De l’art de la grève au droit à la paresse
Enfant, que de fois ai-je relu « La fée des grèves », le roman de Paul Féval. Je l’avais reçu à la faveur d’une distribution des prix (ne riez pas, jusqu’à mon entrée en 6e je fus un élève studieux, le virus du football ne m’ayant pas encore infecté). Si je me glissais aisément dans la peau de l’écuyer Aubry de Kergariou pour combattre les traîtres, j’avais du mal à imaginer Reine de Maurever, incarnation de cette créature mythique. Il est vrai que mon genre, déjà contestable et difficile à corseter, me répugnait à porter un quelconque hennin. Mais bref…
Des dizaines d’années plus tard, abandonnant la baie du Mont Saint Michel j’allais croiser fortuitement la route d’Arlette Laguiller, l’authentique Fée des grèves. Pour elle, cette forme de lutte relevait d’une technique indispensable à la remise en forme d’une société éreintée par des millénaires de servitude. C’est ce qui lui avait inspiré le concept radical de la « grève permanente » et celui du « manifestant professionnel » qui devait inspirer Jean Yanne et Pierre Desproges (cf. l’INA). « Les manifestants professionnels se substituent à des gens qui voudraient manifester mais qui n’en ont pas le temps parce qu’ils travaillent. »
Le penseur sociologue Michel Colucci avait synthétisé cruellement ses recherches sur les fauteurs de grève : « Les syndicalistes ont tellement l’habitude de ne rien faire que lorsqu’ils font grève, ils appellent ça une journée d’action. »
Vestale du trotskisme, Arlette n’aurait jamais pu écouter les conseils d’un vieux stalinien, le très réactionnaire Maurice Thorez, secrétaire du PCF qui se méfiait de ces mouvements mal maîtrisés. « Il faut savoir terminer une grève » affirmait-il.
Et Philippe Bouvard qui n’avait pourtant rien d’une courroie de transmission moscoutaire, lui venait fraternellement en aide : « Une grève est un mouvement organisé par des salariés pour réclamer le paiement des jours où ils n’ont pas travaillé ».
Alors que le féminisme n’avait pas encore envahi nos ondes, une question impertinente sur le genre m’avait déjà trotté dans la tête. Pourquoi dénoncer la pratique illégale des « piquets de grève » et ne pas stigmatiser celle de « la piquée de grèves ».
Pour ma part, si j’avais déjà été une féministe militante, à l’image de notre syndicalo-gauchiste, (cela ne saurait tarder, je suis à la veille d’entreprendre une carrière de chanteuse réaliste) je me serais réclamé de Lysistrata, créature à la beauté légendaire. Elle reste à tout jamais la mère de toutes les grèves, celle du sexe. « Pour arrêter la guerre, refusez-vous à vos maris ».
Qu’importe, en 2008 Mademoiselle Laguiller tomba par terre, peut-être par la faute à Voltaire. Le nez dans le ruisseau certainement pas par celle de Rousseau qui n’avait pas encore glissé un orteil gracieux sur l’échiquier de l’écologie politique. Quelques proches de l’urticante Sandrine avaient déjà eu la chance d’apprécier son humour décalé mais le temps de ses triomphes médiatiques n’était pas encore venu. C’est son opiniâtreté, qui lui permet désormais de fournir à la politique ce que l’Akoya offre à la joaillerie : des perles qui ne doivent rien à la culture. Mais revenons à la grève, perlée ou non.
Trop souvent le succès vous grise et vous pousse à franchir vos propres limites. Eh oui, le mieux peut être l’ennemi du bien. L’entreprenante Sandrine, tout comme son faire-valoir l’auguste Aymeric Caron qui n’a rien de Beaumarchais, ne risque-t-elle pas d’ébranler ce monument social ? La généralisation de l’exercice d’un droit à cette paresse devenue une vertu écologique permettant de réduire la couche d’ozone, ne contribuerait-elle pas à la négation de celui de la grève ? En effet, comment un oisif pourrait-il faire grève ?
Ce droit étant reconnu qu’arriverait-il à son praticien ? Des moralisateurs, modèle « Frères des écoles chrétiennes », heureusement de moins en moins nombreux, prétendent que l’oisiveté est mère de tous les vices. Une question existentielle risque de le tarauder. Que faire quand on n’a rien à faire. Paul Valéry qui n’avait rien ni d’un pisse-froid, ni d’un réac, avait traité du sujet : « Comment faire pour ne rien faire ? C’est un travail d’Hercule, un travail de tous les instants ».
Se substituant à la médecine du travail, une médecine de la paresse s’imposerait, ne serait-ce que pour traiter d’un mal déjà stigmatisé par Benjamin Franklin : « L’oisiveté est comme la rouille, elle use plus que le travail ».
Comme aimait à le dire Pierre Dac, l’incomparable fondateur de l’École des pédicures de l’âme, rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant.
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