18 juin 2022

Entretien avec Philippe Chiaverini, auteur de Charles le félon

Par Fabrice Dutilleul

« Le Discours de Brazzaville
puis, surtout, ses promesses aux Pieds-Noirs,
ne constituèrent que d’affreux mensonges,
qui se réglèrent dans le sang de tous ceux qu’il sacrifia à ses crimes,
notamment de tous les Harkis dont il permit l’égorgement,
après avoir refusé de les rapatrier »

Entretien avec Philippe Chiaverini, auteur de Charles le félon (éditions Dualpha)

(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)

Philippe Chiaverini est né à Alger en 1943 d’un père avocat et d’une mère directrice d’école. Dès l’adolescence, il milita pour le maintien de l’Algérie à la France qui lui valut quelques petits ennuis judiciaires et à l’issue de son service militaire, il entreprit des études de droit et de sciences politiques à Paris et ce, il est vrai, conformément à la tradition familiale chez les Chiaverini. Administrateur civil , juge administratif, professeur d’université associé, il prit sa retraite de fonctionnaire de façon légèrement anticipée pour revêtir la robe d’avocat et offrir souvent ses services de juriste à ses anciens camarades. Parallèlement à son activité professionnelle, il a écrit des manuels de droit, des romans historiques, des nouvelles et de nombreux articles. Il vit à Bastia dans l’île de ses ancêtres. Il aime à dire : « Un Corse s’absente, il n’émigre pas. »

Vous avez été un acteur du combat pour le maintien de l’Algérie française… Dans quelles circonstances ?

Mon engagement partisan résulte d’une Histoire familiale, tout entière tournée vers la France et son Armée. Plusieurs de mes ancêtres combattirent pour le Second Empire, époque à compter de laquelle certains d’entre eux mirent d’ailleurs pied, sous l’uniforme, sur le territoire d’une Algérie qui restait à pacifier.

Durant ma jeunesse, ce culte restait d’autant plus vivace que mes deux grands-pères, alors toujours vivants, avaient été officiers de tirailleurs. Mon père, officier de réserve, entretenait une réflexion, couplée à un militantisme politique d’affiliation bonapartiste, sur le maintien de son Empire à la France. Quant à mon frère Ivan, il effectuait son service militaire en qualité d’officier parachutiste.

Il est donc peu de dire que j’étais familialement prédisposé, charnellement attaché même, à la cause patriote de la défense d’un Empire, qui avait été grand et s’avérait, hélas, de plus en plus finissant.

Souhaitant lutter pour l’Algérie française, j’ai participé, encore très jeune, aux barricades du 24 janvier 1960, puis fort modestement au putsch raté d’avril 1961. Constatant, après cette date, la faillite d’une institution militaire, dont la majeure part des cadres et des unités se faisait la complice objective du déclin français, je n’ai aucunement cherché à m’y engager à mes 18 ans mais, bien au contraire et tout naturellement même, j’ai rejoint l’OAS, dès que j’ai pu trouver la façon d’y entrer.

J’y ai intégré le commando du quartier centre d’Alger, placé sous les ordres du capitaine de légion Branca, un Corse de Bocognano. Mon action au sein de ce véritable corps franc qu’était l’Armée secrète peut se résumer de la manière dont La Hire, compagnon de Jeanne d’Arc, rendait compte de la sienne en un temps où la France était tout autant en proie à la division et la trahison : « J’ai fait tout ce qu’un soldat a l’habitude de faire en temps de guerre ; pour le reste, j’ai fait ce que j’ai pu. »

Pourquoi ce terme de « félon » pour qualifier Charles de Gaulle ?

