Brexit ou pas Brexit ?
La politique étrangère de la Grande-Bretagne est marquée du sceau de la duplicité. C’est même sa marque de fabrique et la raison de ses nombreux succès. L’Histoire en fourmille d’exemples, la Déclaration Balfour en est un petit chef-d’œuvre. Alors s’étonner du surprenant vote des Anglais pousse à s’interroger en cherchant la manœuvre potentielle sous-jacente.
Comment comprendre que les deux principaux leaders du Brexit, Boris Johnson d’une part et Nigel Farage pour l’UKIP, démissionnent dans la semaine d’une prétendue victoire ? Étonnant, non ? Du jamais vu ! Cette situation rappelle cette fameuse phrase après la victoire d’Hannibal à Cannes : « Tu sais vaincre Hannibal, mais tu ne sais pas profiter de ta victoire ! »
Ou encore le général Boulanger dînant place de la Madeleine après sa victoire aux élections. Un journaliste présent écrivit : « Minuit cinq : le boulangisme est en baisse ». Boulanger aussi avait reculé ; trop attendu pour prendre le Pouvoir qui était à ses pieds. Et combien d’autres, velléitaires, indécis ou incompétents ? Ou objets de pacotille de plus puissants qu’eux. N’est pas Napoléon qui veut ! Encore moins Johnson ou Farage.
Le Brexit a fait « pschitt » aurait dit Chirac !
À bien y regarder, on sait les contorsions de la Grande-Bretagne depuis son entrée dans l’Europe en 1973, ses conditions, ses caprices, ses exceptions et autres dérogations. Comme si la Grande-Bretagne voulait bien montrer qu’elle ne s’en laisserait jamais conter par quiconque et encore moins par une Europe dont elle n’est qu’une pièce rapportée très indépendante et consciente de sa puissance. Pour elle, l’Europe a plus besoin d’elle qu’elle de l’Europe. La Grande-Bretagne n’a jamais eu – ou en tout cas plus depuis le XVe siècle – de volonté européenne. Churchill le rappelait : « S’il faut choisir entre l’Europe et le grand large, je choisirai toujours le grand large ». Eh bien c’est fait ! L’Angleterre est plus qu’une île. C’est un continent à elle seule. En tout cas, c’est comme cela qu’elle se vit.
Mais l’Angleterre est aussi très soucieuse de ses intérêts. Le Brexit n’est qu’un tout petit pas de plus par rapport à un statut européen déjà d’exception. Passé les rodomontades d’usages, les menaces de taureau aux cornes de caoutchouc des Européens d’élite, que va-t-il rester d’un Brexit d’ailleurs non déclaré ? Quand la Grande-Bretagne va-t-elle faire jouer l’article 50 du Traité de l’Union européenne ? Pas avant 2017 dit-on… Pourquoi pas 2020 ou n’importe quand, pour laisser traîner le suspens ? Cela laisse du temps pour discuter, renégocier, trouver des arrangements supplémentaires pour peu de risques somme toute. La baisse de la Livre va booster les exportations de la GB et tout va rentrer dans l’ordre peu à peu. Le coup de semonce du Brexit n’est-il pas le nouveau coup de poker d’une Angleterre qui renoue avec sa tradition de duplicité. Une Angleterre soutenue par son Commonwealth, amie inféodée des cousins américains et qui entend bien pouvoir mieux s’ouvrir encore sur un monde en mutation permanente seule, que ligotée par les incompétences ou les oukases d’une Europe qu’elle ne peut maîtriser. L’Angleterre n’est ni la Grèce, ni l’Espagne, ni la France, ni l’Allemagne pour des raisons différentes.
Que le Brexit ait été souhaité dans la discrétion et l’intimité de cercles d’influence aux projets à long terme ne serait pas surprenant. Quant à l’attitude de David Cameron, elle est peut-être plus complexe que ce qu’on veut bien dépeindre sommairement. Il faudra attendre le recul de l’Histoire pour en avoir la confirmation. Comme toujours !
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Philippe Randa,
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