27 octobre 2016

Mitterrand eut toujours le dessein de séduire sans se livrer

Par admin

Marie de Hennezel vient de publier chez Fayard le récit de sa longue complicité avec François Mitterrand où l’inquiétude métaphysique du personnage apparaît nettement.

Le titre, d’ailleurs, Croire aux forces de l’Esprit, s’il n’est pas très accrocheur, est très explicite du contenu… Quant à l’auteur, chrétienne très libérée me semble-t-il, mais psychothérapeute de talent, elle s’est trouvée en sympathie naturelle avec l’ancien Président, et il n’est pas de sentiment de cet ordre qui n’ait pas de référence quelque peu spirituelle.

Si les deux personnages n’en sont pas au même niveau de spiritualité, il semble qu’ils se soient augmentés l’un l’autre de leurs parcours différents.

Il n’y a eu qu’un « glissement » sentimental de Madame de Hennezel en dehors de l’institution ecclésiale. Il y a eu rupture chez François Mitterrand, mais toujours nostalgie.

Mitterrand fut un homme de droite, et la Francisque, reçue du Maréchal Pétain, ne fut nullement une couverture quoi qu’en dise une gauche, qui, à une certaine époque, voulait tout justifier de lui.

Quant à sa foi, j’ai eu le témoignage d’un de ses camarades de captivité, qui m’affirmait qu’à cette époque, dans le camp de prisonniers, Mitterrand priait à genoux avant de se coucher. On peut présumer que son mariage avec Danielle issue d’un milieu franc-maçon, bien qu’il se défît assez vite sans se rompre, le fit lentement évoluer vers le doute.

Curieusement, il se déclara homme de gauche, après avoir été élu sur une liste « de droite ». Ce comportement le fit accuser de machiavélisme. Le livre de Hennezel permet de nuancer ce jugement.

Pour le grand public, le comportement ambigu du président parut assez mystérieux pour qu’on le surnommât « Le Sphinx », ou « le Florentin ». Hennezel a eu le privilège rare de percer les défenses de l’homme, non point par habileté, mais parce que Mitterrand, extrêmement méfiant mais intuitif, avait discerné chez elle la capacité d’écoute affective qu’il n’avait jamais trouvée ailleurs.

Cependant, Mitterrand avait bien fait sienne cette formule du Cardinal de Retz : « On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment ! »

Plus le temps passait, plus Mitterrand cherchait des réponses à ses incertitudes. Il en avait fait l’aveu à Jacques Chancel lorsqu’à l’issue de sa Radioscopie, celui-ci lui posa la question rituelle : « Si vous rencontriez Dieu après votre mort, qu’aimeriez-vous qu’il vous dise ? »

Le Président répondit sans hésiter : « Et bien maintenant, tu sais ! »

Homme éminemment politique, c’est-à-dire confronté à un monde sans concession, Mitterrand, pour paraître assuré, avait dû dissimuler ses doutes, car ils eussent été exploités comme une faille. L’homme, naturellement pudique, avait jugé stratégique ce qu’avait mis en pratique également de Gaulle, à savoir qu’il faut se faire une armure de silence et de solitude pour n’être point vulnérable, mais ce qui était chez De Gaulle une stratégie de pouvoir, m’a semblé chez Mitterrand s’augmenter de véritables scrupules : c’est qu’on ne sort pas d’une enfance religieuse pour mener une vie dissolue, sans qu’il en reste le sentiment persistant de la « faute ».

Or, sans croire aux pratiques infâmes dont l’accusait Jean-Edern Hallier, Mitterrand eut toujours le dessein de séduire sans se livrer. Il semble cependant qu’il se soit trouvé en défaut lorsqu’il séduisit Anne Pingeot qui avait 18 ans à l’époque, alors qu’il en avait 46…

L’homme qu’il était en puissance s’est trouvé dévoré par le masque qu’il s’était donné. Réaliste et partisan de l’Algérie Française au point que 45 rebelles furent condamnés à mort durant son mandat, il se trouva à la tête d’un peuple tellement imbécilisé qu’il tenait le parjure de Colombey pour un Grand homme. En sus, les synarques qui avaient entouré De Gaulle, avaient livré la nation à l’économie américaine, mais un instant, avant que la dette n’implosât, la société de consommation avait donné l’illusion des « 30 glorieuses. »

