Les parfums du printemps

L’hiver tire sa révérence pour laisser la gamme fleurie du printemps nous surprendre agréablement. Les senteurs du printemps éveillent nos sens et nous font entrer dans une atmosphère enchantée. Nos jardins sont embaumés par les fleurs de jasmin, de narcisses, de lilas,  de chèvrefeuilles, de glycines , de roses, de cerisiers, de magnolias, qui ont le pouvoir d’éveiller les souvenirs, mais aussi de susciter le désir.

Le roman d’Émile Zola (1840-1902) La faute de l’abbé Mouret évoque le désir sensuel dans le fabuleux jardin appelé le Paradou : paradis où Serge Mouret et Albine se rencontrent. Les parfums les plus suaves et les plus envoûtants favorisent cet amour interdit. Le Paradou  est  le jardin  avant la chute, aux lourds parfums sensuels,  où se sont développées les fleurs les plus belles comme les plus vénéneuses, que l’abbé, déchiré entre l’amour de Dieu et la sensualité, va commettre la faute.

Les parfums sont également ce qui éveillent notre mémoire.

En effet, l’odorat est le sens de la mémoire comme l’affirme Arthur Schopenhauer (1788-1860) « parce qu’il nous rappelle plus immédiatement qu’aucun autre l’impression spécifique d’une circonstance ou d’un milieu, si éloignée qu’elle soit » dans Le Monde comme Volonté et comme Représentation ( Burdeau, tome 2. 1913).

Toutes les senteurs des jardins nous renvoient aux souvenirs liés à  l’enfance où l’on passait un temps infini à regarder les élytres noires avec les  gros points rouges d’une coccinelle sur le chaton  d’un saule, le saut élastique  d’un criquet vert amande  dans l’herbe tendre ou encore  la mésange tissant  son nid en haut d’un arbre.

Et plus particulièrement au printemps, où la nature renaît ; l’atmosphère  est légèrement parfumée. Le sol encore humide est ajouré par la lumière tendre du soleil derrière les branches fleuries, laissant s’élever les senteurs de la terre et  l’écorce des arbres.

Charles  Baudelaire (1821-1867) se transforme en créateur de parfums à travers la poésie ; dans Correspondances, il écrit : « Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants. Doux comme les hautbois, verts comme les prairies. »

Le parfum a le pouvoir de secouer des souvenirs dans l’air  comme celui de  l’encens, du musc, du  benjoin,  de l’ambre mais aussi des odeurs nauséabondes.

Le terme parfum vient du latin « per fumum » (à travers la fumée), probablement à la suite des usages traditionnels et anciens de fumigations sacrées, médicinales ou rituelles. Le mot « parfum » est apparu tardivement dans la langue française vers 1528. Dérivé du verbe « fumer », il a d’abord évoqué des substances odoriférantes qui se brûlaient avant de prendre son sens actuel.

Dès l’âge de bronze, des plantes aromatiques, des bois odorants sont  brûlés pour communiquer avec les divinités, pour les honorer, les nourrir et porter les prières, spécialement lors des rituels funéraires.

Un parfum est une odeur ou plus souvent une composition odorante plus ou moins persistante naturellement émise par une plante, un animal, un champignon ou un environnement.

Dans la nature, les parfums sont souvent des messages chimiques et biochimiques, et notamment des phéromones ou phytohormones.

L’ouvrage  intitulé Le parfum de Patrick Süskind, dans lequel, Grenouille le personnage principal va rester reclus dans une grotte durant sept ans afin de créer son propre royaume d’odeurs. Il va se souvenir des parfums qu’il a connus afin de les maîtriser : « qui maîtrisait les odeurs, maîtrisait le cœur des hommes ». Les parfums sont-ils liés aux émotions les plus profondes, amoureuses, sensuelles, charnelles ?

Alors, le renouveau des parfums que chaque saison offre, est-il l’occasion d’éveiller en nous les désirs les plus enfouis dans notre inconscient ?  On sait désormais que l’odorat est l’un des premiers sens développés chez le fœtus. Les récepteurs d’odeurs et la zone du cerveau traitant cette information se forment entre la 8e et 11e semaine de grossesse. Pourtant les narines du fœtus demeurent bouchées jusqu’au 6e mois. Dès le 7e mois, les substances odorantes transportées par le liquide amniotique représentent une première expérience olfactive pour le fœtus. C’est pourquoi elle influencera les préférences de l’enfant après la naissance.

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