6 juillet 2017

Pour une pratique gouvernementale de bon sens

Par Jean-Pierre Brun

 

Messieurs Macron et Philippe originaires, paraît-il, de partis politiques opposés, ont ceci de commun : leur jeunesse et leur sourire. Leur jeunesse me laisse croire que quelques conseils d’anciens, à défaut de les aider ne sauraient leur nuire. Leur éternel sourire m’incline à penser que rien ne pourrait altérer une bonne humeur qu’il s’agit désormais pour eux de partager avec un peuple français morose sinon inquiet. C’est ce qui m’autorise à leur transmettre, à la bonne franquette bien sûr, ces avis d’aînés éclairés.

Qu’ils soient d’abord convaincus de la justesse d’une sentence qu’ils devront répéter sept fois à leur réveil : « Ce n’est pas une raison parce que rien ne marche droit pour que tout aille de travers. »

Au petit-déjeuner, après un bénédicité républicain de leur choix et avant de découvrir la presse, ils devront impérativement se rappeler le constat établi naguère par Balzac : « Un journal n’est plus fait pour éclairer, mais pour flatter l’opinion. Ainsi les journaux seront dans un temps donné, lâches, hypocrites, infâmes, menteurs, assassins ; ils tueront les idées, les systèmes, les hommes et fleuriront par cela même. Le mal sera fait sans que personne en soit coupable ». Cet état de fait devrait par ailleurs les inciter à mettre la pression sur les patrons de presse en sollicitant Péguy : « Il faut toujours dire ce que l’on voit : surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. »

Cette anomalie de la vision peut d’ailleurs affecter des membres de leur gouvernement venus eux aussi d’horizons opposés. Il sera bon de leur imposer une rééducation oculaire appropriée. Ainsi tel ministre de la Culture victime d’une exotropie de l’œil gauche et tel ministre de l’Éducation Nationale affecté d’une exotropie de l’œil droit pourront ainsi mieux partager leurs points de vue sur les obstacles communs qui surgissent droit devant eux.

Avant de rassembler leur majorité, ils devront impérativement se rappeler que, selon Stéphane Hecquet, « une troupe qui tourne en rond est une troupe qui tourne mal. »

Préparant les discours de politique générale, ils ne sauront entretenir aucune illusion sur la portée réelle de leur intervention. Pour ce faire Rivarol les rassurera : « On parvient quelquefois à vaincre les gens dans une discussion, à les convaincre jamais. »

À la veille d’une rencontre diplomatique, de quelque nature qu’elle puisse être, ils recourront à la sagesse incontestée du maître Audiard : « Quand un homme de 120 kilos parle, celui de 60 l’écoute » (loin de nous l’idée de focaliser sur la plantureuse Angela).

Avant une conférence de presse ou une allocution télévisée, ils tiendront compte dans leur réflexion de la sentence intemporelle proférée par Audouard : « L’exploitation de la bêtise n’est pas à la portée du premier imbécile venu. »

Dans le cadre de leur chantier immédiat sur la moralisation de la vie publique, ils se souviendront que « si les petits cadeaux entretiennent l’amitié, les gros la mettent en péril. »

Pour traiter de l’insécurité et des difficultés ambiantes, avant de se reposer comme à l’accoutumée sur l’inoxydable discipline des forces armées et de police, ils méditeront les propos de Léon XIII : « Rien n’enhardit autant l’audace des méchants que la faiblesse des bons » ; de Péguy : « Les patries sont toujours défendues par les gueux et livrées par les riches » et de Vigny : « La parole qui, trop souvent, n’est qu’un mot pour l’homme de haute politique, devient un fait terrible pour l’homme d’armes et ce que l’on dit légèrement, ou avec perfidie, l’autre l’écrit sur la poussière, avec son sang. »

Au Garde des Sceaux, ils glisseront subrepticement cette phrase de Pagnol (à ne pas laisser traîner à proximité d’un quelconque « mur des cons ») : « Les coupables, il vaut mieux les choisir que les chercher. »

Ils souligneront par ailleurs une vérité émise par Jean-François Revel, dont les verdicts de procès d’opinion devront impérativement tenir compte : « Il faut qu’en aucun cas, on ne puisse reprocher à des Africains d’avoir fait périr d’autres Africains. Ce serait du racisme. »

À l’attention du ministre de l’intérieur et du garde des sceaux, lors d’un Conseil des ministres par exemple, se référer à Royer-Collard sera particulièrement opportun : « Ne persécutez jamais un honnête homme pour une opinion qu’il n’a pas : vous la lui donneriez. »

Le président de la République se souviendra être le protecteur de l’Académie française et par conséquent de la langue française. Il gardera en permanence quelque part dans une cellule de sa prestigieuse mémoire d’énarque, le constat fait par Jean-François Deniau : « Encore de ces mots qui se dégradent s’ils passent du singulier au pluriel, comme honneur, droit, devoir, espérance, bien, respect… » (il va bien au-delà du domaine de la simple lexicographie). Lors de ses déplacements à l’étranger, Audouard sera à ses côtés pour lui rappeler que « quand le monde entier parlera anglais, plus personne ne comprendra la langue de Shakespeare. »

Au tout nouveau ministre de l’Éducation nationale, il sera rappelé qu’avec « l’allégement des programmes scolaires et le pédagogisme qui progressent, on arrivera bientôt à situer la bataille de Poitiers en 1514,692 et celle de Marignan en 732,412, sans recourir pour autant au carbone 14 pour une datation plus précise dont d’ailleurs tout le monde se fiche ». On insistera toutefois sur celle de l’Hégire, 622, qui à plus ou moins long terme pourra être utile.

Leur rude journée de labeur accomplie, alors qu’ils tenteront de trouver difficilement le sommeil (l’homme politique, Hugo dixit, ne saurait « dormir du sommeil du juste »), plutôt que de compter de stupides ovins, ils méditeront un proverbe russe qui devrait écarter leurs soucis, du moins pour la nuit : « Nul ne sait de quoi hier sera fait. »

Bonsoir Monsieur le Premier ministre. Dormez en paix, Monsieur le Président. Il est l’heure qu’il vous plaira.

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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

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