Le problème avec Éric Zemmour, c’est que ceux qui le vouent aux gémonies ne l’ont souvent pas lu, au même titre d’ailleurs, que ceux qui le portent aux nues. D’où mise au point.
Éric Zemmour vient de sortir son nouveau livre, déjà en tête des ventes d’Amazon, recension des chroniques qu’il accorde à RTL, deux fois la semaine depuis quelques années. Comme à l’accoutumée, il y prédit la disparition plus ou moins programmée de la France. Pessimiste foncier, cet essayiste, à force de verser dans « l’extrême droite », ne s’inspirerait-il pas de ce qu’elle peut produire de plus nigaud ?
La preuve par RTL ? Ainsi, cette semaine dernière, devant un Yves Calvi pour le moins médusé, Éric Zemmour affirme que « l’islam n’est pas une religion, mais une loi, un projet politique ». Concept effectivement défendu par quelques musulmans de l’espèce ahurie, mais pas toujours vérifié dans les faits depuis ces derniers siècles.
Nonobstant, certains islamistes de combat ne disent pas autre chose, forts d’une lecture littérale du Coran, paradoxalement la même que celle des militants anti-islam. Zemmour assure avoir lu l’ensemble de la littérature islamique ; on ne lui barguignera pas cet état de service, quoiqu’il ne soit pas le seul dans ce cas.
Mais, lire le Coran, c’est bien et à la portée du premier venu. Le comprendre est une tout autre affaire : il y a plus de mille ans que les théologiens les plus lettrés n’en finissent plus de se mettre d’accord sur une juste interprétation de leurs textes saints…
Mais cette connaissance livresque, consistant à s’approprier la littérature « ennemie » pour mieux connaître « l’adversaire » peut également s’apparenter à une sorte de connaissance inutile. En effet, quel meilleur spécialiste de la culture juive que l’antisémite érudit, de l’espèce obsessionnelle ? Qui, mieux que le militant d’extrême gauche, connaît les méandres de l’extrême droite ? Connaissance inutile donc, puisque consistant à combattre et non point à comprendre les motivations profondes de cet « autre » donné arbitrairement pour « ennemi »…
Là ou Éric Zemmour commence à sérieusement se vautrer droit dans les orties, c’est lorsqu’il évoque l’Opération Ronces, de longue date mitonnée dans les états-majors de l’armée française et censée mettre en échec de possibles émeutes de banlieues. En la circonstance, il fait mine de sortir un scoop, fut-ce devant un Yves Calvi passablement incrédule, alors que ces « plans » sont connus depuis les années quatre-vingt-dix du siècle dernier par tous les journalistes s’étant un tant soit peu penchés sur les problèmes de sécurité nationale.
Pour l’aspect factuel, Zemmour dit vrai. Pour les conclusions politiques qu’il en tire, c’est une tout autre affaire : « C’est la bataille d’Alger qui recommencera ». Pis, ce plan « a été mis au point avec l’aide des spécialistes de l’armée israélienne qui ont transmis à leurs collègues français leur expérience à Gaza. La comparaison vaut tous les discours ». Certes, mais à condition de distordre temps, peuples et lieux.
En Algérie, les nationalistes du FLN et autres organisations concurrentes incarnaient un mouvement de libération nationale vis-à-vis d’un Pouvoir de type postcolonial, nationalistes qui ne pouvaient que gagner, sachant qu’un million de colons européens ne pouvaient, à terme, dominer une dizaine de millions d’autochtones dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils jouaient un peu à domicile.
Pour ce qui est de la question palestinienne, il s’agit encore d’une tout autre configuration historique n’ayant que peu à voir avec l’actuelle situation de « nos » Français d’origine maghrébine et de confession musulmane vivant en France. Car le Grand remplacement cher à Renaud Camus, les Palestiniens en savent aussi quelque chose, à Gaza, et ce n’est pas en les écrasant à grands coups de bombes, en les affamant qu’il sera possible de régler un jour cette épineuse question, à moins de vouloir transformer nos banlieues en prisons à ciel ouvert…
Plus grave encore, pour un Éric Zemmour aujourd’hui victime de la très médiatique réduction ad hitlerum, c’est lorsqu’il accuse ses contradicteurs d’être des « collabos », Yves Calvi et son partenaire de débat, Nicolas Domenach, en tête. « Collabos », tel est le mot, mais qui n’a ici strictement aucun sens.
Réduction ad hitlerum, une fois encore. Car si à en croire les médias dominants, le FN fut un peu « nazi », Zemmour l’est aussi, fut-ce en devenir, et la matinale de la première radio de France dans la foulée, puisque donnée pour « collabo ». Et là, le polémiste s’énerve sûrement dans son désir de bien faire, quand sombrant dans l’anachronisme reproché si souvent, et ce à juste titre à ses contradicteurs d’ondes et de papier. Eh oui, n’en déplaise à notre éditorialiste vedette, l’occupation de 1940 n’a rien à voir avec l’immigration de masse que la France endure aujourd’hui. Et ces histoires de « Cinquième colonne » méritent tout, hormis cette hasardeuse comparaison…
Il est du droit d’Éric Zemmour de pratiquer ce douteux amalgame. Il est aussi du devoir de certains de le lui faire remarquer.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.
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Ancien directeur du bi-mensuel Flash !, journaliste au site Boulevard Voltaire, collaborateur de revues (Éléments et Réfléchir & Agir), il est l’auteur d’une douzaine de livres, romans, documents historiques. Dernier livre paru : Les Grands Excentriques (Éd. Dualpha, préface d'Alain de Benoist).