L’art du possible
Les ressorts de la politique étrangère de l’Europe ne manquent pas de surprendre par la duplicité hypocrite qu’ils renferment. Le traité de Lisbonne de 2007 crée une sorte de Ministère des Affaires étrangères et de la Sécurité, aujourd’hui occupé par Federica Mogherini.
Qui connaît cette charmante Italienne au pouvoir théorique ? La politique étrangère de l’Europe est une fiction et les États, malgré une concertation elle-même théorique, poursuivent des politiques dispersées et sans efficacité malgré le poids qu’ils sont censés représenter dans le cadre d’une Europe de 500 millions d’habitants et numéro 1 en termes de PIB, devant les USA.
Ces anomalies empêchent l’Europe d’être le véritable leader diplomatique du monde. Anomalies certainement délibérées, qui ne portent ainsi pas ombrage aux USA, dont elle reste la féale docile. D’autre part, une diplomatie convaincante ne peut être efficace sans une force armée puissante et dissuasive. L’Europe désarmée et pacifiste par idéologie, n’a pas les moyens militaires de sa puissance économique théorique.
Condamnée à un rôle marginal, l’Europe n’a en réalité aucun poids sérieux dans notre monde aux équilibres dangereux et précaires. D’où ses atermoiements et ses coups d’épée dans l’eau.
La politique, notamment étrangère, se définit comme « l’art du possible ». Cette approche pragmatique comporte une connotation d’intérêt pour ses tenants. Plus récemment, on a pu parler de realpolitik, fondée sur le calcul des forces et l’intérêt national.
Or, on assiste depuis quelques décennies à la mise en œuvre d’une politique moralisatrice, donneuse de leçons démocratiques, voire compassionnelle ou fondée sur les émotions, avec en arrière-plan les deux piliers de nos démocraties modernes : la loi du marché et les Droits de l’Homme. Au mépris des différences et du respect des autres cultures, dont chacun sait qu’elles sont très inférieures à la vérité absolue déifiée des principes démocratiques occidentaux qu’il convient de leur imposer.
Raisonnement commode et d’une grande perversité grandiloquente. Comment concilier pragmatisme, intérêts civilisationnels, et Droits de l’Homme – d’ailleurs sélectifs en réalité – et la loi du marché avec toutes ses conséquences économiques, financières et sociales. Ce fatras inconciliable évoque un autre concept également à la mode hypocrite de notre monde : « l’éthique des affaires », qui fait l’objet depuis une trentaine d’années de réflexions philosophiques, économiques et sociales avec l’un de ses aboutissements, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). On est dans la même démarche dans les deux cas, le monde de la diplomatie et celui des affaires.
La politique n’est pas l’art des émotions, sauf pour les professionnels d’un populisme méprisant qui caractérise en réalité nos élites dirigeantes qui s’en offusquent par ailleurs ! Justifier les combinaisons économiques et financières sur un fond d’enjeux énergétiques par l’appel aux Droits de l’Homme, au sacro-saint « humanisme », à la compassion affligée altruiste aux larmes de crocodile, aux grands principes de la générosité et de la mixité humaine, constitue une folie suicidaire contre les intérêts et les identités européens. Comme on ne peut croire à la cécité politique de nos élites européennes intelligentes, on ne peut qu’en déduire une volonté délibérée de destruction de nos valeurs fondamentales sous couvert de pondération et de la modération d’un prétendu « juste milieu » humanitaire qui n’a rien à voir avec celui d’Aristote !
L’Europe déteste Poutine pour ses positions politiques, alors que la Russie ne cesse de souhaiter un rapprochement européen depuis des siècles. Les résultats pratiques en sont désastreux. Mais l’honneur démocratique émotionnel est sauf !
Mettre l’Afrique du Nord, le Proche et le Moyen Orient à feu et à sang au nom de la lutte contre les dictatures qui bafouent les Droits de l’Homme et massacrent leurs peuples, voilà une realpolitik intelligente de l’ingérence. Et d’un grand courage : si la Chine ne respecte pas les Droits de l’Homme, ce n’est pas grave, mais s’il s’agit d’un micro-État africain, alors là on condamne sévèrement avec des accents tragiques. Jeter dans les bras de la Chine la Russie et tous ceux dont les opinions démocratiques sont insuffisantes à nos yeux, voilà encore une politique clairvoyante et conforme aux intérêts de l’Europe. Accueillir la misère du monde, victime de nos ennemis qui sont si nombreux, voilà encore une perspicacité louable de nos élites, au nom d’un humanisme larmoyant censé flatter le pathos populaire.
Où est la défense des intérêts de l’Europe dont les USA sont le seul allié, USA dont l’intérêt est de nous maintenir divisés dans nos verbiages insipides aux gesticulations de taureau aux cornes de caoutchouc.
L’Europe aurait un rôle majeur à jouer dans le monde, unie dans une foi commune dans son identité civilisationnelle, ses valeurs ancestrales, et débarrassée de ses États-Nations aux petits intérêts marginaux, au profit d’une Nation européenne fière de son passé, de son devenir et soucieuse de sa pérennité.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.