Ă la LibĂ©ration, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle a fort Ă faire avec nos alliĂ©s anglo-saxons (nos « fous alliĂ©s », pour certains). Dans le tome trois des MĂ©moires de guerre, qui reste le moins lu, on trouve cette jolie phrase digne de son style admirable, rarement poĂ©tique dans les mĂ©moires : « Le quai dâOrsay, longtemps chĂąteau de la Belle au bois dormant, sâĂ©veillait Ă lâactivité » (p. 46).
Et De Gaulle va vite avoir fort Ă faire avec lâintervention anglaise en Syrie (câest une habitude de lâĂtat profond british, dâavoir fort Ă faire nâimporte oĂč). Selon le sympathique et documentĂ© bloggeur Harun Yayha, seuls vingt-deux pays ont Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©s par la prĂ©sence coloniale et militaire anglaise. Nous nâen faisons pas partie (demandez Ă Jeanne dâArc), pas plus que la Chine, lâInde, lâAllemagne, lâItalie, lâEspagne ou les USA, ainsi que quelques dizaines de pays ocĂ©aniens, africains ou asiatiques !
En rĂ©alitĂ©, peu de pays sur terre (la Russie,âŠ) ont Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©s par lâoccupant anglais et sa modernitĂ© tapageuse et lucifĂ©rienne. Lisez Engels qui en rend compte dans son opuscule sur le socialisme utopique : la race anglaise est dĂ©jĂ au Moyen Ăge plus matĂ©rialiste que nos contemporains.
On lâĂ©coute, le GĂ©nĂ©ral : « Au cours de cette mĂȘme journĂ©e du 1er juin, le gĂ©nĂ©ral Paget vint Ă Beyrouth et remit au gĂ©nĂ©ral Beynet un ultimatum dĂ©taillĂ©. Aux termes de ce document, lâAnglais â qui sâintitulait : âCommandant suprĂȘme sur le théùtre dâOrientâ, bien quâil nây eĂ»t plus, Ă 10 000 kilomĂštres Ă la ronde de ce âthéùtreâ, un seul ennemi Ă combattre â dĂ©clarait âquâil avait reçu de son gouvernement lâordre de prendre le commandement en Syrie et au Libanâ. Ă ce titre, il sommait les autoritĂ©s françaises âdâexĂ©cuter sans discussion tous les ordres quâil leur donneraitâ. Pour commencer, il prescrivait Ă nos troupes âde cesser le combat et de se retirer dans leurs casernesâ. Le gĂ©nĂ©ral Paget avait dĂ©ployĂ©, Ă lâoccasion de sa visite, une provocante parade militaire » (p. 193).
Ă transmettre aux diplomates de ces heures maussades de notre histoire⊠Mais de Gaulle reste de Gaulle, nâen dĂ©plaise aux stratĂšges de lâextrĂȘme droite et Ă toute lâĂ©cole socialo-amĂ©ricaine (François Mitterrand a trĂšs bien fait la jonction entre les deux)âŠ
Le GĂ©nĂ©ral sâĂ©nerve et voici comment il sâadresse aux Anglais : «⊠je fis, le 2 juin, une confĂ©rence de presse. Jamais encore lâaffluence des journalistes Ă©trangers et français nâavait Ă©tĂ© plus nombreuse. Jâexposai lâaffaire sans insultes, mais sans mĂ©nagements, pour nos anciens alliĂ©s.
Enfin, le 4, je convoquai lâambassadeur de Grande-Bretagne, le fis asseoir et lui dis : âNous ne sommes pas, je le reconnais, en mesure de vous faire actuellement la guerre. Mais vous avez outragĂ© la France et trahi lâOccident. Cela ne peut ĂȘtre oubliĂ©â. Duff Cooper se leva et sortit. »
Pauvre Duff Cooper qui, comme lâa rappelĂ© Philippe Grasset, Ă©tait lâun des Britanniques les moins hostiles Ă la France.
