Le bonheur dans le crime
Lavisse écrit que « les progrès de la puissance royale ont été particulièrement marqués sous saint Louis et sous Philippe le Bel ». Mais les moyens diffèrent ! Saint Louis avait fondé le parlement ; Philippe le Bel employa des légistes à son profit. Le premier avait fondé la Cour des comptes ; le second étendit l’emprise du fisc.
Quand on a dépouillé quelqu’un de ses droits, il serait ballot de ne pas s’emparer de ses biens. C’est à quoi Philippe le Bel s’employa, avec méthode et sans scrupule. Le régime féodal reposait sur des obligations mutuelles qui vont demeurer, mais cesser d’être mutuelles. Les vassaux devaient au roi « aide et conseil » contre la « paisible jouissance de leurs possessions » (dont on va voir ce qu’il advint). Le roi se passa de leurs conseils, mais pas de leur aide. Prenant prétexte de l’obligation féodale du service militaire, il leva un impôt dit « aide de l’ost ». Rendre une obligation payante, il fallait y penser !
Philippe le Bel y pensa, et à bien d’autres choses. Il falsifia les monnaies (ce qui, en ruinant le commerce, se révéla non seulement méchant, mais bête). Il leva des emprunts forcés sur les négociants, surtout (mais pas que) lombards et juifs. Mais aucune spoliation ne dépassa en cynisme et en cruauté celle qui frappa les templiers. Ceux-ci possédaient de nombreuses commanderies et faisaient office de banquiers pour les princes chrétiens. Leur forteresse, le Temple, était dépositaire du trésor royal. Voilà pourquoi, à l’issue d’une machination inique, Philippe le Bel put voir brûler vifs cinquante-huit chevaliers du Temple. Tandis que les étincelles des bûchers crépitaient vers le ciel, les écus tintaient dans ses poches.
Cet or, il en avait bien besoin, non pour faire pleuvoir les bienfaits sur ses peuples, mais pour s’emparer des biens de ses voisins. Or, les guerres coûtent cher, surtout quand elles sont perdues. Digne héritier de Philippe II et de Louis VIII, Philippe IV tenta par deux fois de s’emparer de la Guyenne (qui devait pourtant sa prospérité à ses liens avec l’Angleterre), et par deux fois il dut la rendre. Il tenta aussi de mettre la main sur les possessions du comte de Flandre, allié du roi d’Angleterre. Mais les milices des villes flamandes, nullement tentées d’être assujetties à un roi faux monnayeur, lui infligèrent le désastre de Courtrai (1302) lors de la bataille des éperons d’or. Il prit sa revanche deux ans plus tard à Mons-en-Puelle, ce qui lui permit de garder Lille, Douai et Valenciennes.
Pour ajouter une touche de gaieté à ce tableau un peu sombre, évoquons l’affaire de la tour de Nesle : Philippe le Bel, défenseur de la vertu, fit châtrer, écorcher vifs et écarteler les amants de ses filles.
La plupart des méfaits de celui que les historiens appellent avec fierté « le fondateur de la monarchie moderne » furent cyniques et calculés. Ce qui ne l’empêcha pas d’en commettre d’autres sans le faire exprès. Est-ce le résultat de la malédiction lancée par Jacques de Molay du haut de son bûcher ? Ainsi, pour régler la question de la Guyenne, un arrangement fut trouvé : Edouard II épouserait la fille du roi. Diplomatie intéressée, certes, mais diplomatie tout de même. Pas de chance : ce mariage allait être une des causes de la guerre de Cent Ans !
Les chroniques de Pierre de Laubier sur l’« Abominable histoire de France » sont diffusées chaque semaine dans l’émission « Synthèse » sur Radio Libertés.
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Philippe Randa,
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