Qui est Geert Wilders ? À 53 ans, issu du parti libéral, il est devenu en quelques années la vedette absolue de la politique aux Pays-Bas. Après les attentats meurtriers contre Pim Fortuyn et Théo Van Gogh, Wilders s’est retrouvé en tête sur la liste des hommes politiques menacés par les extrémistes musulmans. Il jouit d’une protection policière constante qui transforme tous ses déplacements en opération militaire.
Craint par l’establishment politique, haï par les médias, mais porté aux nues par l’homme et la femme de la rue, Wilders est-il un provocateur professionnel ou un rebelle investi d’une mission ? Oui, qui est Geert Wilders et que veut-il ?
Nous avons cherché à le savoir en nous rendant à l’imposant « Binnenhof » (le Parlement néerlandais) à La Haye pour une rencontre à bâtons rompus avec l’un des hommes politiques européens les plus flamboyant de ce début de XXIe siècle.
Pour décrire son style, rappelons le tollé politique et médiatique qu’avait provoqué l’une de ses interventions publiques. Wilders avait demandé à ses partisans s’ils souhaitaient plus ou moins de Marocains à Amsterdam et aux Pays-Bas en général. L’auditoire s’est mis immédiatement à scander « moins »… « moins »… « moins ». Ce à quoi l’homme politique a répondu : « Bien, alors on va régler le problème ».
Cela a suffi pour déchaîner un torrent de haine politico-médiatique. Les ténors des partis traditionnels néerlandais ont déclaré en chœur qu’il ne pouvait être question du moindre accord à l’avenir avec le PVV (Parti de la liberté) du rebelle hollandais. Quelques élus et candidats frileux du PVV quittèrent le parti sans que cela n’émeuve vraiment Wilders qui s’est contenté de dire : « J’ai dit la vérité, je n’ai pas de regrets et ne présenterai mes excuses à personne à propos de quoi que ce soit ». Voilà qui change de l’autoflagellation généralisée que nous connaissons en France et en Belgique.
Monsieur Wilders, vous avez été élu « homme politique de l’année » par Eén Vandaag, une émission de débats politiques sur la télévision de service public néerlandaise. Vous accordez de l’importance à un tel prix ?
Celui-là, oui. Parce qu’il s’agit d’un prix octroyé par le public et les électeurs. Je préfère que ce soit le public qui vote pour moi et non les journalistes.
Vous êtes l’un des hommes politiques les plus menacés et les plus protégés au monde. Quel effet cela a-t-il sur votre vie ?
C’est quelque chose que l’on ne peut souhaiter à personne, que vous soyez de droite ou de gauche, journaliste ou homme politique, même à son pire ennemi. Les gens doivent s’affronter avec des moyens démocratiques. Si vous n’êtes pas d’accord avec moi, vous pouvez créer votre propre parti politique, écrire des livres ou des articles, faire un film. Mais recourir à la violence signifie la mort de tout débat. Ici, au Parlement, la situation est moins dangereuse, parce que j’ai toujours du monde autour de moi. Sur le plan privé, c’est autre chose. Je ne peux même pas aller vider ma boîte aux lettres moi-même. Cela fait dix ans que je dois soumettre mon agenda personnel à toute une série d’instances. Je ne peux plus jamais agir spontanément… j’ai littéralement perdu ma liberté.
Vous ne vous demandez jamais si tout cela en vaut bien la peine ?
Il y a dix ans, je ne m’étais jamais attendu à ça. Mais, si je pouvais retourner en arrière, je ferais exactement la même chose. Je n’opterais pas non plus pour un ton plus consensuel, pour des sujets moins dangereux et je n’ai aucunement l’intention d’arrêter la politique. La moindre concession signifierait que ces menaces sont payantes.
Il n’y a pas si longtemps, le Parti de la Liberté (PVV) était décrit comme moribond. Aujourd’hui, de récents sondages vous indiquent comme étant le plus grand parti des Pays-Bas. Comment expliquez-vous ce spectaculaire revirement ?