Le mystĂšre du dĂ©clin français sous nos rĂ©publiques (et mĂȘme depuis la monarchie de Juillet) est ainsi Ă©clairĂ© par notre narrateur : « Sachant quels Ă©taient, dâune part, le savoir-faire du Foreign Office et, dâautre part, lâhorreur du vide de notre diplomatie quand il sâagissait de nos relations avec lâAngleterre, je doutai, Ă premiĂšre vue, que les choses fussent ce quâelles semblaient ĂȘtre. Mais, comme Ă Paris le Quai dâOrsay, Ă Londres notre ambassade, me certifiaient que telle Ă©tait bien la signification du projet, je donnai mon agrĂ©ment » (p. 283).
SacrĂ©e horreur du vide⊠Mais le GĂ©nĂ©ral rebelle nâest pas au bout de ses peines avec les Anglo-saxons. AprĂšs les Britishs ruinĂ©s par leurs guerres mondiales, les yankees contre-attaquent : « Les choses en Ă©taient lĂ quand, au cours du mois de mai, les AmĂ©ricains manifestĂšrent leur volontĂ© de voir nos troupes se retirer en deçà de la frontiĂšre de 1939.
Ă lâorigine de lâaffaire, il y avait, dans une certaine mesure, le goĂ»t dâhĂ©gĂ©monie que les Ătats-Unis manifestaient volontiers et que je nâavais pas manquĂ© de relever en chaque occasion. Mais jây voyais surtout lâeffet de lâinfluence britannique. Car, au mĂȘme moment, lâAngleterre prĂ©parait, au Levant, la manĆuvre dĂ©cisive. Pour Londres, il Ă©tait de bonne guerre de pousser dâabord Washington Ă chercher querelle Ă Paris. Divers faits me fournirent la preuve que tel Ă©tait bien le cas » (p. 181).
AprĂšs les choses commencent Ă se gĂąter : « Le gĂ©nĂ©ral Alexander, Commandant en chef en Italie, obĂ©issant Ă M. Churchill, dirigeait vers Tende, La Brigue et Vintimille des troupes italiennes sous ses ordres, ce qui, si nous laissions faire, aurait pour effet dây rĂ©tablir la souverainetĂ© de Rome » (p.182).
Quel mystĂšre que cette relation du gĂ©nĂ©ral aux anglo-saxons, forcĂ© de collaborer avec eux comme avec un moindre mal⊠On laisse le lecteur se ressourcer aux MĂ©moires du GĂ©nĂ©ral. Par les temps qui courent, câest le plus sĂ»r moyen de rĂ©sister Ă la pression de ce systĂšme agonisant.
Peyrefitte a rappelĂ© pourquoi de Gaulle ne cĂ©lĂ©brait pas le dĂ©barquement du 6 juin, qui signifiait une France soumise Ă lâAMGOT : « Le dĂ©barquement du 6 juin, cela a Ă©tĂ© lâaffaire des Anglo-Saxons, dâoĂč la France a Ă©tĂ© exclue. Ils Ă©taient bien dĂ©cidĂ©s Ă sâinstaller en France comme en territoire ennemi ! Comme ils venaient de le faire en Italie et comme ils sâapprĂȘtaient Ă le faire en Allemagne ! Ils avaient prĂ©parĂ© leur AMGOT qui devait gouverner souverainement la France Ă mesure de lâavance de leurs armĂ©es. Ils avaient imprimĂ© leur fausse monnaie, qui aurait eu cours forcĂ©. Ils se seraient conduits en pays conquis. »
La France sous Hollande a disparu comme puissance. Une chose nâa pas changĂ©, la nullitĂ© de sa presse aux ordres et noyautĂ©e par la CIA. De Gaulle encore Ă Peyrefitte : « Les journalistes français sâengouffrent comme une meute hurlante derriĂšre tous ceux qui complotent contre moi. »
Sources
Charles De Gaulle, Mémoires de guerre, Plon, tome troisiÚme
Alain Peyrefitte, CâĂ©tait de Gaulle, tome premier
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