Être de gauche, c’est pas une vie
par François Marchand, romancier.
S’il fallait démontrer qu’être de gauche, c’est encore pire qu’être de droite, les primaires auxquelles on vient d’assister en offriraient une preuve éclatante. Car même le type de droite le plus crevard n’aura jamais l’idée saugrenue d’aller voter aux Primaires de gauche, c’est-à-dire de signer un engagement à partager ses valeurs et de choisir avec une mine de chien battu entre M. Montebourg, M. Hamon ou M. Valls. Il a autre chose à faire, par exemple réfléchir à différentes stratégies de défiscalisation. Tandis que l’homme de gauche, fou d’abstraction, intoxiqué d’idées généreuses et fausses depuis plus de deux siècles, est désormais comme un drogué incapable de se passer de sa came plus de dix minutes. Si le dealer habituel n’est pas là, il va marcher deux heures sous la pluie pour aller en trouver un autre, même s’il sait que c’est de la merde.
Cela fait des mois que je vois avec stupeur des amis de gauche, toujours désormais en retard d’une guerre, retenir leur souffle à l’idée de battre Sarkozy. Que celui-ci puisse apparaître comme un danger pour quoi que ce soit, c’était déjà étonnant. Mais, une fois cette éviction acquise, j’ai eu la surprise de voir ces mêmes électeurs voter à nouveau au second tour, cette fois-ci pour « faire barrage » à Fillon, qui doit, cela m’avait échappé, être lui aussi constitutif d’un danger fasciste. Cela confirme en passant que la gauche n’a qu’une obsession, l’élimination totale de tous ses ennemis, même fantasmés, les uns après les autres. Sauf qu’elle rate désormais quasiment toutes ses cibles, ce qui est réconfortant.
L’homme de gauche en fait est complètement perdu : sous l’effet d’impulsions contradictoires subies depuis trop longtemps, il est comme un rat de laboratoire sur le point de succomber à l’expérience scientifique menée sur lui.
Ne manque désormais plus que la distrayante perspective suivante : qu’un jour il y ait une Primaire au Front National, comme d’ailleurs M. Collard vient de l’envisager pour 2022. On y verra alors nos amis de gauche aller, la mine grave, signer la charte des valeurs du Front, verser leurs deux euros, et ensuite choisir lequel des candidats semblera le plus sûr barrage à l’extrême droite.
« Que faire ? » titrait très justement le camarade Lénine. « N’importe quoi » semblent lui répondre ses épigones un siècle plus tard. Ils ont beaucoup de chance qu’il ne soit plus là.
Pour lire l’entretien avec François Marchand ((propos recueillis par Fabrice Dutilleul) sur Eurolibertés : cliquez ici.
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