Martel en tête
Dès l’époque de Dagobert, une puissante famille avait émergé, appuyée sur un vaste réseau de clientèles et d’immenses domaines dans les vallées de la Meuse et de la Moselle. Son chef, Pépin de Landen, était maire du palais du royaume d’Austrasie. Et son fils, Grimoald, osa détrôner le roi pour le remplacer par son propre fils. Mais le maire du palais de Neustrie, Ebroïn, restaura l’héritier légitime.
Toutefois, à la génération suivante, Pépin de Herstal, devenu maire du palais de Neustrie, profita d’une guerre entre les deux royaumes pour les réunir et devint en fait, sinon en droit, seul maître du royaume franc. Mais il n’eut pas plus de chance que Dagobert avant lui : à sa mort, en 714, il ne laissa qu’un petit-fils âgé de six ans. Aussitôt, les Neustriens et les Aquitains en profitèrent pour se révolter, et les Saxons et les Frisons pour envahir le royaume. Et ça, ce n’était pas la faute des rois fainéants !
Les grands d’Austrasie, cherchant un chef, portèrent leur choix sur Charles, bâtard de Pépin. Ce chef énergique rétablit bientôt la situation en Neustrie et sur la frontière du nord. Mais son grand fait d’armes était encore à venir. En 732, les Arabes d’Espagne, ayant pénétré en Gascogne, franchirent la Garonne et la Dordogne. Le duc d’Aquitaine, jusque-là ennemi de Charles, implora son secours.
C’était là, pour Charles, une occasion inespérée d’étendre son empire vers le sud. Et, en effet, la victoire éclatante qu’il remporta près de Poitiers lui assura non seulement la soumission reconnaissante des Aquitains, mais un prestige incomparable dans toute la chrétienté. Car cette victoire mettait un coup d’arrêt définitif à l’expansion musulmane, jusque-là irrésistible. Expansion qui, ne l’oublions tout de même pas, avait aussi été arrêtée, à l’autre bout de l’Europe, sous les murs de Constantinople, en 718.
L’opération de conquête du royaume franc se poursuivit à la faveur de la guerre contre les Arabes, à Arles et Avignon, que ces derniers avaient pris avec la connivence des grands de Provence. Charles amena cette province à la soumission et chassa les Arabes de la vallée du Rhône, sans toutefois parvenir à les déloger de Septimanie (Narbonne et le Roussillon).
Pour se remercier lui-même des services rendus à la chrétienté, Charles disposa à son gré de nombreux évêchés et abbayes pour les distribuer à ses fidèles. Il se constitua ainsi une clientèle plus puissante que celle de ses rivaux, et pour pas cher, au contraire des malheureux rois mérovingiens qui s’y étaient ruinés. En 737, Charles portait les titres de duc et prince des Francs. À la mort du dernier Mérovingien régnant, Thierry IV, il ne prit pas la peine de le remplacer, mais n’osa pas se proclamer roi à sa place.
Alors, est-ce enfin la France qui naît à grands coups de marteau, avec son roi héréditaire, fleurdelisé et plus tard emperruqué ? Non. À sa mort, Charles disposa du royaume, mais selon la loi franque : il le partagea entre ses deux fils, Carloman et Pépin le Bref. Ce que la loi voulait aussi, c’est que l’héritier légitime régnât. Face aux révoltes qui éclatèrent en Aquitaine, en Bavière, en Alémanie et en Saxe, les deux frères remirent donc sur le trône Childéric III, dernier roi mérovingien. Tout ça pour ça ?
Les chroniques de Pierre de Laubier sur l’« Abominable histoire de France » sont diffusées chaque semaine dans l’émission « Synthèse » sur Radio Libertés.
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Philippe Randa,
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