31 octobre 2016

La loi bioéthique contre la connaissance génétique

Par Franck Buleux

 

Une étude britannique fondée sur le peuple et la terre

Rappel des faits pour ceux qui n’ont pas lu mon précédent article sur EuroLibertés : une équipe de chercheurs de l’Université de Leicester, en Angleterre, a mené une étude pour déterminer la contribution réelle des hommes du Nord (Northmen ou Vikings) dans le patrimoine génétique des habitants du Cotentin (région située au nord de la Manche, Normandie occidentale). Le but de ces observations, peu politiquement correctes en France car fondées sur la réalité biologique (notions liées de terre et de sang…) était de déterminer les origines de la colonisation et du peuplement de cette partie de la Normandie aux IXe et Xe siècles. Pour être complet, cette étude était issue d’un travail collaboratif entre l’Université de Leicester et le Centre de recherches archéologiques et historiques anciennes et médiévales (CRAHAM) de l’Université de Caen Normandie, ceci ayant permis son autorisation.

Les historiens britanniques avaient choisi le Cotentin (après quelques hésitations avec le pays de Caux, situé en Seine-Maritime, Normandie orientale) car l’héritage scandinave y est encore très présent de nos jours. De nombreux lieux (topographie) portent des noms d’origine scandinave et les nombreuses familles aux patronymes dérivés de cette même langue (toponymie), attestent de l’empreinte laissée par les hommes du Nord lors de leur installation.

L’équipe de chercheurs va entrer en contact avec des personnes habitant dans le département de la Manche, et qui portent un patronyme scandinave. Ainsi des Manchois du nom d’Anquetil, Dutot, Equilbec, Gonfray, Ingouf, Ansgot, Lanfry, Osouf, Osmont, Quetel, Tougis, Tostain, Raoult… se sont inscrits spontanément (la démarche était, bien évidemment, strictement volontaire) pour participer à cette étude. Parallèlement à ces porteurs de patronymes à la consonance scandinave, les scientifiques ont rencontré des personnes vivant aujourd’hui dans le nord du Cotentin, dont les quatre grands-parents sont nés et ont vécu (ou vivent encore) dans un rayon de 50 km de leur lieu de vie actuel. Une vraie double notion de « terre » et de « peuple » ; vous comprenez ainsi aisément pourquoi nos médias nationaux ont peu parlé de cette démarche universitaire scientifique.

Cette permanence (liée à la toponymie et à la topographie, donc à la population et à la terre) dans la localisation géographique est un moyen très efficace d’utiliser l’ADN pour remonter dans le temps, et ce même sur de très longues périodes, ont expliqué les chercheurs pour justifier leur étude.

Cette étude biologique n’était pas la première en la matière : en effet, des analyses sanguines avaient déjà été réalisées dans des villages du nord-ouest de l’Angleterre. Elles ont permis d’isoler ledit « sang viking ». Le généticien David Goldstein a effectué cette analyse, qui a permis d’isoler, dans l’ADN certains marqueurs qui indiquent une origine viking. Pour confirmer ces premiers résultats, plus de 2 000 échantillons de salive d’habitants de Scandinavie ont été comparés. Les échantillons provenaient de lieux considérés aujourd’hui encore comme peuplés par les Vikings.

Pour en revenir à nos Normands du Cotentin, l’ADN a parlé. Et le sang normand aussi. L’étude menée en juin 2015 autour de Valognes dans la Manche sur l’ADN de 89 volontaires pour étudier l’ampleur de la colonisation d’encadrement viking a permis de préciser la « diversité » du peuplement donc effectivement la permanence des origines scandinaves, a rappelé l’historien britannique Richard Jones. En effet, la trace scandinave la plus probante est présente dans 59 % des échantillons. Même si chez ces Normands « millénaires », on a aussi trouvé des marqueurs ADN d’origines probablement germaniques, mais aussi balkaniques, d’Afrique du Nord, de Géorgie et d’Arménie !

