celle – aussi – qui connut le moins d’abstentionnistes (moins de 13 %). L’Union de la gauche contre l’union des droites (sans accord commun, c’est le défaut de ces courants de pensée) ne laissait qu’une place résiduelle aux autres mouvements puisque Giscard avait aussi absorbé une partie des gaullistes, via le soutien de « l’appel des 43 » parlementaires de l’UDR (Union des démocrates pour la République, parti gaulliste avant sa disparition au profit du RPR, en décembre 1976) entraîné par Jacques Chirac.

Les RI (Républicains indépendants) permirent à de nombreux militants venus de la droite nationale de concourir aux élections, parfois d’être élus et même, consécration ultime, de devenir ministres de la République. En mars 1977, dans la commune de Pontarlier, dans le Doubs, le quotidien de référence Le Monde dénonçait même une liste contre le président de l’Assemblée nationale, le radical Edgar Faure, emmenée par un RI « venu d’Occident » ! Occident était partout.

On pouvait donc nourrir certains espoirs au début du septennat même si le FN faisait figure d’« épouvantail », c’est-à-dire de groupe de nostalgiques d’une extrême droite révolue et sans avenir électoral. Les 0,74 % de Le Pen en 1974 faisaient alors figure de contre-référence. Depuis lors, le courage de se présenter (après l’échec de Tixier en 1965 et l’absence de 1969) l’emporte sur le score lepéniste puisque c’est le maintien de Le Pen sur la scène médiatique qui lui permit, dix ans plus tard, d’imposer le mouvement national au sein de l’arc politique, en dehors de toute union bloc contre bloc.

Pour en revenir à Giscard, cette tentation d’union se brisa sur les rochers des influences centristes, voire de gauche, de sa propre majorité. Le radical fanatiquement anti-Poujade en 1956, fondateur de L’Express en 1953, Jean-Jacques Servan-Schreiber (1924-2006) eut plus d’influence que Jean-Claude Valla lors de ce septennat.

Pierre Poujade lui-même revendiquait sa participation active et décisive à la victoire de Giscard, estimant que son soutien avait permis, via des courriers ciblés auprès des commerçants et des artisans, de créer l’écart du second tour avec Mitterrand.

Poujade, le mouvement Occident, Ordre nouveau, les comités Faire front, le GRECE… Tout semblait réuni pour que la droite française devienne un des piliers du régime. La formation en 1972 de l’Union de la gauche n’avait-elle pas induit cette « contre-union » ?

En juin 1979, Simone Veil (1927-2017) est la tête de liste des giscardiens et des centristes lors de la première élection des députés européens à l’Assemblée de Strasbourg et l’ancien (sic) maoïste, Jean-Paul Sartre (1905-1980), ancien de la Gauche prolétarienne (GP), monte les marches de l’Élysée. Lorsqu’un ancien thuriféraire des crimes du communisme le plus sanglant vient défendre la cause humanitaire « Un bateau pour le Viêt-Nam » dans les salons élyséens, la boucle est définitivement bouclée.

En juin 1979, le PFN avec sa liste « Eurodroite » emmenée par l’ancien candidat à la présidentielle, Jean-Louis Tixier-Vignancour et les « socioprofessionnels » de droite avec Pierre Poujade, Philippe Malaud, Jacques Médecin et Pierre Descaves (futur cadre du FN) n’obtiennent même pas 3 % des suffrages exprimés avec deux listes concurrentes. Le Pen est absent du scrutin, faute de moyens financiers et de perspectives électorales. La droite nationale, qui semblait faire partie de la victoire de 1974, a quitté la majorité avec armes et bagages et ne semble pas dans la possibilité de renaître. À ce moment, les bons scores des époux Stirbois à Dreux lors des élections cantonales de 1979 (plus de 10 %) passent (encore) inaperçus.

Le septennat giscardien s’achève donc entre les attentats, le « suicide » de Boulin, les scandales, la médiatisation de la FANE et des révisionnistes et la percée illusoire d’un « populisme médiatique » soutenu par Charlie Hebdo, sous la forme de la vraie fausse candidature de Coluche, permettant fin 1980 une mobilisation des jeunes sur les listes électorales.

La droite nationale n’est pas morte, mais pour cela, il faudra attendre la fin du président Giscard. Ce sera chose faite le 10 mai 1981.

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