16 juin 2018

Europa et Thanatos (II)

Par Aristide Leucate

La vérité, nous dit Murray, est que les Européens sont taraudés, torturés, rongés par la culpabilité des erreurs et fautes du passé. Outre l’Holocauste, c’est « la culpabilité lancinante pour le colonialisme et le racisme » qui fait office de cilice expiatoire à la cuisse si peu jupitérienne d’un peuple qui a choisi la voie contrite de l’autoflagellation, de la repentance et de l’amnésie historique volontaire.

L’aventure coloniale européenne ne doit surtout plus faire rêver. Exeunt Pierre Benoît, Henri de Monfreid et Henry Rider Haggard (l’auteur des Mines du roi Salomon). Au contraire, doit-elle être réévaluée à l’aune du mythe rousseauiste du « bon sauvage » en vertu duquel, « ce sont les Européens qui, par leurs voyages et leur entreprise de colonisation, sont devenus l’espèce qui a détruit le jardin d’Eden ». Que les « victimes » se vengent aujourd’hui en envahissant à leur tour leurs maîtres d’hier, n’est que justice. Les orgies mea-culpantes sont sans limites, les ogres victimaires de plus en plus nombreux et les lieux de ses agapes qui peuvent même s’avérer rentables, s’étendent désormais à tout l’Occident blanc judéo-chrétien, de l’Europe de l’ouest à l’Australie.

À l’échelle de plusieurs décennies, ce systématique mépris de soi s’apparente à « une forme de folie » qui fait peser sur les épaules des générations à venir le fardeau de plus en plus lourd des responsabilités historiques imprudemment engagées par leurs parents du fait des agissements, réels ou supposés, de leurs grands-parents. À la suite de Pascal Bruckner, Murray brocarde « une sorte d’hérédité de la souillure, laquelle pourrait se transmettre de génération en génération », lesquelles, en retour, nourriraient une certaine dilection pour ne pas dire une véritable addiction masochiste à ce que Bruckner diagnostiquait comme « la tyrannie de la pénitence ».

Nul, pourtant, ne prend conscience que ce processus de criminalisation historique de l’Occident et, plus précisément, de l’Europe, contribue à saper les fondements de la civilisation. À quoi bon, en effet, transmettre et faire prospérer un héritage honni, abhorré, conchié, porteur de toutes les tares les plus inexpiables ? « Ancrer dans une nation l’idée de péché fondateur est le meilleur moyen de lui faire perdre confiance en soi. […] Un pays marqué par le péché originel ne pourra jamais rien faire de bien, puisque ce sont ses fondations mêmes qui sont pourries ». En revanche, tout dirigeant européen sera tétanisé à l’idée d’instruire des procès analogues à la Turquie (sur le dossier arménien ou chypriote), voire, plus largement, à l’égard des pays du monde arabo-musulman qui, jadis, naguère et encore de nos jours, ne rechignaient pas à l’esclavage au point, parfois, de fonder leur économie et leur société sur une telle pratique, depuis bien longtemps réprouvée par l’Occident.

Murray va plus loin dans la sociopsychanalyse de cette authentique pulsion mortifère qui étreint les Européens, lorsqu’il observe que « ce qui rend cette autoflagellation encore plus sinistre, c’est le fait qu’elle s’accompagne pour les Européens de l’exhortation à considérer tous les autres pays à l’aune de leurs moments de gloire. Alors qu’il est banal d’évoquer l’Inquisition espagnole ou les croisades lors de débats sur l’extrémisme religieux, il est tout aussi courant d’entendre dans la foulée vanter une fois de plus [le fantasme de] l’Andalousie et les néo-platoniciens musulmans. Ce ne peut être une simple coïncidence que ces deux démarches – nous juger selon les pires moments et juger les autres selon leurs meilleurs moments – aillent de concert. C’est bien la preuve que ce qui se déroule en Occident relève de troubles aussi bien mentaux que psychologiques ». Et d’ajouter qu’« une société qui récompense cette pulsion masochiste, et qui explique à ceux qui l’expriment qu’elle constitue avant tout un signe de vertu, est une société qui risque fort de présenter, plus que d’autres, une grande concentration de masochistes ». […] « Seuls les Européens modernes sont heureux de s’autoflageller au milieu d’un marché international de sadiques ». Sans oublier, remarque pertinemment l’essayiste, la propension hyperbolique des Européens à surenchérir dans le noircissement peccamineux de leur passé. Or, écrit-il, « la tendance à majorer l’ampleur des crimes pour lesquels on s’excuse [devrait] alerter. Un vrai coupable qui, devant un vrai tribunal exagérerait délibérément ses crimes pour aller plus loin encore que ses accusateurs, passerait pour fou et inapte à être jugé ».

Les Européens semblent tirer grande gloire de la haine vomitive qu’ils nourrissent à leur endroit, sans se rendre compte que, dans le même temps, ils renvoient allègrement leurs aïeux dans les géhennes de l’abomination. Cette détestation pathologique leur fait oublier qu’à l’instar de ces derniers, ils constituent les maillons d’une même, unique et longue chaîne reliant des indivisaires à un patrimoine moral et matériel commun. Il y a une dimension à la fois égocentrique, orgueilleuse et messianique à se comporter de la sorte. Murray note ainsi que « plutôt que d’être responsables de leurs propres actions, comme toute personne qui a des devoirs envers ceux qu’elle connaît, ils préfèrent être les représentants autoproclamés des vivants et des morts, les porteurs d’une histoire terrible et les rédempteurs potentiels de l’humanité ». Dérisoire et pathétique. Fatal aussi.

Au-delà du diagnostic sans appel que pose froidement Douglas Murray sur un vieux continent à la dérive, dévoré par ses démons, c’est la thèse centrale du livre qui retient spécialement l’attention. Les Européens sont en proie à une grande fatigue d’eux-mêmes, à un « burn-out » existentiel. Nous savons avec Paul Valéry que les civilisations sont mortelles. S’agissant de la civilisation européenne, nous y sommes, conclut Murray avec des accents spengleriens.

Douglas Murray, L’Étrange suicide de l’Europe. Immigration, identité, islam, L’Artilleur, Paris, 2018.

L'étrange suicide de l'Europe: Immigration, identité, Islam - Douglas Murray (L'Artilleur).

L’étrange suicide de l’Europe: Immigration, identité, Islam – Douglas Murray (L’Artilleur).

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