Un peuple marqué par des gènes scandinaves et germaniques

Si l’on revient sur l’aspect strictement scientifique, les chercheurs avaient sélectionné 89 hommes. Ceux-ci avaient dû remplir un questionnaire généalogique et se soumettre à un test salivaire. Les scientifiques ont ensuite cherché une « signature viking » sur le chromosome Y (uniquement présent chez les individus de sexe masculin et transmis de père en fils) extrait des cellules contenues dans la salive. Concrètement, ils se sont intéressés aux variations génétiques présentes sur ce chromosome.

« Ces variations peuvent être regroupées selon plusieurs critères. Cela permet de classer un individu dans un « haplogroupe » particulier en fonction du type de variations détectées dans leur ADN », explique l’historien britannique déjà cité.

Donc, sur les 89 hommes ayant participé à l’étude, la grande majorité (52) représentait l’haplogroupe R1b, soit le type de variations du chromosome Y le plus répandu en Europe du Nord et de l’Ouest. Son origine, encore floue, serait à chercher du côté de bergers des steppes au nord de la mer Noire ayant immigré vers l’ouest il y a 4 000 ans : selon les experts, cette variation génétique pourrait signifier un lien indirect avec des Vikings.

En revanche, l’haplogroupe l1, retrouvé chez 11 des Normands de l’étude, suggère plus clairement une possible ascendance directe viking. Ces variations sont en effet très présentes chez les Scandinaves (plus de 45 % de la population appartient à ce groupe génétique dans certaines régions). Mais une origine germanique est également possible. En fait, « lorsque nous examinons les « empreintes » sous-jacentes de l’haplogroupe l1, certains chromosomes Y normands montrent une affinité avec les Germaniques, tandis que d’autres révèlent une affinité avec les Scandinaves », précise Richard Jones. Reste que, « il est très tentant de considérer l1 comme une marque laissée par les Vikings en Normandie, car il s’y trouve présent approximativement dans les mêmes proportions que celles observées chez d’autres populations ayant un historique viking connu », ajoute le chercheur.

Enfin, 2 participants ont présenté un haplogroupe souvent considéré comme typiquement nordique : R1a. Les autres haplogroupes retrouvés chez les Normands sont a priori sans lien avec les Vikings. Ils seraient témoins d’autres origines, notamment autour de la Méditerranée (dont la Sicile, où les Normands, appelés par le Pape, ont combattu les envahisseurs Mahométans, et le sud de l’Italie, des terres ayant appartenu à l’empire normand) et s’étendant plus loin vers l’est du Moyen-Orient et l’Europe de l’Est (remontant peut-être à l’époque des croisades).

Les chercheurs souhaiteraient, à terme, aussi étudier un autre type de matériel génétique : l’ADN mitochondrial (légué cette fois par la mère à ses enfants), plus complexe encore à décrypter. Cette étude peut paraître moins probante car la colonisation scandinave fut plus probablement une colonisation d’encadrement de type masculin (l’exemple ne vient-il pas du fondateur de la Normandie qui prit pour « frilla » -conjointe à la « façon danoise »- Poppa de Bayeux).

Enfin, les futures méthodes de prélèvement d’ADN ancien permettront peut-être de récolter de l’ADN sur des crânes vikings : il suffira alors de comparer cet ADN authentique à celui des Normands pour savoir s’ils sont apparentés, plutôt que de tenter de remonter les arbres génétiques en suivant les traces d’une possible signature viking. « La connaissance de l’histoire génétique de la Normandie n’en est qu’à ses débuts ! », s’enthousiasme l’historien Richard Jones.

La loi bioéthique contre la connaissance génétique

Juridiquement, une frustration demeure pour les 89 personnes testées : en effet, cette étude aura eu un mérite, celui de montrer à quel point la loi sur la bioéthique qui interdit les tests ADN personnels est mal connue. Elle est mal comprise et mal interprétée par ceux-là mêmes qui en sont les bénéficiaires : les scientifiques et les historiens. Les malheureux volontaires de cette étude ont été privés des résultats personnels les concernant directement, et cela pour des raisons juridiques. Les analyses d’ADN à but généalogique sont interdites en France. Faire analyser son ADN par un prélèvement de salive et inscrire son profil dans une base de données généalogique reste toujours interdit dans notre pays. Partout en Europe et ailleurs, le boom de la généalogie génétique ne se dément pas. Partout sauf en France.

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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

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