Les singes sont malins, ils savent nous imiter

Lorsque les singes nous imitent ; ils nous caricaturent et leurs grimaces devraient nous faire réfléchir aux postures, aux attitudes grotesques que nous prenons bien souvent. Ainsi, l’illustration de l’œuvre Devolved Parliament de l’artiste Banksy représente les parlementaires sous forme de chimpanzés, serait une allégorie du Brexit.

Le fait que les singes nous imitent a été révélé dès qu’ils ont mis le pied en Europe. En effet, depuis 1492, des caravelles européennes reviennent des forêts guatémaltèques, les cales remplies de ouistitis, de saïmiris ou de capucins noirs, si bien que ces primates investissent les planches des naturalistes mais également des théâtres. Ces animaux étonnent, car ils nous ressemblent et même nous imitent à l’envi.

Les singes facétieux d’Henri IV (1553-1610), Bertrand et Robert montent à cheval comme le roi, la jeune orang-outan de Joséphine de Beauharnais (1763-1814) dîne à la table de Napoléon à la Malmaison, se régalant de navets qu’elle coupe avec le couteau. Les singes imitent les hommes et ces derniers en rient.

Mais n’est-ce pas finalement les humains les plus ridicules ?

L’engouement des singes à la cour s’est fait ressentir auprès des artistes peintres. Notamment avec Jean-Baptiste Siméon Chardin (1699-1779) qui a peint environ à la même époque 1740 Le singe peintre et Le singe antiquaire, mais d’autres artistes comme David Teniers (1610-1690) avec La taverne des singes ou encore Antoine Watteau (1684-1721) avec Le singe peintre ou Jean-Baptiste Deshays (1729-1765).

Les singes peignent également et imitent ce qu’ils voient. Ne peut-on pas alors affirmer comme l’a écrit Boccace (1313-1375) : « ars simia naturae » (art singe la nature).

D’ailleurs, on utilise de ce fait le verbe « singer » pour dire « imiter ». De même Michel de Montaigne (1533-1592) écrira à la suite : « J’ai une condition singeresse et imitatrice. »

L’art de nous imiter est un art, soit animal ! mais il n’en n’est pas moins un art.

Si bien que les singeries que l’on découvre à l’hôtel de Rohan ou au château de Chantilly représentent les travers des hommes. Ce sont des caricatures du 18 è siècle de l’exotisme et de l’ironie qui font sensation. Ce thème à la mode représente des singes et des singesses, néologisme qui désigne des singes féminins, imitant les faits et les gestes des hommes et des femmes de l’époque et en particulier de l’aristocratie.

En 1735 et 1737, le peintre animalier Christophe Huet (1700-1759) est chargé de décorer une salle du château de Chantilly en intégrant des singes.

À côté de l’art d’imiter le singe est perçu comme malin. Il n’est pas nécessaire de lire la fable de La Fontaine intitulée Le singe et le chat pour s’en rendre compte… La moralité de l’histoire souligne que le singe « tire toujours les marrons du feu », ce qui laisse à penser qu’il sert ses desseins aux dépens d’une dupe.

En est-il de même pour l’homme ?

Des chercheurs américano-japonais ont pu montrer que le chimpanzé est l’un des animaux les plus intelligents du monde. En effet, ce singe surpasse l’homme dans certains jeux intellectuels grâce à sa capacité de résoudre des problèmes dans un environnement donné. L’intelligence spatiale des chimpanzés surpasse celle des enfants. En effet, nos cousins disposent de très grandes aptitudes pour se repérer dans l’espace, avoisinant celles des adultes humains, et surclassant nettement les facultés des enfants.

Les chimpanzés manifestent un comportement social complexe à tel point qu’ils manient les règles de la politique, utilisent des outils, apprennent par essais et erreurs, montrent une excellente mémoire immédiate.

L’historien Éric Baratay présente la biographie de Consul, un chimpanzé qui débarque en 1893 au jardin zoologique de Belle Vue à Manchester, habillé en homme, il sert le thé, met la table, fume un gros cigare et se comporte comme un humain refusant de se tenir dans une cage comme ses congénères.

Consul dépasse les espérances par son refus d’une simple vie d’animal de zoo et son insistance à s’insérer dans le monde humain si bien que chaque partie se prend au jeu, les uns pour observer ses capacités d’humanisation, et pour lui se créer une meilleure condition, un entre deux. Il fit croire à beaucoup qu’il représentait le Missing Link, le chaînon manquant, recherché par Charles Darwin (1809-1882).

Mais la vie d’un macaque habillé en homme peut être également tragique, comme celle de Charlie. Ce singe iconique de l’époque napoléonienne que les matelots français avaient grimé en soldat de la Grande Armée pour en faire une mascotte. Il fut traîné en justice et accusé d’espionnage par les Anglais, finit pendu par les habitants de Hartlepool, petit port de la côte Est de l’Angleterre.

Alors, quelle moralité peut-on tirer de la fable des hommes qui aiment être imités par des singes ? Est-ce bien nous qui rions ou les singes qui nous caricaturent ? Je laisse la réponse à chacun d’entre nous.

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