Petites misères quotidiennes et Nouvel Ordre Mondial
Pour cette chronique de rentrée, l’auteur de ces lignes a décidé de parler des PMQ ou petites misères quotidiennes qui, restituées dans la perspective plus globale de la mondialisation et de ses corollaires (concurrence débridée, impuissance publique, dépérissement de l’État, massification des échanges et des modes de consommation, démesure technologique, technostructures envahissantes, procédures lourdes et pléthoriques, etc.) finissent par pourrir la vie des gens.
D’aucuns objecteront qu’un tel article n’a rien à faire sur un site spécialisé dans la « réinformation » européenne. Il leur sera répondu, très simplement : « Au contraire ! »
Nos services publics (que le monde entier nous enviait ou peu s’en fallait) se réduisent comme peau de chagrin ; leur efficacité laisse à désirer ; d’une manière générale, les liens sociaux semblent se distendre au point d’engendrer des tensions diverses et de plus en plus exacerbées ; notre environnement nous paraît, à la longue, moins familier, sinon plus étranger à nous-mêmes et à notre passé proche. Si tout cela arrive, c’est indubitablement parce que l’Europe technocratique et mondialiste, dans son dessein niveleur et uniformisateur (jusqu’au calibre des fruits et légumes), a délibérément pris toute sa part dans le déracinement post-moderne de l’homme européen enraciné (dans sa famille, dans sa patrie, dans sa culture, dans sa mentalité).
Le service, cette vertu au cœur même du génie politique français, s’étiole, se délite, s’évanouit. Le facteur livre son courrier de plus en plus tard, pour cause d’augmentation de son périmètre de distribution. Le médecin ne vient plus au domicile de son patient – préférant, ainsi, l’inviter à se rendre aux urgences hospitalières déjà incroyablement bondées – parce que le carburant coûte cher, parce que circuler en ville en automobile est un défi himalayen journalier, parce qu’il perd de l’argent en perdant son temps dans les embouteillages.
Telle banque, anciennement publique, trouve finalement plus rapidement lucratif de gérer des portefeuilles d’actions et d’obligations, de spéculer en Bourse ou de monter toute autre opération d’ingénierie financière à haut risque, plutôt que de soutenir un jeune couple dans l’achat de son premier foyer ou un artisan désireux de fonder sa petite entreprise. Telle autre banque, se mêlant hasardeusement d’assurances, refusera d’indemniser un assuré ayant le malheur de s’égarer dans le capharnaüm d’obscures plateformes téléphoniques d’où des « conseillers » interchangeables, éparpillés aux quatre coins du tiers-monde, ânonneront, avec un accent incompréhensible et dans une langue tout aussi approximative, un renseignement faux ou incomplet.
Dans l’administration publique, ce n’est guère mieux, quand la DRH (autrefois dénommée Directrice du personnel) ensevelit vos réunions de direction sous un monceau de mots, d’anglicismes et de jargons et acronymes abscons, directement empruntés au monde des entreprises privées. Il est alors question de « process », d’entretien d’évaluation professionnelle, d’objectifs en cours ou à atteindre en « N + 1 », sans oublier les éternels gadgets « éco-responsables » du développement durable ou du « déplacement sans voitures » (pas facile, néanmoins, avec la meilleure des volontés, lorsque vous résidez à la campagne, parce que « l’accession à l’immobilier » est sans commune mesure avec le marché urbain ou périurbain).
Quant à l’épicerie de votre enfance, cela fait belle lurette qu’elle a été supplantée par les centres commerciaux ceinturant les entrées de la ville tels des fortins défensifs, hérissés d’enseignes, de pré-enseignes et autres tapageuses publicités aussi agressives que dangereusement distractives.
Sans parler de la grande pitié des écoles de France (succédant à celle, non moins triste et irréversible, de nos églises dont les cloches ne parviennent plus à couvrir la voix toujours plus forte du muezzin). Quelques enseignants courageux vous annonçant que le niveau baisse vous assurent nonobstant, mezzo voce, qu’ils adopteront d’habiles et subtiles stratégies de contournement des oukases imposées par la rue de Grenelle et sa cohorte de pédagogistes obtus. L’ombre menaçante des longs manteaux noirs des missi dominici de Najat Belkacem plane au-dessus de nos têtes… Personne n’y peut mais…
À bien y regarder de près, le Parlement français ne fait plus la loi, mais enregistre, avalise, entérine les directives de Bruxelles, sans que les soi-disant « représentants de la nation » n’y comprennent fifre. Dans un climat de relâchement généralisé et de lâche abandon, chacun goûte combien il est aisé de laisser à d’autres le soin de légiférer à sa place. Les PMQ sont désormais estampillées d’un seul NOM : le Nouvel Ordre Mondial.
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Philippe Randa,
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