31 mai 2016

Pourquoi la décadence en France est une vieille habitude

Par Nicolas Bonnal

 

Nous traversons comme toujours une vague de grèves et de chaos en France, et je ne sais pourquoi on pleurniche ici ou là en évoquant la décadence. Cette dernière est arrivée bien avant François Hollande et bien avant les années 1970 chères à Éric Zemmour. De plus, on fait des « citoyens » français des victimes de cette décadence alors qu’ils en ont toujours été depuis 1789, 1870 ou mai 1968, les collaborateurs infatigables.

La doxa de droite qui fait des Français des victimes se trompe – à moins que sa mauvaise foi ne se manifeste ici que pour attirer un gibier électoral encore trop rétif. Car que ne fera pas l’électeur français pour montrer son éternel républicanisme, son pérenne attachement au fiscalisme ou son refus citoyen du racisme !

Voici ce qu’écrit Gustave le Bon en 1910, juste après une énorme et retentissante grève de postiers qui avait terrorisé les politiques d’alors : « L’histoire lamentable de la grève des postiers révéla à quel point nos gouvernants, un peu trop dépourvus de génie, peuvent être terrifiés par les moindres spectres. »

Le Bon décrit une conversation avec un industriel allemand. L’Allemagne écrase déjà la France économiquement, et le businessman ne mâche pas ses mots : « Vous descendez rapidement au dernier rang des peuples, après avoir été au premier. Vous devenez une petite nation repliée sur elle-même, écrasée d’impôts, ne subsistant qu’à force d’économies et de privations, et de plus en plus incapable de s’offrir le luxe d’avoir des enfants. »

La république fit exploser le nombre de fonctionnaires, de voies ferrées et de colonies coûteuses, sanglantes et inutiles. Le Bon décrit cette involution dans sa Psychologie politique. Ce n’est pas pour rien que Bismarck se vantait d’avoir tout fait pour que la France demeurât une République ; car la république des parlementaires, des fonctionnaires, des syndicats et des « chéquards » allait se charger de créer une Gaule à notre mesure.

Le Bon annonce même que nous ne garderons pas l’Algérie. Voici pourquoi selon lui : « Tous les musulmans considèrent que notre éducation rend les musulmans ennemis invétérés des Européens, envers lesquels ils ne professaient d’abord qu’indifférence. Si l’éducation se généralisait dans notre colonie méditerranéenne, le cri des musulmans algériens serait bientôt : « L’Algérie aux Algériens ! » »

Car instruction moderne rime partout avec destruction de civilisation.

Un autre qui ne se trompe pas est Jules Verne dans Clovis Dardentor : « Comment se fait-il que l’Algérie, avec ses ressources naturelles, ne puisse se suffire à elle-même ?…

— Il y pousse trop de fonctionnaires, répondit Jean Taconnat, et pas assez de colons, qui y seraient étouffés d’ailleurs. »

Nous pataugeons dans ce déclin bavard et social depuis 1870, celui du Tartufe prolétarien dont parle Céline. On se consolera en se disant que le candidat Juppé (celui des grèves de 1995) se fera élire en promettant la réforme des institutions et de la fiscalité.

 

(1) Psychologie politique et la défense sociale, réédition chez Déterna, collection « Documents pour l’Histoire », 338 pages.

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