Mitterrand se trouva être le syndic d’une faillite, dont peu d’« économistes » avaient conscience. Il devait un jour oser dire : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre contre les États-Unis […] Une guerre économique, une guerre inconnue, une guerre permanente apparemment sans morts, et pourtant une guerre à mort ! »

Cette certitude lui avait fait mener une politique extérieure extrêmement prudente. On se souvient comment, lors de la première guerre d’Irak, Le Clemenceau louvoya dans la mer pour n’arriver en position de combat qu’une fois le conflit terminé.

Plus éclairant encore fut le drame du « Drakkar » où il lui fallut répondre au choc émotionnel provoqué dans notre peuple qui souhaitait des représailles. Celles–ci impliquaient notre aviation capable d’infliger à l’armée syrienne la punition qui allait de soi. Mitterrand en donna l’ordre. Mais l’on sut plus tard qu’il avait fait avertir le gouvernement syrien de cette opération de représailles, afin qu’il fît évacuer les positions concernées. De ce fait, nos bombes n’écroulèrent que des immeubles vides. Le souci de Mitterrand avait été celui de ne pas déclencher des réactions en chaîne, afin d’éviter un conflit qu’il jugeait ne pouvoir assumer.

Ses successeurs n’eurent au contraire que le souci de donner des gages d’obéissance aux Yankees, car c’étaient les lobbys qui désormais contrôlaient l’élection du Président français. C’est ainsi qu’il a pu dire de son successeur : « Après Chirac, n’importe qui peut être président de la République ! »

Le pronostic allait se révéler exact.

Dans son souci de composer, il accepta de ministrer quelques socialistes qui, sauf peut-être Hubert Védrine, furent d’une remarquable incompétence. C’est ainsi qu’émergea Laurent Fabius, personnage parfaitement surfait, mais dont la nomination était destinée à rassurer certains, inquiets de ce que le Président fit fleurir la tombe du Maréchal Pétain et de son refus catégorique de reconnaître la responsabilité de la France dans la déportation et la « Shoah ». On se souvient d’ailleurs de la réponse sans réplique au journaliste qui semblait mettre en cause ses sentiments vis-à-vis des fonctionnaires de Vichy : « Taisez-vous jeune homme, vous n’y entendez rien ! »

Tout cela est connu qui laissa voir la nature complexe de l’homme, lequel s’affirmant socialiste, libéra tout de même le syndicalisme agricole, que le Premier ministre Chirac, à la suite de de Gaulle, avait soviétisé. Mais ce sera le mérite de Madame de Hennezel de nous faire découvrir un personnage que l’on savait esthète et cultivé, mais dont on ignorait qu’il assistait secrètement à des cérémonies religieuses et qu’il avait des contacts suivis avec le père Abbé de Taizé auprès duquel il allait parfois se ressourcer.

Cela cependant n’avait pas suffi à lever les incertitudes qui l’assaillaient. Il est vraisemblable que son inconduite matrimoniale lui était un obstacle pour s’engager plus avant dans les quelques disciplines morales qu’exige la foi, et qui lui eussent fait sacrifier les avantages mondains de son état.

Il a avoué ne pas savoir « s’il croyait », alors que, comme la soif prouve la fontaine, sa soif spirituelle était inextinguible. Mais l’argument de « ne pas savoir » était un prétexte qui lui permettait de temporiser encore, et de ne pas s’engager plus avant.

Il me semble qu’il aimait la foi « libérée » de son interlocutrice, alors que cette faculté de vivre sans dualité dans la contradiction est réservée à la femme. Il cherchait à se rassurer sans changer, et il me paraissait chercher la contagion de la sérénité de son amie. Il est possible aussi qu’un certain abandon de soi, sans lequel il n’y a point de paix, lui parut une démission. Opposé à de Gaulle, il en avait les nombreux défauts, mais avec l’énorme différence que, lui, n’avait nullement la sinistre assurance du mythomane.

