Le don d’organes est un lourd fardeau à porter !

Les dons d’organes ne sont pas seulement une lourde charge physique. De nombreux receveurs d’organes sont aux prises avec des problèmes d’ordre psychologique qui ne disparaissent pas immédiatement même après que l’opération ait réussi.

La pénurie ou le manque de disponibilité d’organes en provenance de personnes décédées montre que, de leur vivant, les donneurs ont une position ambivalente par rapport au don. Les receveurs doivent attendre longtemps pour recevoir un organe. On pourrait croire qu’une fois le don transplanté, le donneur est enfin soulagé. Il n’y a pas que l’attente qui pose problème, le temps après l’opération est également une charge psychologique angoissante. Il ne faut pas oublier que le don est souvent celui d’une personne décédée. Ce qui veut dire que le receveur a la chance de vivre à partir du moment où un donneur est décédé. En plus de cette charge psychologique importante, le corps peut à tout moment rejeter l’organe, c’est pourquoi le chirurgien oblige les patients à prendre de nombreux médicaments pour qu’il n’y ait pas de rejet.

Dans le cas des reins qui sont les organes les plus donnés, un tiers le sont de dons vivants. La transplantation réalisée avec l’organe d’un donneur vivant pose question dans la mesure où elle implique une mutilation à l’encontre du donneur, une atteinte portée à l’intégrité de son corps. Donc, il existe une charge émotionnelle élevée pour les receveurs et les donneurs. Ce lien étroit non anonyme, mais reçu par le membre de la famille peut entraîner un réel malaise. C’est pourquoi les médecins conseillent pour ces personnes une thérapeutique de maintenance avant et après l’opération.

Il y a de nombreux cas de figures en ce qui concerne les dons : celui par exemple du donneur vivant anonyme recevant une greffe médullaire. Cette transplantation n’est pas un organe, mais un tissu. Son prélèvement s’opère par des micros-ponctions répétées au niveau des crêtes iliaques. L’anonymat vise à garantir l’absence de tout mercantilisme dans les transplantations d’organes prélevés sur une personne décédée, mais aussi sur des donneurs vivants.

À ce jour, et depuis la loi de bioéthique de 1994, les transplantations avec donneur vivant non anonyme sont effectuées entre personnes de la même famille, liées entre elles par des liens de parenté du premier degré. Ici, le rapport à l’autre s’instaure à travers le don et l’incorporation du greffon après la transplantation, prenant une teinte particulière du fait des liens affectifs qui existent entre donneur et receveur.

Il est indispensable de limiter l’impact psychique d’un don d’organe, chez le donneur à un sentiment de revalorisation de l’estime de soi. Le don est souvent vécu par le receveur comme un cadeau, un geste d’amour, mais le donneur se défend consciemment d’y voir un cadeau. On pressent l’ambiguïté de la situation, car un cadeau n’est jamais un acte totalement désintéressé. Il possède une valeur de lien social, mais également une certaine charge agressive en ce qu’il rend l’autre redevable. À ce propos, la figure du tyran Timon d’Athènes, décrite par Shakespeare, est intéressante.

Timon riche, en quête d’absolu, inonde ses concitoyens de cadeaux pour faire leur bonheur, mais refuse toute réciprocité. Il court ainsi à sa perte, car il récolte la haine de ceux qu’il croyait avoir fait ses amis. La vie de Timon est le récit d’une utopie déchue et qui se transforme en une démence rageuse. Shakespeare souligne le côté agressif des dons sans réciprocité et montre comment le fait de rendre les autres redevables peut se retourner contre le donateur.

Friedrich Nietzsche écrit : « Donner, c’est asservir ». On se rend bien compte que la façon de donner est plus importante encore que le don lui-même, il y a tout un travail psychologique à faire en amont pour éviter d’alourdir les liens entre parents et conduire le receveur à un mal-vivre parfois plus grave que l’attente où il était avant la transplantation.

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