8 décembre 2025

Pourquoi les hommes peuvent-ils être cruels ?

Par Jill-Manon Bordellay

On commémore les 10 ans des attentats terroristes du 13 novembre 2015. Ces attentats, les plus meurtriers jamais perpétrés en France, ont fait 132 morts et des centaines de blessés. Les familles pleurent encore les victimes.

Le mot « terrorisme » est attesté pour la première fois en 1794, il désigne la doctrine des partisans de la Terreur. Les actes de terrorisme sont contraires au droit de la guerre et aux droits de l’homme et de ce fait hors la loi. Ce qui fait peur, c’est moins la banalité statistique que l’événement inédit, la menace imprévisible. Cette litanie des crimes qui font peur parce qu’ils font événement. Ce qui se passe depuis plusieurs années avec le terrorisme est la menace de nos corps au quotidien ; c’est une cruauté dont on peut comprendre qu’elle suscite la crainte, car ses formes sont férocement nouvelles en France et que chaque attentat est comme la première fois.

Chaque citoyen craint pour sa vie et ne sait pas, lorsqu’il sort de chez lui, s’il va revenir dans sa famille le soir. Cette nouvelle forme de cruauté hante chacun. Personne n’est sûr d’être en vie le jour suivant !

L’histoire nous présente déjà des formes multiples de cruauté. La cruauté n’est pas le propre d’une époque révolue. Elle ne se manifeste pas non plus exclusivement sur la scène des sociétés en guerre.

Elle s’exerce quotidiennement à l’encontre des femmes, des enfants, des miséreux, mais aussi des animaux, voire même le monde végétal. Mise au grand jour, elle nous apparaît de plus en plus insupportable.

Déjà, les tortures du Moyen Âge nous choquent, il suffit de remonter pour l’exemple au récit des amants de la tour de Nesle qui ont été au supplice en 1314 pour avoir aimé les belles filles de Philippe le Bel.

Leur exécution a été particulièrement cruelle. Ils furent roués vifs, écorchés vifs, émasculés, épandus de plomb soufré en ébullition, puis décapités, traînés à travers rues et pendus au gibet, y pourrissant durant des semaines. Leurs sexes, instruments du crime, furent jetés aux chiens.

La torture dans l’Histoire demeure utilisée notamment avec l’écartèlement en 1757 de Robert-François Damiens (notre illustration : Robert-François Damiens devant ses juges) pour tentative de régicide et la célèbre affaire Calas en 1761, suivie de l’affaire du Chevalier de la Barre en 1766, qui conduit Voltaire à inclure une entrée « torture » dans son Dictionnaire philosophique.

Comment justifier la torture et les actes de cruauté ? Comment les comprendre ?

Le terme de « cruauté » provient du latin « crudelitas », « cruor » qui prend plaisir devant le sang qui coule et, par métonymie, la chair sanglante qui est le fait de déchirer le corps comme l’exprimaient les Romains.

En 1869, le Grand Dictionnaire de Pierre Larousse définit la cruauté comme « l’instinct qui pousse à commettre des actes inhumains. »

Nous évitons de citer des exemples contemporains, pour nous épargner de rougir, car la cruauté des uns a toujours pour complice la faiblesse et la lâcheté des autres.

Pour Friedrich Nietzsche (1844-1900) ou Antonin Artaud (1896-1948), la cruauté est l’autre nom de la lucidité.

On confond bien souvent la cruauté avec la méchanceté, la dureté, la brutalité.

On a aussi l’habitude de dire que les actes de cruauté relèvent de la bestialité, alors que dans la nature, les relations prédateur-proie qui peuvent être d’une grande violence, montre néanmoins qu’il est exceptionnel que le prédateur ne tue pas le plus vite possible sa victime. Le prédateur tue pour survivre mais pas pour engendrer de la souffrance, il ne cherche pas à provoquer la souffrance gratuitement.

