L’Irlande, isolat insulaire, a pour particularité d’être partie de l’Union européenne, mais de l’avoir intégrée par l’intermédiaire de deux États souverains : la partie septentrionale de l’île, l’Irlande du nord, constituant un des quatre pays du Royaume-Uni (avec l’Angleterre, l’Écosse et la Pays de Galles) et l’Irlande (l’Eire, nom officiel de l’État, en langue irlandaise avec Dublin comme capitale), elle, étant souveraine.
Ces deux États, le Royaume-Uni et l’Irlande ont intégré, en même temps, la CEE le 1er janvier 1973.
Historiquement, cette division territoriale de l’île est issue d’une guerre civile qui prit fin en 1922, et à l’issue de laquelle, l’Irlande devient indépendante de la Couronne britannique, nonobstant une partie de l’Ulster (six des neuf comtés de cette Province irlandaise), au nord-est de l’île, à population majoritairement protestante (même si ce n’est pas le cas pour deux des six comtés).
Lors de la proclamation de la République, en 1949, l’Irlande quitta même le Commonwealth, dont elle était membre depuis 1931, marquant ainsi sa différence.
Depuis, outre les violences entre certains unionistes, favorables au statu quo, et d’autres favorables au rattachement avec l’Irlande, les mouvements politiques démocratiques représentatifs se divisent entre ces deux mêmes tendances.
Les partis rattachistes à l’Irlande représentent un peu moins de 45 % des suffrages exprimés, ce qui est loin d’être négligeable. 43 députés sur 108 se réclament de cette option au sein de l’assemblée nord-irlandaise.
Le Parlement de l’Irlande du nord regroupe, depuis l’accord dit du « Vendredi saint » du 10 avril 1998, l’ensemble des forces parlementaires représentatives.
« Nous-mêmes »
Les mouvements rattachistes, représentant globalement la population catholique nord-irlandaise, le Sinn Fein (« nous-mêmes », ancienne vitrine politique de l’IRA) et le SDLP (Social Democratic and Labour Party) participent à l’exécutif local.
Le Sinn Fein, deuxième force politique de l’île (présent au « sud » comme au nord), mais surtout leader au sein de la population catholique minoritaire, devancé par un parti unioniste favorable à la Couronne, a abandonné toute référence à la violence. Il devance, depuis une dizaine d’années, l’autre mouvement irlandais, le SDLP, mouvement proche des socialistes européens (le « Labour » britannique ne présente pas de candidats en Irlande du nord, laissant le parti nord-irlandais représenter, sur ce territoire, les options politiques des socialistes européens).
Le mouvement Sinn Fein, quant à lui, se révèle très eurosceptique. Il est, en effet, le principal parti à avoir fait campagne contre le traité de Nice et contre le traité de Lisbonne durant le référendum irlandais (de l’Eire) portant sur son adoption, en 2008. Ses élus siègent d’ailleurs, au Parlement européen, avec, notamment, les représentants des partis communistes européens et le Mouvement Populaire danois anti-CEE au sein du groupe Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NLG) déjà évoqué.
La triple option de l’Irlande du Nord
Ainsi, dans le cadre des futures consultations électorales en Irlande du nord, les choix des Nord-Irlandais par rapport à l’Union européenne peuvent s’analyser comme suit :
- Le maintien électoral des partis unionistes et le statu quo territorial, ce qui implique le maintien dans le Commonwealth, le Royaume-Uni… et l’Union européenne, sauf à prévoir le départ du Royaume-Uni, dans son intégralité, de l’Union à la suite du processus engagé par le Brexit. Rappelons, à ce propos, que l’Irlande du Nord a voté contre le Brexit à hauteur de 56 % ;
- La poussée inéluctable des mouvements séparatistes de la Couronne, en particulier du Sinn Fein, qui entraînerait la mise en place d’un référendum portant sur l’autodétermination de l’Irlande du nord vis-à-vis du Royaume-Uni. Il faut savoir que cette opportunité institutionnelle est actuellement possible, comme pour l’Écosse. C’est Martin McGuinness, le Vice-premier ministre nord-irlandais, membre du Sinn Fein, qui appelle de ses vœux un tel référendum, déclarant dans une interview accordée à l’« Irish Examiner » : « Il me semble que le moment est venu de demander aux gens dans les six comtés s’ils souhaitent demeurer au sein de ce que certains appellent le Royaume-Uni, ou s’ils souhaitent faire partie d’une Irlande unie. On pourrait les consulter sur cette question après les prochaines élections législatives, soit entre 2016 et 2020-21. »
Dans le cas d’un référendum favorable à l’unification irlandaise et de la ratification de ce choix par le Parlement britannique, l’Irlande du nord entrerait dans un processus d’unification-absorption, ce qui devrait entraîner, de facto, le maintien, mais sous une autre souveraineté, des Irlandais du nord au sein de l’Union européenne. Les paris eurosceptiques, comme le Sinn Fein, pourraient alors éventuellement demander, comme l’UKIP, parti britannique favorable au retrait du Royaume-Uni de l’UE, la sortie de l’Union au gouvernement Irlandais dans le cadre d’un référendum ;
- La troisième option est peu évoquée : l’indépendance de l’Irlande du nord qui entraînerait, en matière de droit international, la création d’une nouvelle entité souveraine. Son éventuelle adhésion à l’Union européenne devrait faire l’objet d’une demande, qui devrait notamment rencontrer un double accord, celui du Royaume-Uni maintenu et celui de l’Irlande du sud. Ce double accord nécessite, évidemment, une indépendance obtenue dans le cadre d’un traité bilatéral amical entre Britanniques et nord-irlandais. Cette hypothèse est peu évoquée, mais elle n’est pas totalement absurde, car si l’État irlandais a eu des visées irrédentistes sur le Nord, incarnées par les articles 2 et 3 de sa Constitution, ces textes ont été supprimés par référendum en 1998, après la signature des accords de paix de Belfast.
Tels qu’ils furent adoptés en 1937, les articles 2 et 3 de la Constitution irlandaise disposaient que l’ensemble de l’île d’Irlande forme un seul territoire national. Le nouveau texte constitutionnel adopté après 1998 affirme qu’une Irlande unifiée ne se ferait qu’avec le consentement de la majorité de l’Irlande du Nord.
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Franck Buleux, 50 ans, chargé d’enseignement, est diplômé en histoire, en droit, en sciences politiques et en criminologie. Il a publié, chez L'Æncre, "L’Europe des peuples face à l’Union européenne", préfacé par Georges Feltin-Tracol ; chez Dualpha "La Guerre sociale qui vient" (D’Action directe aux Black Blocs, la violence des ultras), également préfacé par Georges Feltin-Tracol et a dirigé chez Synthèse éditions le n°20 des Cahiers d'Histoire du nationalisme "Pierre Poujade. Union et Fraternité française". Auteur d’un mémoire sur les séparatismes européens, il se passionne pour les mouvements politiques favorables à « L’Europe aux cent drapeaux. »