Lorsque nous avons soutenu le gouvernement Rutte (libéral), nous avons pris de grandes responsabilités et de grands risques. Pendant un an et demi, nous avons aidé à développer une bonne politique et nous avons pensé que nous pourrions ainsi réaliser certaines choses qui nous sont chères. Mais lorsque Mark Rutte, sous la pression de l’Union Européenne, a commencé à mener une politique d’austérité et à augmenter les impôts, nous avons dit : « Ici se trouve la limite ». Nous n’avions pas signé pour une telle politique. Nous n’allons pas soutirer l’argent des porte-monnaie des entrepreneurs et des simples hommes et femmes de ce pays. Je savais que les autres partis allaient nous présenter comme des fuyards et c’est effectivement ce qui s’est passé. Et nous savions que nous allions devoir payer un prix pour notre rectitude. D’autre part, j’étais convaincu que le public allait comprendre, tôt ou tard, que notre décision était la bonne. Ils allaient comprendre qu’il ne peut être question de mettre notre Sécurité sociale en danger en opérant des coupes sombres dans les soins de santé et l’aide aux personnes âgées pour ensuite dilapider à l’étranger les sommes ainsi libérées. Entre-temps, les gens ont bien perçu que nous voulons être maîtres chez nous, dans notre propre pays et que nous ne voulons pas avaler les couleuvres, disons même les diktats, de l’Union Européenne.
Le PVV est-il un parti nationaliste ?
Je me qualifie comme patriote. Nous sommes des patriotes. Nous sommes fiers de ce que nous sommes, de notre identité. Nous sommes fiers de notre pays, de notre peuple et de notre culture. Le PVV est le parti le plus amoureux de notre pays, le plus patriotique.
La collaboration entre les partis eurocritiques prend forme. Comment concevez-vous cette collaboration ?
Le Parlement européen est partagé depuis toujours en trois grands blocs politiques : les chrétiens-démocrates, les libéraux et les socialistes. Tous ces partis joignent leurs forces et nous ne le ferions pas ? Ce serait idiot de ne pas le faire. J’espère que nous pourrons réaliser cela avec le PVV, le Vlaams Belang et le Front National et avec de nombreux partis issus d’autres pays en engrangeant chacun les meilleurs scores électoraux possible. Nous devons former un bloc puissant. J’espère d’emblée que la question de savoir qui doit mener ce groupe politique, et donc la question des ambitions personnelles, sera considérée comme tout à fait secondaire. Il s’agit de faire entendre une puissante voix anti-Union Européenne à Bruxelles. Je pense d’ailleurs que l’après élection offrira plus de possibilités que ce n’est le cas actuellement. Un certain nombre de partis adoptent encore une attitude attentiste, mais je suis personnellement assez optimiste à cet égard. (Entre-temps un groupe s’est bel et bien formé en juin 2015 au Parlement européen sous l’intitulé « L’Europe des nations et des libertés » avec le FN, le Vlaams Belang, le PVV néerlandais, le FPÖ autrichien, la Lega Nord italienne, un élu indépendant roumain et une élue indépendante britannique et, plus récemment l’AfD allemande).
Vous avez récemment déclaré que vous aviez plus de choses en commun avec le Vlaams Belang et le Front National qu’avec l’ensemble de la Deuxième Chambre aux Pays-Bas. Cela n’a pas toujours été votre opinion. Comment expliquer ce changement d’attitude ?
Oui, je dois honnêtement reconnaître que cela nous effrayait dans le passé. Non seulement pour ce que la presse pouvait en penser, mais également à cause des éventuelles conséquences électorales. Les journalistes avaient également créé une atmosphère particulière. Je suis parfois décrit en Belgique comme « fasciste » et Filip Dewinter est accueillie aux Pays-Bas avec des œufs pourris et de la boue. Injustement dans les deux cas. Depuis, il m’est apparu clairement que nous avions de nombreux points communs avec le Vlaams Belang et le Front National aujourd’hui présidé par Marine Le Pen. Il est donc grand temps de s’unir dans le combat.
Le monde entier vous connaît en raison de votre lutte contre l’islam. Dans quelle mesure cette lutte est-elle complémentaire de votre combat contre l’Union Européenne ?
Pour moi, ce combat est quasi identique. En ce qui concerne l’Union Européenne, il s’agit souvent d’argent, de budgets et de législations. Mais il s’agit aussi de la question d’être maître chez soi dans son propre pays, sur ses propres frontières. Il est trop absurde de constater que Madame Malmström, une hippie suédoise, une politicienne de gauche que personne ne connaît aux Pays-Bas, peut décider comme ça des politiques de regroupement familial, sur ce que l’on peut faire ou ne pas faire en matière de limitation de l’immigration.
