23 octobre 2016

Normandie, Normands et recherche scientifique

Par Franck Buleux

 

Au début était la Normandie…

En 911, Rollon, chef conquérant viking commença à unifier la terre normande telle que nous la connaissons territorialement aujourd’hui en signant un traité de paix avec le roi des Francs, Charles le Simple.

Le traité, signé à Saint-Clair-sur-Epte donna naissance au duché de Normandie. Rollon, d’origine scandinave, reçu duc par le Roi franc, intégra à son duché les pays voisins de la Basse-Seine, à charge pour lui de les défendre d’autres éventuelles invasions nordiques. Ce traité servira de fondement à la naissance politique et géographique de la Normandie, étymologiquement le « Pays des Hommes du Nord » en vieux norrois, dont était issu leur fondateur.

Historiquement et territorialement, la Normandie était née.

Au-delà de Rollon, les Normands parvinrent, en recourant parfois à l’aide militaire de troupes scandinaves, à se maintenir au pouvoir et à construire un État solide, indépendant jusqu’en 1204, lors du rattachement du territoire au drapeau « aux trois léopards » à la France.

Si la question historique de la Normandie ne fait pas débat, ni même ses contours géographiques, demeure chez certains historiens et archéologues la question de la diversité de sa population et de son maintien.

La question de la population normande

En effet, en 911, une population franque indigène a vu débarquer des guerriers nordiques, vigoureux, venus s’établir et diriger une terre. Cette conquête se matérialisa par un encadrement nordique, limité en quantité de population, qui s’intégra à l’environnement préexistant, notamment via la conversion au christianisme.

Ainsi, la question que se posent de nombreux historiens est la pérennité, sur le sol normand, des populations scandinaves, le plus souvent issues des nations danoise et norvégienne actuelles. Ces hommes du large ont-ils conquis d’autres terres ou se sont-ils installés dans le nord-ouest de la terre franque ? La seconde hypothèse intègre la notion d’absorption, de fusion des populations car il paraît d’évidence que le groupe colonisateur était constitué en totalité (ou quasiment) d’éléments masculins.

En effet, certains considèrent les Vikings comme des conquérants, ayant une incapacité certaine à s’intégrer – et à s’installer – au sein d’une population locale préexistante (avant la Normandie, ces terres faisaient partie de la Neustrie) ; d’autres pensent que les Hommes venus du Nord se sont totalement intégrés, offrant ainsi une identité spécifique à la fois aux noms de famille (patronymie) comme aux lieux (toponymie).

Cette question porte donc sur les racines de certains habitants la Normandie enfin réunifiée au sein d’une même région administrative (mais patrie charnelle depuis 911 !).

Nul n’en doute, tout ce qui est lié à l’identité pose un problème à nos élites nationales. Cette prédisposition ne pose, par contre, aucune difficulté à la population qui aime se définir ou s’associer à la terre sur laquelle elle réside ou sur laquelle elle vit le jour.

Suis-je Normand pourrait s’interroger chacun des 3 200 000 habitants des cinq départements issus de la Révolution française ? Sans aucun doute oui, puisque cette identité s’acquiert par l’héritage comme par la volonté de le devenir. Le chef d’État sénégalais aujourd’hui disparu Léopold Sédar Senghor, académicien français, lié à la Normandie notamment par son épouse (mais aussi par sa culture), a longuement évoqué cette question, rejoignant les régionalistes partisans de l’unité normande au sein de l’entité nationale française du Mouvement normand (MN).

Il n’en demeure pas moins que le rapport à l’identité ne peut pas être enfermé dans un tabou. Le philosophe Nietzsche ne rappelait-il pas que « L’avenir appartient à celui qui a la plus longue mémoire » ?

Nombre de lieux normands nous lient à la langue norroise, celle des conquérants Scandinaves qui ont su faire d’une terre, un véritable État. Ainsi, la toponymie, c’est-à-dire l’étude des noms propres désignant un lieu se propose de rechercher leur ancienneté, leur signification, leur étymologie (leur origine).

Plusieurs pays normands se distinguent par des noms de lieux proches : la « vikinomisation » aurait touché plusieurs terres, en rapport avec la navigation, du pays de Caux (en Seine-Maritime) au Cotentin (dans la Manche).

Ce que la France et ses élites refusent de réaliser sous prétexte probablement d’unité nationale, n’empêche pas d’autres Européens de s’intéresser à l’évolution des populations sur notre territoire.

Le projet ADN Viking

Ainsi, des universitaires britanniques (il est vrai qu’une partie du territoire normand, les îles Anglo-Normandes, fait partie de la Couronne britannique) se sont intéressés à la colonisation scandinave en Normandie franque et surtout à sa pérennité à travers la génétique.

L’université de Leicester, ville d’Angleterre située dans la région des Midlands de l’Est, s’est déjà fait connaître en août 2012 pour des travaux de recherche in situ lorsque des archéologues entamèrent des fouilles à la recherche des restes du roi Richard III sous un parc de stationnement de la ville. Venant conclure leurs travaux, un squelette est mis au jour le 12 septembre 2012 identifiant les restes de Richard III.

