Big Brother en visite officielle au Danemark
« Verba rebus imprimere (Mettre des mots sur les choses) » (Cicéron).
Christiansborg, 11 janvier 2017. Marie Krarup, députée au Parlement danois, questionne le ministre des Affaires Étrangères Anders Samuelsen au sujet de East-Taskforce, organisme chargé depuis 2015 par l’Union européenne de traquer et de dénoncer toute désinformation dirigée contre l’Union européenne en provenance prioritairement de la Russie. Les coupables sont fichés sur une liste noire.
Marie Krarup s’inquiète du sort d’Iben Tranholm, catholique fervente, qui a participé pendant des années à des émissions religieuses de DR (Radio Danmark). Elle a suivi avec intérêt la renaissance de l’église orthodoxe dans l’ancien empire soviétique. Elle se retrouve aujourd’hui sur une liste noire d’agents d’influence de Poutine, coupable de faire de la désinformation en Europe. Dans un article d’octobre 2016, elle avait accusé l’UE « de trahir le christianisme en s’ouvrant à un flux migratoire trop massif… »
Au nom de la liberté d’expression
Marie Krarup déplore que East Taskforce « criminalise les points de vue critiques sur l’Union européenne et sur l’islam. »
Le ministre (du parti libéral) Anders Samuelsen réplique : cette institution fait un excellent travail « en dévoilant la désinformation pro-Kremlin – qu’il s’agisse de la guerre en Syrie, du conflit en Ukraine et des relations en Europe ». Mais pas seulement.
Marie Krarup souhaiterait que des désinformations éventuelles débouchent sur un débat démocratique. Pas question.
En France, émettre des propos critiques sur l’islam risque de vous voir condamner pour racisme. Livrer ses propres opinions sur des sujets aussi divers que les divisions qui menacent la survie de l’Union européenne, les violences commises au nom de l’Islam ou les responsabilités des puissances occidentales dans la guerre de Syrie et d’Irak, vous promettent de la part de l’Union européenne une place sur la liste noire. Vous êtes objectivement un agent d’influence de Vladimir Poutine.
L’ennemi
Entendons-nous : en ces temps de catastrophe, la liberté d’expression est un luxe et la censure une nécessité. Parler de la crise des valeurs européennes, c’est tendre la main à l’ennemi. Nier que l’islam soit une religion de paix d’amour et de tolérance est une déclaration de guerre. Dire que l’intervention des forces russes en Syrie est un succès est une hérésie.
Exact : dans une guerre, la première victime est la vérité. Et le mensonge une arme. Nous devons pouvoir désigner l’ennemi. C’est même le fondement des théories sur la guerre qui, depuis Von Clausewitz jusqu’à Carl Schmitt, en soulignent l’importance. Sache qui est ton ennemi et qui ton ami.
Le ver dans le fruit ?
Il y a pourtant un souci : souvenez-vous de George Orwell et de son 1984, du Ministère de la Vérité et du slogan « L’ignorance, c’est la force ». Aurions-nous aujourd’hui une « Task force de la Vérité » arborant le même slogan ?
La résolution n° 59 de l’Assemblée des Nations Unies (FOI, Freedom of information), les articles 19 et 30 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ne sont-ils pas là pour nous rassurer ?
Ne soyons pas naïfs.
Totalitaire, l’Union Européenne ?
Qu’un organe de l’Union Européenne la [Iben Tranholm] place sur une liste d’agents d’influence de Poutine qui répandent de la désinformation et par conséquent s’efforcent de saper l’Union Européenne, voilà qui est incompétent et ridicule. Cela en dit beaucoup sur la totalitaire Union Européenne et bien peu sur Iben Tranholm.
Il en faut beaucoup pour qu’un universitaire danois de renom fasse une telle déclaration en réplique aux déclarations du ministre et aux menaces contre les libertés que contient le programme du East Task Force.
Verba rebus imprimere, c’est la devise que le romancier francais d’origine russe Andreï Makine fit graver sur la lame de son épée d’académicien. Qu’elle inspire une attention soutenue aux discours et aux actes qui sapent aujourd’hui les fondements de notre civilisation européenne.
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Philippe Randa,
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