Un combat pour votre propre État nation, pour votre propre peuple et votre propre culture commence naturellement par la question de savoir qui vous laissez entrer dans votre pays ou pas. Le fait que depuis des dizaines d’années des allochtones non-Occidentaux issus du Maroc, de Turquie, de Somalie et du Pakistan, mais aussi plus récemment de Roumanie et de Bulgarie ont pu entrer dans nos pays le plus naturellement du monde est un phénomène qui est contraire au souhait de très nombreuses personnes. La poursuite de l’« intégration » européenne est la victoire des relativistes culturels qui disent : « Votre pays n’existe pas, votre peuple et votre culture n’existent pas », « Nous sommes tous égaux » et si vous n’êtes pas d’accord, alors vous êtes un « raciste » ou un « fasciste ». « Entrez donc tous, vous êtes les bienvenus » : ceci n’est pas notre vision des choses et la majorité des Européens partage notre opinion. Nous sommes fiers de notre culture et je n’ai pas peur de dire que notre propre culture est supérieure à la culture islamique qui est arriérée. Tout le démontre : la manière d’agir avec les minorités, avec les femmes, avec la séparation de l’Église et de l’État, avec la liberté d’expression, etc. Si le PVV avait le Pouvoir, nous stopperions immédiatement l’importation de l’islam ici. Après, nous ouvririons le volet rapatriement !
Certaines critiques affirment que vous ne seriez intéressé que par la provocation…
Les Pays-Bas ont une longue tradition de consensus politique, mais je ne suis pas un homme politique consensuel. Ce qui ne signifie pas que je sois enclin aux disputes et que mon attitude est systématiquement conflictuelle. J’aime la clarté et des prises de position sans ambiguïté que tout le monde comprend. C’est la raison pour laquelle il y a des gens qui m’apprécient et d’autres qui me haïssent. Je suis convaincu que du conflit verbal se dégagent plus de pistes et que des solutions peuvent en émerger. Vous atteignez de meilleurs résultats grâce à une discussion de société animée où les points de vue s’affrontent que dans le consensus mou. Il y a déjà suffisamment de politiciens qui racontent tous la même chose. Les gens en attrapent le tournis.
Vous entendez parfois que votre intérêt « exagéré » pour l’islam détournerait l’attention du vrai problème : l’immigration massive…
Je ne suis pas d’accord. Bien sûr que je trouve incompréhensible qu’un pays comme les Pays-Bas, avec ses 700 000 chômeurs, ouvre ses frontières pour des travailleurs Roumains ou Bulgares. Allez expliquer à nos chauffeurs routiers ou à nos travailleurs du bâtiment, pourquoi les choses sont ainsi… Mais l’islam est d’un tout autre ordre. Il s’agit d’un problème existentiel. Il s’agit d’une idéologie qui s’oppose à nous. C’est une idéologie totalitaire qui vise à nous détruire. Une fois de plus, je rappelle que je parle ici de l’idéologie et non des personnes. J’ai créé le PVV dans le cadre de mon combat contre l’islam. Si je me lève le matin, c’est en raison de ce combat. Je respire au rythme de ce combat et il rythmera sans aucun doute aussi mon dernier souffle. C’est mon moteur, ma mission. Heureusement, l’époque où nous étions les seuls à parler de l’islam est révolue. Mais non, le PVV n’est pas un parti d’un seul thème. Si c’était le cas, nous ne serions pas aujourd’hui le plus grand parti des Pays-Bas.
« Retour au gulden » et « Les Pays-Bas hors de l’Union Européenne », vous ne pensez pas que ces positions ne soient perçues comme trop radicale ou extrême pour le néerlandais moyen ?
Je ne le pense pas. Naturellement, Rutte (Premier ministre néerlandais) fait comme si sans l’Union Européenne, c’est la guerre et nos exportations sont paralysées. Ce n’est qu’une petite stratégie de la peur qui n’effraie personne. Nous voulons sortir de l’Union Européenne, mais pas de l’Europe, ce qui est d’ailleurs impossible. Nous continuerons à commercer en Europe, comme le font les Suisses. En février, nous avons publié un rapport réalisé par un bureau d’étude britannique renommé. Il démontre que le retrait des Pays-Bas hors de l’Union Européenne coûte moins cher que le maintien en son sein. Ce rapport ouvrira les yeux à beaucoup de gens. Ce retrait générera plus de développement économique et plus d’emploi.
Traduit du néerlandais par Patrick Sessler
Cette interview est parue dans le mensuel du Vlaams Belang en mars 2014, soit avant le grand déferlement migratoire, les attentats et les spectaculaires percées populistes un peu partout en Europe… Les propos sont néanmoins restés parfaitement d’actualité.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.
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Patrick Sessler, ancien député bruxellois, professionnel du management politique, est le correspondant d'EuroLibertés pour la Belgique.