Le terme de félon renvoie au domaine de la sacralité, puisqu’il se rapporte à une violation de la parole donnée. C’est une notion qui, dans l’irréligiosité dans laquelle se voit plongée l’époque actuelle, passe pour vieillie et peut-être même anecdotique mais qui, tout au long de l’Histoire, s’est révélée fondamentale. D’ailleurs, même aujourd’hui, certains pays, dont l’état de décomposition morale s’avère un peu moins avancé que celui de la France, érigent le parjure en crime. Chez nous, un ministre peut benoîtement proclamer que son rôle consiste à mentir ; aux USA, un tel fait, lorsqu’il est judiciairement établi, vous envoie quelques années derrière les barreaux. C’est là où nous regrettons que les « young leaders », que la CIA promeut chez nous, ne développent pas une américanophilie qui les pousse à faire carrière outre-Atlantique, où leurs exploits de prestidigitateurs du vrai et du faux trouveraient peut-être leur juste rétribution.

Pour en revenir à De Gaulle, mais de façon non moins polémique, les errances de sa carrière permettent au terme de félon de lui aller comme un gant et c’est tout naturellement que je le lui applique. Car un félon est un traître ; traître à son serment, traître à son allégeance. Aux temps féodaux, rien n’équivalait la gravité de la félonie d’un vassal à l’encontre de son suzerain. Car, en manquant à sa parole, non seulement le félon offensait Dieu, devant qui il avait juré, mais, concrètement, rompait la confiance qui lui avait été accordée et donc rendait impossible la moindre notion de stabilité et d’ordre social. Par sa propension à la trahison, le félon, fondamentalement, se révélait porteur de chaos et d’anarchie ; par lui pleuvaient les calamités.

Or, de Gaulle fut félon. Non pas à un suzerain, même si ses origines aristocratiques avaient pu le faire taxer d’infidélité à la cause d’une restauration dynastique. Mais à son Souverain qui, depuis 1789, s’avère, en France, n’être que le Peuple et nul autre, en dépit des prétentions de certains à s’y substituer. Et de Gaulle trahit la France, par deux fois au moins, c’est-à-dire le Peuple de France.

En 1940, sans aucune délégation pour ce faire, non content de fuir à Londres alors que les opérations militaires continuent, il s’arroge un commandement qu’il ne reçoit de personne d’autre que de ses propres foucades et se mêle d’interférer avec le gouvernement légal, lançant le mythe du 18 juin, en dépit même du fait que les combats se poursuivent jusqu’au soir du 21 juin. Un petit-cousin, marsouin au 23e RIC, tombé ce dit jour dans le secteur Paray-Xeuillay en Lorraine, aurait pu en témoigner. En dépit de la légende dorée forgée Après-Guerre, de Gaulle, durant toute cette période, non seulement s’avéra incapable de participer efficacement à la lutte contre les Allemands (qu’on veuille bien se souvenir de son inaptitude à la Bataille de Montcornet) mais se met au service d’une Angleterre qui s’apprête à nous faire subir Mers-el-Kébir, à bombarder activement les villes françaises, puis, de concert avec les USA, grands gagnants de la guerre, à réduire notre influence mondiale à rien. Et, ce, sans jamais lui-même s’exposer au feu, n’ayant pas même le panache d’un Giraud, auquel il taillera plutôt des croupières, avant de faire embastiller le Maréchal Pétain qui, quels que pussent être ses incomplétudes, essaya de sauver les meubles et fut d’ailleurs son mentor, auquel de Gaulle, depuis le temps où modeste secrétaire il tenta de s’attribuer l’œuvre théorique du vainqueur de Verdun, n’épargna décidément aucune avanie.

Sa seconde trahison, la plus connue, ne constitue jamais que la résultante de la première. En concourant à l’édification d’un monde où les vainqueurs américano-russes de 1945 déniaient à l’Europe continentale d’exister et donc de pouvoir exercer la moindre influence géopolitique réelle, de Gaulle avait préparé la liquidation de l’Empire colonial. Le Discours de Brazzaville puis, surtout, ses promesses aux Pieds-Noirs, ne constituèrent que d’affreux mensonges, qui se réglèrent dans le sang de tous ceux qu’il sacrifia à ses crimes, notamment de tous les Harkis dont il permit l’égorgement, après avoir refusé de les rapatrier. Il porte l’entière responsabilité de cette abjection, restée comme une flétrissure sur l’honneur de la France.

