Marchons au combat à la gloire, marchons sur les pas de Macron…
Élevé au bouillon de culture allégé de l’E.N.A. notre président ne doute de rien, ni surtout de lui-même, au point d’imaginer être le Gepetto d’une république en marche. Comme le marionnettiste de Collodi, il s’est persuadé pouvoir animer un pantin bâti de bric et de broc avec des pièces disparates récupérées dans les déchetteries de la politique politicienne. Sauf que, bien avant lui, d’autres artistes, autrement plus doués que lui, n’avaient pas manqué de faire marcher une république à l’indolence pourtant endémique.
Les paléontologues de la politique française n’ont-ils pas identifié de longue date un mille-pattes parlementaire domestiqué par un Colombeypithèque ingénieux qui l’avait baptisé « godillots » tant il marchait aveuglément au pas de son maître.
L’athlétique François Mitterrand, « le body-builder du socialisme à la française », le grimpeur légendaire qui ne perdait jamais les pétales, fussent-elles d’une rose transgénique, aimait à traîner les siens jusqu’au sommet la Roche de Solutré.
Personne n’avait alors rappelé à son électorat la symbolique légendaire de ladite Roche qui aurait été gravie au grand galop par des hordes de chevaux sauvages effrayées par des hommes préhistoriques qui les poussaient ainsi dans le vide, au bas de la falaise pour ensuite les dépecer. Le Machiavel de l’Hôtel du vieux Morvan ne se vantait-il pas d’avoir fait marcher le Parti Communiste Français dans une Union de la Gauche subliminale jusqu’au Capitole du pouvoir avant de le pousser au bas de la Roche Tarpéienne des victoires sans lendemain, pour mieux le dépouiller et boucaner ses membres les plus actifs.
Eh oui, rien de nouveau sous le soleil !
La République en marche ! Vous noterez déjà que nul n’a précisé quelle était la destination de cette déambulation devenue curieusement une marche à l’aveugle. Aucun « influenceur » n’a d’ailleurs été sollicité pour se consacrer à l’éclairage de sa route. À qui profite cette omission ? Des esprits malveillants suggèrent même quelques analogies entre ce piétinement frénétique et une vulgaire partie de colin-maillard.
Mais alors et de ce fait, le citoyen rêvé devrait-il être celui qui marche aussi inconsidérément que le hamster dans sa roue et faire sien le programme lapidaire : « Je marche donc je suis… le chef aveuglément ».
Jadis Raymond Devos, un psycho-sociologue d’Outre-Quiévrain (utiliser ces appellations surannées est un vrai plaisir de gourmet) avait souligné une anomalie comportementale inquiétante de ses membres inférieurs : « Mon pied droit est jaloux de mon pied gauche. Quand l’un avance l’autre veut le dépasser et moi, comme un imbécile je marche ».
Castex ne serait-il pas l’oncle incarné de la droite macroniste et Marlène Schiappa le hallux valgus d’un orteil gauche distordu qui permettent de donner l’illusion d’une progression sur la voie de réformes aussi nécessaires qu’hypothétiques ?
D’aucuns diront que celui qui n’avance pas recule, soit, mais dans les années soixante un ministre du tout nouvel État algérien n’avait-il pas souligné que le pays était au bord du gouffre avant que, grâce à la vigoureuse action gouvernementale, il ne fasse un grand pas en avant.
La marche d’orientation représentait naguère une épreuve éliminatoire dans la formation de l’apprenti commando largué au milieu de nulle part dans un environnement particulièrement hostile avec la seule aide d’une carte aussi bavarde que les tarots d’une cartomancienne hypermétrope et une boussole aux aiguilles magnétiquement susceptibles au point de perdre le nord.
Aujourd’hui le guérillero de la république en marche se dandine pitoyablement tel un canard dont on vient de trancher le cou, avant de s’écrouler dans la mare politicienne la plus proche. Il faut toutefois lui reconnaître des circonstances atténuantes. En effet, affolé par les écarts de trajectoire de son gaveur, le malheureux militant ne reconnaissait déjà plus la droite de sa gauche avant même de perdre la tête.
Pour rester dans une forme acceptable l’individu doit paraît-il effectuer quotidiennement 10 000 pas. Marche d’autant plus salutaire qu’elle n’est pas désordonnée mais rythmée et ventilée par une respiration maîtrisée. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour une République dont les effets de l’âge menacent les articulations déjà arthritiques. Mais s’échiner et se faire suer sur le tapis de marche de la salle omnisports encombrée et polluée d’un groupe parlementaire, ne conduit pas pour autant à ces grands espaces ensoleillés tant espérés. Et marcher en plein merdier politicien, même du pied gauche, n’assure pas pour autant le bonheur tant proclamé des fameux lendemains qui chantent.
« Il faut marcher, beaucoup marcher, pour aller où je vais » chantait naguère Gilbert Bécaud.
Le but de l’interminable pérégrination de son infortuné héros était la maison familiale. Aujourd’hui la République piétine, plus qu’elle ne marche, dans une salle des pas perdus désespérante parce que sans issue.
Pour symboliser l’incomparable formation présidentielle je me permettrai, en parfait esthète de l’art (n’y voyez là aucun jeu de mots porcophile ou islamophobe de ma part), de conseiller au conservateur du musée des horizons perdus, une place de choix pour une sculpture édifiante du maître arlésien Jean Turcan : « L’aveugle et le paralytique ». Tout un symbole.
Et si pour les suborneurs d’une république covidée de tout sens, l’art de leur politique ne consistait qu’à faire marcher l’électorat en brandissant, telle une brassée de chardons appétissants sous le chanfrein d’un bourricot gourmand, des programmes aussi virtuels qu’erratiques pour mieux lui faire battre la campagne jusqu’à un épuisement total et un abrutissement indispensable à toutes les manipulations des auriges du char de la mondialisation en marche.
Néanmoins et quoi qu’il en soit, plus nombreux de jour en jour sont ceux qui ne marchent plus, en général (hors cadre et en charentaises) comme en particulier (populiste bien évidemment).
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