L’Europe de François Fillon
Pour les partenaires européens, la sélection de François Fillon, lors du premier tour des primaires de la droite, fut une surprise ; appréciée par certains États, appréhendée par d’autres, c’est toutefois surtout sur la politique internationale que les inquiétudes se concentrent.
Partisan d’un rapprochement avec la Russie de Vladimir Poutine, François Fillon a fait preuve dans le passé d’une certaine compréhension à l’égard de ce pays, en particulier sur le dossier ukrainien. Il connaît bien le chef de l’État russe pour l’avoir rencontré souvent lorsqu’il était Premier ministre. Depuis, la relation fut entretenue.
François Fillon aura vraisemblablement à cœur de s’opposer aux sanctions contre la Russie, lorsque l’on voit les effets dévastateurs de celles-ci sur les agriculteurs et nos exportations agricoles.
Dès lors, on imagine mal que l’UE renforce des sanctions contre la Russie, en cas d’élection de François Fillon à la tête de l’État français. La Russie ne s’y trompe pas et dès le résultat du premier tour des primaires, Alexeï Pouchkov, sénateur parfaitement francophone, ex-député et président de la commission des Affaires étrangères de la Douma, la chambre basse du Parlement russe, a qualifié « d’événement sensationnel » l’arrivée de François Fillon, la veille au soir, en tête du vote du premier tour de la primaire à droite pour l’élection présidentielle en France et estimé que « les républicains atlantistes comme Juppé sont presque vaincus. »
Cette situation nouvelle, si elle venait à être confirmée, lors des présidentielles, ne serait pas de mauvais augure, avec la récente élection de Donald Trump aux États-Unis, lui aussi favorable à une approche nouvelle avec la Russie.
La question européenne devrait s’inviter dans le débat pour le second tour des primaires de la Droite et du Centre, car elle représente une ligne de fracture importante entre les deux candidats.
L’approche de François Fillon est forte et orientée vers une Europe réformée, dans laquelle, comme il l’avait souligné dans un discours à l’Assemblée nationale au lendemain du Brexit, il souhaite réduire les pouvoirs de la Commission européenne en renforçant les pouvoirs du Conseil de l’Union Européenne.
« Nous ne serons jamais un État fédéral. Nous sommes trop différents pour y parvenir. Et ce serait, au demeurant, un contresens historique, car plus les nations sont bridées, plus les nationalismes sont agressifs », avait alors assuré le candidat.
Il avait également évoqué la mise en place d’un gouvernement de la zone euro, piloté non pas par des élus européens regroupés au sein d’un Parlement de la zone euro, mais les parlements et gouvernements nationaux. Lorsqu’il entend le mot Europe, François Fillon répond France souveraine, un discours censé plaire à l’aile droite du parti tentée par le FN.
Dès dimanche soir, le député européen Florian Philippot a d’ailleurs attaqué le candidat Les Républicains sur ce sujet, en lui reprochant de vouloir accorder plus de pouvoir à Bruxelles, ce à quoi le porte-parole de François Fillon répondit qu’il s’agissait précisément de l’inverse. Il convient ici, clairement, de rallier les eurosceptiques.
On peut rappeler également, que l’ancien chef de l’État Nicolas Sarkozy a laissé un souvenir doux-amer aux eurodéputés du Parti populaire européen, en juin dernier, réunis dans le sud de la France.
Devant cet aréopage d’europhiles convaincus, Nicolas Sarkozy avait évoqué les sujets, en principe abordés par les anciens gaullistes ou les populistes, de la courbe des concombres à la taille des escabeaux, pour « taper » sur l’Europe. Ceci, avant de rappeler qu’il considérait, qu’un pays était avant tout une frontière. Au grand dam des élus PPE qui gardaient plutôt un bon souvenir du Sarkozy Président, se remémorant notamment ses trois interventions remarquées et europhiles en séance plénière du Parlement européen.
Cette campagne surprenante du premier tour des primaires s’est conclue brusquement dimanche soir par un nouveau retrait de la vie politique du chef du parti Les Républicains, pour la deuxième fois.
Néanmoins, selon le résultat des prochaines élections, l’hypothèse d’un retour du président au niveau européen ne serait pas exclue : le poste de l’actuel président du Conseil Européen, le Polonais Donald Tusk, sera en effet vacant au printemps prochain.
Le positionnement d’Alain Juppé
Sans s’en être véritablement vanté jusqu’à présent, Alain Juppé défend pour sa part un projet tout à fait europhile par ces temps d’euroscepticisme conquérant.
Les Français de l’étranger de droite ont d’ailleurs fortement voté pour lui au premier tour de la primaire de la droite, notamment ceux du Benelux, à raison de 48 %, contre 35 % pour Fillon et 7 % pour Sarkozy. Au vu de la précédente présidentielle, le vote pro-Sarkozy a certes régressé, mais le score de Juppé, n’apparaît pas exceptionnel – n’atteignant pas la moitié des voix – dans une zone traditionnellement fortement europhile.
Le Maire de Bordeaux s’est certes entouré d’une équipe spécialisée sur les questions européennes, avec l’eurodéputé Alain Lamassoure en chef de file, qui vise le « perchoir » du Parlement européen cette année, mais ceci risquerait de ne pas suffire.
En juin dernier, il a aussi rencontré Angela Merkel et aurait, dit-on, évoqué avec elle une feuille de route européenne commune qui pourrait être proposée s’ils sont respectivement élus dans leur pays. Cela fait beaucoup de « si », mais l’idée de fond générale serait de ranimer l’état d’esprit collectif, parti « ailleurs » depuis quelques années en Europe…
À l’instar de François Fillon, pour Alain Juppé il s’agit de retrouver la crédibilité de la France auprès de l’Allemagne et ceci passe inévitablement par la restauration de la stabilité financière. Dans ce cadre, ses partisans envisagent une loi de finances quinquennale qui rassurerait les partenaires européens, en balisant la réduction des dépenses publiques sur le moyen terme.
Au-delà des questions techniques, les juppéistes sont favorables à une union resserrée, restreinte à quelques pays, qui puisse continuer à avancer vers plus d’intégration. Ceci n’est pas nécessairement la vision de François Fillon, mais ils se rapprochent ici des positions d’Emmanuel Macron ou de l’Élysée, lesquels disent vouloir approfondir le projet européen, tout en se gardant bien de le faire.
D’une animosité étrange à l’égard de la Russie, d’une europhilie patentée, au moment d’une islamisation déclarée des sociétés ouvertes, au lieu de se référer à une « identité heureuse » imaginaire, Alain Juppé ne devrait-il pas se rappeler l’impérieux précepte du général De Gaulle, avoir la politique de sa géographie ?
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Philippe Randa,
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