Dans son prélude, Régis Guillem parle de « charge juridico-politique »… Est-ce à dire que vous avez laissé libre cours à votre charge émotionnelle sur fond de déformation professionnelle pour rédiger ce livre ?

Dans sa postface, mon fils cite une réplique du film Le Président, par laquelle Beaufort alias Gabin souligne qu’on dispose d’une moins bonne vue d’ensemble quand on vit les choses de trop près. Et, certes, je n’aurais pas la malhonnêteté de ne pas prétendre à une dose de partialité dans mon analyse, dans la mesure où j’ai été un témoin et même un acteur, sans doute modeste, d’une partie des évènements que j’aborde.

Cette implication émotionnelle, qui perce parfois sous le ton de ma plume, ne m’empêche cependant pas de tenter de décortiquer plusieurs des mécanismes à l’œuvre dans le personnage de De Gaulle, ainsi que dans le régime qu’il a voulu à son image. Disons que mon parti pris, qui autorise à placer mon ouvrage dans la catégorie polémique, ne s’autorise aucune liberté avec l’analyse historique. J’examine les faits, qui sont largement documentés, et en souligne les ombres et les turpitudes.

Avoir vécu la période offre une facilité d’étude, sur laquelle buttent souvent ceux qui raisonnent depuis le seul aujourd’hui, à savoir être davantage conscient que le régime gaullien ne constitue pas l’acmé de l’Histoire française. En replaçant cette parenthèse politique dans le temps long, plutôt que de la constituer en fétiche par comparaison stérile avec l’actuel temps de déliquescence intégrale, il est plus aisé d’en pointer les failles et l’immense régression qu’il opéra, ne serait-ce que par rapport au régime, pourtant dévalué par beaucoup, de la IIIe République, lequel ne s’autorisa pas le quart des renonciations opérées par un général, nommé d’ailleurs par elle à titre provisoire, que sa mégalomanie, en dépit de ses piètres talents tacticiens et stratèges, conduisit à se penser connétable, puis carrément monarque.

Vous abordez le thème de la violation des institutions par le général de Gaulle : aurait-il vraiment commis des crimes dont il aurait pu répondre devant une instance juridictionnelle et laquelle ?

Votre question m’amène à relier ma réponse aux précédentes. Car le crime de de Gaulle fut de perpétrer une trahison, aggravée par sa position de chef de l’État. Une fois débarrassé de la nébuleuse mensongère qui, depuis plusieurs décennies, s’obstine à le présenter au pays comme son sauveur, il passera à la postérité pour ce qu’il est, à savoir un Roi félon. Mon vécu me pousserait presque à le hisser au rang de Roi des Félons, mais il s’agirait là, pour lui, d’un titre quelque peu exagéré et presque par trop flatteur ! Même en ce domaine, le personnage ne peut prétendre à une absolue maîtrise, Ephialtès de Trachis, traître à la Grèce aux Thermopyles, lui rendant des points.

Vous m’amenez donc à aborder deux points.

Le premier est juridique et plonge ses racines dans notre Ancien Droit, qui constitua en Loi fondamentale du Royaume de France le principe d’inaliénabilité du domaine royal. Celui-ci signifiait que le Monarque, même sacré, ne pouvait disposer comme il l’entendait du territoire qu’il régissait mais se voyait imposer l’obligation de le maintenir à la Couronne. Bien sûr, des revers militaires d’importance pouvaient contraindre le Roi en exercice à abandonner la souveraineté effective sur des portions dont s’emparait l’ennemi. Néanmoins, ces concessions résultaient du sort des armes et, surtout, étaient considérées comme provisoires, dans la mesure où l’axe politique poursuivi à travers les siècles était non seulement de « mettre la France, partout là où était la Gaule » mais encore que toute terre ayant été française un jour avait vocation à le redevenir. Axiome que Napoléon reprit à son compte et que les membres de la Coalition, lors du Congrès de Vienne, contestèrent avec force à la France de Louis XVIII.

