Edouard Drumont et la France glaciaire
« Il n’est pas possible à l’observateur social de n’être pas frappé de la puissance d’expansion, de la force d’action extérieure qu’avait cette France d’autrefois. »
76% des froncés solidement contre Trump, s’émerveille l’impayable Figaro. Comme ils sont 99-100 % à être contre Poutine…
L’effondrement de la France est évident pour tous, sauf pour les retraités Tartine qui se tapent cent heures de télé par semaine (c’est un minimum en république). Après une brève et contrastée embellie gaulliste (voyez mon livre sur la destruction de la France au cinéma), vite noyée sous les quolibets et les pavés de mai 68 et l’avènement de la société de consumation frivole et socialiste, la France disparaît et elle est suffisamment gâteuse avec ses immigrés, ses bobos et ses vingt-trois millions de retraités fachos-socialos-écolos-rigolos pour défier en ce moment, à la manière d’Hitler (un remix comique de Hitler, on en revient toujours à Marx), l’Amérique et la Russie, sans oublier la Chine. Contrairement à l’Allemagne il ne reste aucune force politique de lucidité qui fasse plus de 0.5 %. Seule l’Angleterre éternellement toxique et méphitique peut comme toujours faire pire, et s’en donne à cœur joie.
Mon mal vient de plus loin, comme écrit Jean Racine. Après la raclée de 1870 et l’avènement de ce régime sous-républicain dont on ne s’est jamais remis, Drumont écrit les lignes suivantes sur cet âge glaciaire : « C’est le contraire absolument de ce que nous voyons se produire aujourd’hui. La France, comme un astre qui s’éteint, entre peu à peu dans la période glaciaire et perd sa puissance de rayonnement. Nous portions jadis tout au dehors, notre langue, nos idées, nos vins ; aujourd’hui nous recevons tout de l’Allemagne : ses Juifs, sa bière et sa philosophie, les Bamberger et les Reinach, les bocks et Schopenhauer. »
On laisse les juifs de côté car comme je l’ai montré dans mon Céline comme dans mes écrits sur Drumont, ils ne sont qu’un bouc émissaire facile et usagé. Le vrai responsable, c’est le Français moderne dont la Révolution et le monstrueux bonapartisme social-impérial ont accouchés. Voir mon Autopsie de l’exception française. Un tire-au-flanc vieilli, fumiste, festif et vérolé (au moins moralement), voilà ce dont on a accouché en devenant la lumière du monde. Cochin ou Bernanos en ont parlé mieux que personne.
Les forces de réaction ? Elles sont un leurre éternel. Drumont parle des bien-pensants de Bernanos, de nos conservateurs qui, avec Barnier, et les souverainistes cathos aux affaires achèveront tranquillement cet hexagone : « Cœurs honnêtes, mais sans flamme et sans élan, âmes timides mais voulant sincèrement le Bien, esprits exempts du doute qui a agité la génération précédente et installés tranquillement dans des croyances religieuses plus solides et moins superficielles qu’on ne l’imagine… voilà les conservateurs. »
Drumont a déjà écarté la facile et messianique-comique figure du sauveur (De Gaulle est une figure ésotérique et philosophique, comme l’avait compris mon maître et ami Parvulesco, plus qu’une figure politique – il est resté sans héritiers ou inspirateur de traîtres euro-américains).
« De cette masse grise d’honnêtes gens qui constituent le meilleur de la France, on ne voit sortir aucun dévouement exceptionnel ; on ne voit se former nulle part non plus un de ces courants qui emportent tout ; on ne voit se dessiner aucune de ces personnalités éclatantes qui semblent désignées par la Destinée pour tout sauver… »
On entre donc, dit Drumont, dans une période glaciaire (cela correspond au réchauffement climatique auquel ce crétin de pays croit dur comme fer je suppose) : « La France, la grande génératrice de généraux, de politiques, de penseurs, ne produit plus d’hommes ; comme les astres dont le foyer s’éteint graduellement, elle semble entrer dans la période glaciaire.
