À Rome, fais comme les Romains… sauf à Beyrouth !
« À Rome, fais comme les Romains ». D’évidence, Marine Le Pen a préféré faire l’inverse, à l’occasion de son déplacement au Liban : « À Beyrouth, fais comme… tu veux ». La présidente du Front national (FN) a été reçue par le président libanais, le Premier ministre, le patriarche maronite, le dirigeant du parti des Forces Libanaises Samir Geagea, le président du parti Kataeb Samy Gemayel, Ziad Shbib le Gouverneur de Beyrouth, Gebran_Bassil, Ministre des Affaires étrangères. Autant dire que son voyage avait toutes les apparences d’une rencontre officielle avec, notamment, les plus hautes autorités de l’État du Liban.
Son agenda prévoyait, en outre, un rendez-vous avec le Grand Mufti du Liban. À son arrivée dans les bureaux de ce dernier, à Beyrouth, un voile a été tendu à la présidente du FN qui s’est fendue d’un tonitruant refus : « La plus haute autorité sunnite du monde n’avait pas eu cette exigence, par conséquent je n’ai aucune raison de… Ce n’est pas grave, vous transmettrez au Grand Mufti ma considération, mais je ne me voilerai pas. »
Le service de presse du Grand Mufti a déclaré dans un communiqué que l’équipe de Madame Le Pen avait été informée la veille de la nécessité de porter le voile en présence du Grand Mufti. Elle avait alors fait savoir qu’elle ne le porterait pas, mais l’invitation n’avait pas été annulée.
En dépit d’une présence paternelle singulière qui eût pu endiguer les propensions amollissantes de son époque, Marine Le Pen, demeure foncièrement une femme de son temps. Issue de la génération de Mai 68, elle n’a pas le goût des contraintes et visiblement, encore moins celles qui sont inhérentes aux « gentlemen’s agreement » des relations internationales.
Sa théâtrale rebuffade est, constitutive, cependant, d’une triple faute. Une faute politique, d’une part, car elle a manqué une occasion inespérée de montrer qu’il n’y avait aucune raison de se dérober aux coutumes d’un pays hôte. Elle se voyait offrir sur un plateau d’argent la possibilité d’expliquer, par une habile communication politique, que son geste, loin d’être un acte de soumission, reflétait, au contraire, le désir profond de respecter les traditions, us et coutumes (fussent-elles « archaïques », à la lumière trompeuse de ses préjugés européo-centrés, ce qui est un autre débat) du pays d’accueil, comme elle souhaiterait, par élémentaire réciprocité, que cela fût en France.
Une faute contre la bienséance, ensuite, car elle n’a, semble-t-il, jamais induit les conséquences de son geste qui pouvait légitimement heurter dans un pays appartenant à une aire géographique et culturelle où, d’une part, le sens de l’hospitalité est porté à un haut degré de considération et où, d’autre part, volens nolens, la valeur et la place accordées à la femme sont fonction de représentations mentales irriguées par un substrat historique, anthropologique et religieux des plus anciens. « Un homme [et, a fortiori, une femme] ça s’empêche » disait le pied noir Albert Camus.
Enfin, une faute morale relevant d’un insupportable péché d’orgueil ethno-centré reposant sur un laïcisme aveugle et dogmatique. Affirmer que « la plus haute autorité sunnite du monde n’avait pas eu cette exigence [de port du voile] » est tout simplement inepte, pour ne pas dire plus, car c’est abusivement et fallacieusement concevoir l’Islam comme une organisation universelle hiérarchiquement organisée, ce qu’il n’est, évidemment, pas. En l’occurrence, la comparaison implicite avec l’Église catholique tourne à la plus folle déraison.
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