Or, et comme déjà sous-entendu, les régimes continuateurs de la Monarchie de droit divin adoptèrent ce principe d’inaliénabilité. Les différentes constitutions adoptées depuis celles de 1791 soulignèrent l’indivisibilité du pays, que l’article 1er de celle de 1958 consacre à son tour. De Gaulle ne possédait donc pas le pouvoir de scinder les départements d’Algérie du reste de l’ensemble national, pour les offrir à une entité extérieure constituée de cadres FLN basés au Caire et d’une ALN repliée en Tunisie. Le recours de la procédure référendaire de l’article 11 constitue, en ce sens, une hérésie absolue et mon livre examine en détail la chose. J’en arrive à la conclusion que de Gaulle, en ayant violé la Constitution qu’il avait lui-même fait adopter, s’exposait à être jugé pour crime de haute trahison par la Haute Cour de justice, prévue au titre IX de la Norme suprême de la Nation.

Mais, outre le domaine du Droit, il existe aussi la question de la légitimité politique, qui est ici mon deuxième point, pour partie imbriqué dans le précédent. Car nous sommes en droit de nous interroger sur les fondements du Pouvoir. Sans entrer dans les méandres de la distinction, romaine puis chrétienne, entre Potestas et Auctoritas, qu’est-ce qui fonde l’obéissance due par ceux qui composent le Peuple aux hommes qui prétendent les gouverner ? Il s’agit, à parts égales, des notions de protection et de justice. Celui qui commande tient à la fois le bouclier et le glaive.

Dans notre Histoire, cet alliage d’évidence passa par les phases de figuration même de la personne royale. Au Roi guerrier, total archétype des deux premières races, succédèrent insensiblement, sous les Capétiens, les représentations de Roi justicier, puis celles, après une construction davantage poussée de l’État, de Roi législateur. Il n’en demeure pas moins que ces fonctions restèrent imbriquées et que chacun attendit toujours de vivre sous un régime qui assurât sa subsistance, sa paix et sa tranquillité.

Bien évidemment, les modalités exactes de la mise en œuvre de la légitimité varièrent avec le temps. Le Roi franc, qui meurt à la tête de ses troupes lors d’une défaite, à l’instar de Clodomir à la bataille de Vézeronce de 524, ou légifère sur le wergeld, n’est évidemment pas tout à fait identique au Roi Bourbon qui, tel Louis XV, présent à la bataille de Fontenoy de 1745 mais acceptant plus tard de signer le Traité de Paris de 1763 qui cède au même ennemi anglais la Nouvelle France, ou qui, tel Louis XVI, abolit la Question en 1788. Néanmoins, chacun, à sa manière, s’essaie, dans la victoire, à fortifier le domaine sur lequel s’exerce son règne.

Que penser, alors, d’un « monarque républicain », ainsi qu’est dénommé, depuis ses débuts, le Président de la Ve République, qui, non content de s’asseoir sur son propre droit, restreint le territoire de son Peuple et livre des pans entiers de celui-ci à ses ennemis, en dehors de toute défaite ? Et même, comble de l’ignoble, alors que ses troupes sont parvenues à être victorieuses et éradiquer du sol algérien les ferments contestataires ? Quelle considération un tel chef d’État mérite-t-il devant la loi des Hommes et le Tribunal de l’Histoire ?

Il m’est d’avis que, bien davantage qu’à César Borgia, chez lequel le courage, la persévérance et un certain panache ne se démentirent guère, peut s’appliquer à De Gaulle la formule assassine : « Aut Caesar, aut nihil, dixit ; utrumque fuit ! » Ou César, ou rien, disait-il ; il fut un peu l’un et surtout l’autre !

Charles le félon, Philippe Chiaverini, éditions Dualpha, Préface de Robert Saucourt – Prélude de Régis Guillem – Postface de Damien Chiaverini, 226 pages, 25 euros. Pour commander ce live, cliquez ici.

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