Le sol lui-même, si riche jadis, paraît s’épuiser ; nos grands vignobles sont rongés par de mystérieux ennemis. Grâce à la culture intensive et aux prétendues méthodes scientifiques, la terre, comme nous le disait un cultivateur, ressemblera bientôt à une armoire : on n’y trouvera plus que ce qu’on y aura mis… »
Drumont cherche les causes et va citer un philosophe militaire belge qui explique tout grâce au magnétisme passager qui habite les nations : « Peut-être est-ce une loi inévitable et à laquelle nulle nation n’échappe ? C’est la théorie développée dans un livre introuvable et qui certainement n’a pas été lu par dix personnes en France : l’humanité, sa durée. Bruck, l’auteur, est un inconnu même dans sa patrie, la Belgique ; il n’en a pas moins remué, au milieu d’un fatras confus, des idées très originales et très hautes. »
Un peu de Bruck donc : « D’après lui, c’est le courant magnétique terrestre qui, en se déplaçant, détermine la grandeur et la décadence des nations.
La civilisation, écrit-il, a sa marche tracée et parcourra successivement toutes les parties du globe par suite du déplacement d’une région nodale mobile de plus grande intensité ou de plus grande activité magnétique qui, durant une période magnétique séculaire, donne la plus grande activité magnétique ou la plus grande énergie physique et les meilleures prédispositions morales à toute une région. »
Chaque région connaît ou presque son heure : « Jusqu’à ce jour, ce qui précède s’est produit, si bien que dans les régions momentanément favorisées, les populations devenues dominantes et qui furent placées à la tête de l’humanité, ont plus spécialement brillé par l’énergie physique et la puissance lorsque la région favorisée était naturellement sous l’influence des courants magnétiques intenses, tandis qu’elles ont plus spécialement brillé par l’intelligence, par l’imagination et par leurs œuvres, lorsque les régions favorisées, occupées par elles, étaient naturellement sous l’influence de circulations magnétiques actives. »
Drumont ajoute : « La loi, toujours d’après Bruck, est que l’évolution d’un peuple-chef est terminée au bout de mille trente-deux ans. Dans cet espace de temps il a parcouru toutes les phases de son développement, il n’a plus qu’à décroître, il peut vivre quelque temps tranquille sur son passé, mais tout effort lui est funeste comme toute imprudence est fatale au vieillard; toute tentative pour s’agrandir se traduit pour lui par une diminution de territoire. »
L’heure de la France moderne allait sonner, quand le pays jouissait encore du prestige impérial : « C’est en 1862, il faut noter la date, que Bruck écrivait à notre sujet :
Voilà un peuple riche, glorieux et puissant qui se croit supérieur à tous les autres et qui a de nombreuses raisons d’être fier de son passé. Ses armées sont prêtes à renverser pour la troisième ou la quatrième fois les barrières qu’on pourrait lui opposer en Europe.
Ce peuple tient tous les autres en armes et dans des inquiétudes très grandes à la pensée des terribles événements qu’entraînerait une lutte qu’on a pu le croire et qu’on le croit peut-être encore prêt à provoquer.
Jusqu’à quel point puis-je dire à ce peuple : Tu es encore formidable aujourd’hui mais songe à la loi ; nul peuple ne vivra comme peuple-chef au-delà de mille trente-deux ans : tu es né en 843 du partage de l’empire franc à ‘Verdun ; nous sommes en l’an de grâce 1862: tu as donc mille et dix-neuf ans ; fais ton compte.
1862 + 14 = 1876
1876 aurait donc été pour nous le commencement de la fin. »
C’est presque du Jean Phaure (voyez la France mystique de mon vieil ami métaphysicien, et qui adorait la série Le Prisonnier…). Et Bruck eut son ère de gloire dans des cercles militaires éclairés. Impossible hélas de mettre la main sur ses livres sur le web. Le froncé s’en remettra…
Drumont toujours aussi visionnaire ajoute :
« Ajoutons, pour que nos voisins ne triomphent pas trop de notre décrépitude, que le courant magnétique ne se dirige pas sur l’Allemagne, il se porte vers l’Amérique. »
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas-Remi_Br%C3%BCck
https://www.academieroyale.be/academie/documents/FichierPDFBiographieNationaleTome2093.pdf#page=71
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