Le seul entretien que j’ai eu avec François Mitterrand m’a fait pressentir chez le personnage tout ce que nous en révèle Madame de Hennezel.

Ce fut immédiat, et je crois qu’il sut comme moi que nous jouions un jeu verbal qui, par tempérament, nous plaisait, mais qu’il préludait à quelque chose d’essentiel.

J’étais à ce moment-là Président National de la Fédération Française de l’Agriculture, ce qui m’avait conduit un instant dans les geôles de la République. Le Président en était parfaitement au courant, mais le débat glissa très vite de l’économie au politisme, puis à l’histoire, enfin à la religion.

Je ne sais comment nous en arrivâmes au Livre de Job qui me paraît être le témoignage salutaire de l’acceptation, parce que tout simplement, toute autre attitude est une impasse.

Le président me répondit par un biais : « Mais vous savez que le Livre de Job est tiré du paganisme et qu’il n’a été introduit dans la Bible que tardivement ? »

« Oui, lui dis-je, il a été tiré d’un texte sumérien, qui date d’un millénaire au moins avant Abraham, mais cela ne prouve-t-il pas que la révélation fut « une », et que les religions sont nées de sa fragmentation ? »

Les yeux de Mitterrand eurent alors cet éclat presque insoutenable que beaucoup de ses proches ont noté : c’est que nous étions dans un domaine qui lui était familier, même si son parcours y était erratique.

Nous en arrivâmes à la tradition égyptienne, dont il était obsédé, ce qui explique la fameuse pyramide du Louvre, et comme il n’avait point lu les ouvrages de Slosman sur le sujet, je me permis de les lui conseiller. J’eus le plaisir de l’entendre demander à sa femme d’en prendre note. Ce qu’elle fit.

Je me suis demandé ce que signifiait pour le président la Pyramide du Louvre. Sans comprendre les témoignages anciens, il est commun qu’on espère en recevoir quelque révélation en les reproduisant.

Je pense que Mitterrand eut été intéressé par l’hypothèse récente d’Anton Park qui glose sur le cénotaphe vide à l’intérieur de la Grande Pyramide, à savoir que Moïse en aurait emporté le contenu, peut-être la momie D’Osiris, vers la terre promise, ce qui aurait motivé la poursuite des fugitifs par Pharaon, jusqu’au désastre de la mer des Roseaux.

Ce n’est qu’une hypothèse. Et Mitterrand par la grâce de Dieu, en sait maintenant dans « l’Ailleurs », plus que nous.

Je ne sais rien d’autre du cheminement de l’homme, sinon ce que m’en a conté une parente du Général de Bénouville qui avait aidé Mitterrand à entrer en Résistance, tout en restant fidèle au Maréchal Pétain et à ses convictions religieuses. C’est lui qui, requis à déjeuner par le Président un peu avant sa mort, le supplia de faire le geste ultime de réconciliation avec le Dieu de son enfance. Et Mitterrand aurait fait le nécessaire. Ce qui explique des obsèques religieuses que n’aurait certainement pas souhaitées l’aréopage socialiste !

Reste la phrase terminale de son dernier message aux Français : « Je crois aux forces de l’Esprit : Je ne vous quitterai pas ». C’est une phrase qui paraît très assurée de la vie qui continue au-delà de l’existence.

Marie de Hennezel semble démontrer au cours de son témoignage que Dieu s’obstine. On le savait par d’incroyables conversions récentes aussi inexplicables humainement que celle de Paul de Tarse sur le chemin de Damas.

« Croire aux forces de l’esprit » en montre quelques étapes qui devaient aboutir à ce que Mitterrand ait cité avec dilection un peu avant sa mort cette phrase de Maître Eckart : « Quiconque croit que l’Esprit est présent en lui-même, ne périra pas, mais jouira de la vie éternelle. »

Les fameuses « Transcommunications », obtenues par la commission scientifique du Vatican et qui relèvent d’un nouvel aspect des plus hautes sciences vont dans ce sens ; il est possible que le Président les ait connues, et qu’il ait connu l’impossibilité du laïcisme à les réfuter. C’est parfois par l’intelligence que s’animent les cœurs…

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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

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