8 juin 2018

Gouvernement socialiste otage de l’extrême gauche en Espagne

Par Euro Libertes

par Olivier Bault.

Le gouvernement minoritaire de Mariano Rajoy remplacé par le gouvernement ultra-minoritaire de Pedro Sánchez, ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’Espagne. Et cela même si Mariano Rajoy a présidé à la transformation d’un Parti populaire (PP) libéral conservateur en parti libéral-libertaire, s’imaginant pouvoir ainsi s’étendre vers le centre. Avec les affaires de corruption qui minent le parti de Rajoy comme celui de Sánchez, des concurrents ont vu le jour : le parti d’extrême gauche Podemos à la gauche du parti socialiste (PSOE) de Sánchez et le parti Ciudadanos (Citoyens) encore plus libertaire que le nouveau PP. Si le PP a obtenu une majorité relative aux dernières élections de juin 2016, sans beaucoup améliorer sa majorité relative de décembre 2015, c’est, selon les sondages, Ciudadanos qui remporterait haut la main les élections aujourd’hui. Rajoy aurait pu éviter la motion de censure du 1er juin en démissionnant, mais il n’a pas voulu prendre le risque de voir le PP partenaire minoritaire d’un gouvernement dirigé par Ciudadanos. Il a dû se dire qu’être le premier parti d’opposition face à un gouvernement en position de faiblesse serait plus avantageux pour son parti à défaut de l’être pour son pays.

Ce sont les voix des nationalistes basques qui ont fait pencher la balance en faveur d’un changement de gouvernement, en échange de la promesse qu’il n’y aurait pas de nouvelles élections et que les concessions du PP en faveur du Pays basque inscrites dans le projet de loi budgétaire 2018, adopté fin mai par le Congrès des députés, seraient maintenues. Mais comme le PP dispose de la majorité absolue au Sénat, il a déjà annoncé, à titre de remerciement au PNV basque, qu’il allait apporter quelques « améliorations » à son propre projet de budget, à charge ensuite pour les socialistes et leurs nouveaux alliés de défendre au Congrès des députés le budget contre lequel ils avaient voté il y a si peu de temps.

Avec seulement 84 sièges sur 350 au Congrès des députés pour le PSOE (contre 134 pour le PP) et 67 pour l’alliance Podemos-communistes qui a promis de soutenir le nouveau gouvernement Sánchez pour voter de nouvelles lois encore plus « progressistes », les socialistes auront aussi besoin des voix des nationalistes basques et catalans pour avoir la majorité. Les partis catalans qui ont voté la motion de censure au parlement de Madrid sont les mêmes qui, disposant d’une petite majorité grâce à l’appoint de l’extrême gauche nationaliste au parlement de Barcelone, contrôlent le gouvernement de l’hispanophobe Quim Torra après avoir tenté une sécession de la Catalogne bloquée par le gouvernement de Mariano Rajoy.

Pour le moment, le nouveau Premier ministre cherche donc à donner des gages aux uns et aux autres en choisissant ses ministres : à Podemos, avec la création d’un ministère de l’Egalité dont le chef aura le rang de n°2 du gouvernement, aux Espagnols et peut-être aussi à Ciudadanos (qui soutenait le gouvernement Rajoy sans y participer), en nommant à la tête des ministères des Affaires étrangères et des Administrations territoriales des Catalans hostiles à l’indépendance de leur région, et à l’UE, en nommant des libéraux européistes comme ministre de l’Economie et ministre des Finances.

Résumons : Pedro Sánchez est aujourd’hui un Premier ministre sans majorité, nommé sans programme de gouvernement et sans être passé par des élections. Pas sûr que les Espagnols apprécient la manœuvre.

Article paru dans les colonnes du quotidien Présent.

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