Cette université, véritable pépinière d’historiens, s’est donnée comme objectif, en liant l’archéologie aux données modernes de la génétique, de retrouver les diasporas scandinaves dans quatre régions, trois britanniques (dans le nord de l’Angleterre) et une française, la presqu’île du Nord Cotentin, au nord du département de la Manche.

Cette étude a pour titre The Viking DNA Project : elle s’est mise en place aux derniers jours du printemps en Normandie occidentale.

La pointe nord-ouest du département de la Manche compte effectivement un nombre important de toponymes et de patronymes scandinaves.

La fondation Leverhulme Trust, qui a financé d’autres travaux universitaires consacrés à l’identité historique européenne de la population québécoise, a investi dans ces travaux de recherche à hauteur de 300 000 euros.

De ce côté de la Manche, le Centre de Recherches Archéologiques et Historiques Anciennes et Médiévales (CRAHAM) de l’université de Caen s’est associé à ces recherches.

Le docteur Richard Jones, maître de conférences en histoire à l’université de Leicester, indique que « l’objectif, c’est de connaître l’intensité de la colonisation scandinave aux IXe et Xe siècle dans le Cotentin, son ampleur, mais aussi si les colons sont restés entre eux ou bien se sont mariés avec les locaux ». On peut rappeler que le premier duc de Normandie, Rollon, a opté pour la seconde solution puisqu’il a épousé Poppa de Bayeux, à l’ascendance franque. Cet exemple a-t-il été suivi au sein de la population ?

En pratique, cette mission scientifique britannique a consisté à prélever de la salive à des volontaires afin de comparer leur ADN à celui des Vikings via un « gène référent ». Cette opération s’est déroulée sur l’espace (court) d’un week-end, les 15 et 16 juin, à Valognes, dans la Manche.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avait autorisé cette manifestation en la limitant à deux jours.

Afin de participer à ce prélèvement, outre être volontaire et présent physiquement à Valognes quelques jours avant le solstice d’été, des conditions non cumulatives étaient exigées :

– avoir un patronyme présent depuis le XIe siècle en France ou d’origine scandinave (comme, l’ancien champion cycliste Anquetil mais aussi Ingouf, Osouf, Osmont, Hérout, Dutot, Lanfry, Tougis, Quetel, Gonfray, Equilbec…) ;

– ou bien avoir quatre grands-parents (sur quatre) ayant toujours vécu dans un rayon de 50 km autour de son lieu de vie actuel.

À partir de ces tests, le docteur Richard Jones pourra conclure qu’il y a une probabilité qu’une personne ait eu, autour du Xe siècle, un ancêtre scandinave. Cette étude, selon l’universitaire, portera sur 2 % de l’ADN, ce qui laisse une large marge d’erreur (ou d’espoir ?) pour les recalés du test dont les résultats seront connus à la fin de l’année et publiés en 2016.

Cette recherche historique, accueillie avec intérêt et bienveillance par la population du Cotentin, a subi les courroux du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) relayé par un article de l’hebdomadaire politico-satirique « Le Canard enchaîné » du 29 avril dernier.

Ainsi, Jacques Declosmenil, président départemental du MRAP pour la Manche et ancien maire-adjoint, puis conseiller municipal d’opposition à Saint-Lô (Mouvement Républicain et Citoyen, MRC, fondé par Jean-Pierre Chevènement, qui vient d’en démissionner), n’hésitait-il pas à déclarer : « On craint que cela développe l’idée qu’il y a de vrais Normands et de faux Normands. Quand on voit en “une” de certains journaux des photos de guerriers vikings brandissant leurs armes avec en titre “Avez-vous du sang viking ?”, on ne peut que s’inquiéter. »

Il est vrai qu’en 2013, quelques jours après les commémorations du débarquement en Normandie et un an avant le 70e anniversaire, il avait vigoureusement condamné les déguisements et jeux de guerre dans le cadre des reconstitutions historiques.

Le militant de gauche Declosmenil déclarait quitter la vie politique locale pour ne pas « s’accrocher à ses illusions perdues ». Sans doute une excellente idée pour quelqu’un dont la première campagne politique remonte à 1971.

Cet adversaire de l’identité historique eut un écho favorable dans Le Canard enchaîné dernier qui tenta, dans un modeste article intitulé « À Thor et à travers », de décrédibiliser la démarche scientifique des universitaires britanniques.

Malgré cette opposition dogmatique, les habitats du Cotentin ont manifesté leur intérêt en participant à ces prélèvements d’ADN.

Au moment de l’unité régionale, les Normands semblent redécouvrir qu’ils sont la plus ancienne région française en matière d’identification. Et cette région est le fruit probable d’un métissage entre peuples du Nord et population franque.

Il peut paraître étonnant que ceux qui nient ou s’amusent de ce droit au métissage européen et de ce droit à la différence s’en émeuvent lorsqu’il s’agit d’autres populations.

Les résultats de cette étude nous indiqueront, au vu de l’échantillonnage testé, si le nord Cotentin a su conserver un de ses gènes, celui qui fit connaître notre terre normande bien au-delà de ses frontières et donna à notre peuple une vision, et une ambition, maritime.

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Philippe Randa,
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