16 juin 2018

Clemenceau le Tigre (04)

Par admin

Dès janvier 1917, Charles Ier d’Autriche avait entamé des pourparlers de paix secrets avec Poincaré, qui se montre enthousiaste et prêt à faire des concessions (colonies et avantages commerciaux) à l’Allemagne. Clemenceau, jusqu’au-boutiste, souhaite la guerre à outrance et la destruction des ennemis de la France. Il refuse cette paix séparée, prétextant que c’est un piège tendu par l’Allemagne, qui dans son esprit manipule le jeune souverain autrichien. Rappelons que Clemenceau ne cachait pas son anti-catholicisme et son anti-monarchisme. Les négociations se perdent en futilités qui dégénèrent en amateurisme. Le secrétaire d’État américain, Robert Lansing qualifie d’ailleurs la manière d’opérer de Clemenceau comme « un acte d’une bêtise révoltante ».

En effet, Georges Clemenceau avait fait publier la première lettre de Charles Ier du 12 avril 1918 dans lesquelles il était prêt à des concessions territoriales pour lui et son allié allemand en vue de la paix, pour sauver son empire et surtout pour épargner des vies. Ces négociations secrètes mais rendues publiques par le geste de Clemenceau, mettent dans l’embarras Charles d’Autriche. Il se trouve alors obligé de démentir les concessions prévues à la France, notamment les mentions au sujet de l’Alsace-Lorraine et la Belgique. La paix par la voie de la négociation est dorénavant impossible. Elle se réalisera avec l’écroulement et la destruction des Empires Centraux. Cette « bêtise révoltante » prolonge la guerre de plusieurs mois avec son long cortège de deuils, de blessés et de gueules cassées.

Cependant, si la France tient en 1917 et gagne en 1918, indépendamment du concours américain et de la fermeture d’un front avec la révolution bolchevique, c’est que Clemenceau a su redonner du courage à un pays en transmettant une énergie et une volonté peu communes, sur lesquelles Winock revient longuement. Il flatte les soldats au front, les hommes, femmes et enfants restés à l’arrière et qui travaillent dans les usines. Il traque aussi les pacifistes. Finalement l’armistice est signé le 11 novembre 1918. Il devient le « Père de la Victoire ». Après la guerre, les défenseurs de l’action de Clemenceau, et le Tigre lui-même expliqueront que la médiation tentée par Charles 1er et les Frères Bourbon-Parme ne pouvait aboutir. C’était la justification historique nécessaire pour imposer l’image du « Père de la Victoire » en lieu et place de celle de « fauteur de guerre » qui aurait pu être retenu…

Après « La Der des Ders » (6), il tente de devenir président de la République, car ses amis le poussent à agir en ce sens. Il est donné perdant par les observateurs de l’époque, mais se lance quand même. Il finit donc par perdre l’élection que Paul Deschanel remporte. Clemenceau se retire de la vie politique et profite de sa retraite. Il aime les arts, la culture, les impressionnistes (Monnet est son grand ami) et les voyages. Il écrit différents livres où il défend son action politique, expose ses idées philosophiques, réfléchit sur la culture et les différentes religions. Il meurt de vieillesse à 88 ans, le 24 novembre 1929. Avant de mourir, il dit à ses amis avec son style décapant : « Pour mes obsèques, je ne veux que le strict minimum, c’est-à-dire moi ». A sa mort, L’Humanité ose écrire au sujet du Tigre : « l’un des ennemis les plus acharnés de la classe ouvrière » et qu’il fut « le défenseur des intérêts capitalistes ». Comme quoi, on finit toujours par être le conservateur de quelqu’un, comme l’avait écrit Le Temps à son sujet, quand il s’opposait farouchement aux collectivistes.

Winock nous présente un Clemenceau républicain, athée, énergique, combatif, et héritier des grands ancêtres de 1789 et de 1793. Cette biographie nous permet de comprendre que la politique a bien changé depuis le début du siècle dernier, et pas nécessairement en bien. Winock parvient aisément à nous restituer la densité du Tigre, et nous propose de revivre intensément le parcours d’un homme de gauche, qu’une historiographie politique de gauche frappe d’ostracisme. En effet la gauche rencontre toujours d’énormes difficultés a aimer et à assumer ses grands hommes. Cette gauche a vu en Clemenceau un héros pour sa cause. Cependant une fois au pouvoir, cet homme a fini par être détesté, car il était devenu à leurs yeux, le briseur de grèves voire le bourreau de la cause ouvrière et finalement l’ennemi des ouvriers.

Winock rappelle justement : « Par ses convictions, il a été un homme de gauche ; par les responsabilités prises comme chef de gouvernement, il a été maudit par cette même gauche, du moment que celle-ci s’est affirmée révolutionnaire avec la montée en puissance du socialisme puis du communisme. »

Livre magistral et époustouflant qui se lit très bien grâce à la très belle plume de Winock, il permet aussi de découvrir un Clemenceau passionné des arts, notamment de la peinture. N’oublions pas qu’il fut l’ami et le défenseur des impressionnistes. Nous y trouvons également de nombreuses citations choisies avec soin. Elles permettent de comprendre les différents enjeux politiques soulevés tout au long du livre, et d’éclairer la nature profonde de Clemenceau et de ses nombreux adversaires. En novembre 2017, le président de la République française, Emmanuel Macron, a annoncé que 2018 sera l’année Clemenceau en France. Nous verrons bien quel hommage sera rendu à celui qui fut « tour à tour ou tout à la fois le Tigre, le dreyfusard, le premier flic de France, le Père de la Victoire »

Note

(6) « La Der des Ders » est une expression qui s’est forgée à la suite de la Ire Guerre mondiale, qui signifie la « dernière des dernières (guerres) ». « Le der des ders » désigne, par extension, le soldat, le poilu qui a participé à cette guerre.

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