Fiodor Dostoïevski (1821-1881) a écrit : « On compare parfois la cruauté de l’homme à celle des fauves, c’est faire injure à ces derniers. »

Si bien que l’on peut dire que la cruauté est le propre de l’homme, elle ne peut exister qu’avec la conscience de la souffrance qu’on inflige. Pourtant, elle est déshumanisante en effet, comment accepter qu’il soit de nature humaine d’éprouver du plaisir devant la souffrance d’autrui alors que l’homme serait par nature empathique ?

Comment expliquer que la cruauté soit le propre de l’homme alors même qu’elle le rend inhumain ?

La cruauté serait humaine en tant que pulsion inconsciente et le tortionnaire serait ainsi rejeté de l’humanité, étant associé à une figure monstrueuse.

Si le tortionnaire est monstrueux, il refuse aussi de reconnaître dans sa victime sa propre humanité.

Lorsqu’Achille décapite Hector pour venger la mort de Patrocle, puis fait traîner son corps derrière son char, il cherche à abaisser son ennemi au point de le priver de toute humanité.

C’est ainsi que la cruauté infantile ou meurtrière suppose l’absence d’identification à l’autre, l’absence d’empathie. Le sujet cruel, contrairement au sadique, ne peut pas se mettre « dans la peau » de sa victime pour imaginer ce qu’elle ressent.

Pour Emmanuel Lévinas (1906-1995) : « Le visage est ce qui nous interdit de tuer. »

Or, il arrive aux hommes de tuer d’autres hommes, c’est même là une occupation courante et qui peut prendre, dans certaines circonstances, les guerres, les génocides, les camps de concentration, les exécutions capitales, les attentats terroristes, des proportions impressionnantes où l’homme est capable de balayer toute inquiétude morale.

Lorsque la cruauté entre en scène, les visages deviennent des masques, les personnes ne se donnent plus à voir mais s’effacent derrière un heaume figé. Le tortionnaire fait « perdre la face » à sa victime.

C’est sans doute alors que le visage d’autrui est occulté, qu’il est effacé, qu’on cesse de le regarder ou qu’on regarde en lui quelque chose qui n’est plus un visage. Dans le face à face, il n’y a plus de face ou il n’y en a peut-être plus qu’une.

Il nous faut alors noter le rapport asymétrique entre le tortionnaire et la victime.

Dostoïevski dans Les frères Karamazov écrit : « Les hommes aiment torturer les enfants justement parce que ceux-ci sont sans défense. Ils jouissent du sentiment de contrôle. »

En effet, le tortionnaire a un pouvoir de vie et de mort sur autrui. Il a le pouvoir de le faire souffrir aussi longtemps qu’il le veut. Il ne se reconnaît pas dans sa victime et lui refuse toute humanité et donc tout visage.

Parler de cruauté, c’est invoquer un ingrédient toujours susceptible de se manifester dans les relations interindividuelles. On peut être cruel en faisant languir une personne en attente d’une nouvelle importante. Mais la vraie cruauté consiste à chercher à faire perdre la face de manière patente sans échappatoire possible. Il existe en effet, des degrés différents de cruautés.

Une société peut comporter davantage de cruauté que d’autres. On peut dire qu’en période de famine que le temps est cruel. Ici, le terme est employé pour désigner un ressenti sur des aspects abstraits de l’existence (la cruauté de la vie) ou pour juger d’une suite de circonstances calamiteuses affectant des individus. Ainsi, la cruauté est sémantiquement plus proche de la malchance et de la fatalité, avec néanmoins une issue toujours douloureuse pour les victimes.

De ces acceptions multiples et complexes font que le terme de cruauté est employé sans qu’il y ait nécessairement une intention purement malveillante. Cependant l’expérience douloureuse des victimes demeure très éprouvante, et peut s’accompagner d’un sentiment d’humiliation ou de blessure narcissique intense.

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