Le 5 mars 1959, Charles De Gaulle confiait Ă Alain Peyrefitte, son intime conviction concernant la politique Ă mener en AlgĂ©rie : « Si nous faisions lâintĂ©gration, si tous les Arabes et les BerbĂšres dâAlgĂ©rie Ă©taient considĂ©rĂ©s comme Français, comment les empĂȘcherait-on de venir sâinstaller en mĂ©tropole alors que le niveau de vie y est tellement plus Ă©levé ? Mon village ne sâappellerait plus Colombey-les-Deux-Ăglises, mais Colombey-les-Deux-MosquĂ©es. »
On notera que cette derniĂšre rĂ©fĂ©rence ne concerne plus seulement des populations, mais une religion, lâIslam dont lâOumma dĂ©passe largement le cadre de lâempire colonial français. Et le grand homme dâenfoncer le clou : « Il y a cinquante ans, il aurait fallu dĂ©truire lâIslam. Aujourdâhui, comment Ă©teindre le fanatisme ? »
Bien Ă©videmment, le GĂ©nĂ©ral ne pouvait dĂ©cemment pas rĂ©vĂ©ler aux Français les vrais mobiles de sa politique sans dĂ©voiler ce cynisme qui le caractĂ©risait. La sauce, dit-on, fait passer le poisson. Le GĂ©nĂ©ral, en rhĂ©teur quâil Ă©tait, imagina un beurre maniĂ© Ă base de droits des peuples Ă disposer dâeux-mĂȘmes agrĂ©mentĂ© dâun soupçon de droits de lâhomme et dâun souffle du vent de lâHistoire. Cela devait suffire Ă apaiser les crises de conscience des plus scrupuleux.
Se croyant libĂ©rĂ© ainsi de son boulet, De Gaulle allait dĂšs lors se consacrer Ă son « Grand Ćuvre » et exposer les raisons de sa politique de dĂ©colonisation : «⊠Si je lâai fait, câest surtout parce quâil mâapparaĂźt contraire Ă lâintĂ©rĂȘt actuel et Ă lâambition nouvelle de la France de se tenir rivĂ©e Ă des obligations, Ă des charges, qui ne sont plus conformes Ă ce quâexigent sa puissance et son rayonnement. »
Rastignac chenu, il aurait pu tout aussi bien sâexclamer : « à nous deux lâEurope ! »
Presque soixante ans ont passĂ©. Que reste-t-il des ambitions gaulliennes pour lâEurope ? AprĂšs avoir cautionnĂ© des dĂ©colonisations le plus souvent bĂąclĂ©es qui ont surtout libĂ©rĂ© toutes les misĂšres du Monde, les EuropĂ©ens menacĂ©s par la mise en cause de leurs usages, de leurs croyances, de leurs modes de vie, touchent du doigt la rĂ©alisation en cours de la seule prophĂ©tie avĂ©rĂ©e du GĂ©nĂ©ral.
Ils regimbent en votant pour des « extrĂ©mistes », des « racistes », du moins câest ce quâaffirment les mĂ©dias dans des commentaires frappĂ©s du sceau du « politiquement correct ». Avec lâĂ©mergence de partis dĂ©crĂ©tĂ©s « populistes », de la Grande-Bretagne Ă lâAutriche, de la NorvĂšge Ă lâItalie, ils se doivent dâĂ©voquer « un retour aux heures les plus sombres de lâhistoire » pour freiner cet engouement populaire qui menace leur microcosme.
Ă lâautomne 1960, dâanciens ministres français, rĂ©unis Ă Vincennes, avaient osĂ© une inaudible mise en garde : « à ne plus vouloir dâune AlgĂ©rie française, craignons dâavoir Ă vivre un jour dans une France algĂ©rienne. »
Modestes dans la dĂ©limitation du pĂ©ril encouru, ils auraient pu tout aussi bien dire : « à livrer des peuples Ă lâincurie gĂ©nĂ©ralisĂ©e craignons dâavoir Ă vivre un jour dans une Europe musulmane » : câest dâailleurs ce que, en 1974, Ă la tribune de lâONU, confirmera lâancien prĂ©sident de la RĂ©publique algĂ©rienne Houari BoumĂ©diĂšne dans une allocution dĂ©sormais cĂ©lĂšbre : « Un jour, des millions dâhommes quitteront lâhĂ©misphĂšre sud pour aller dans lâhĂ©misphĂšre nord. Et ils nâiront pas lĂ -bas en tant quâamis. Parce quâils iront lĂ -bas pour le conquĂ©rir. Et ils le conquerront avec leurs fils. Le ventre de nos femmes nous donnera la victoire. »
Ce qui passait alors pour une rodomontade dâilluminĂ© dĂ©magogue commence Ă inquiĂ©ter aujourdâhui les plus insouciants. Curieusement, sâil Ă©largissait Ă lâEurope entiĂšre le territoire Ă envahir, le prĂ©sident algĂ©rien ne prĂ©cisait pas sous quel Ă©tendard se rassembleraient les envahisseurs. Aujourdâhui on le sait.
Nul nâest prophĂšte en son pays ! En ĂȘtes-vous si sĂ»r ?
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