17 octobre 1961 – 17 octobre 2017 : une instrumentalisation
Les dernières années du XXe siècle et les premières du XXIe voient les hommes politiques et les médias développer quelques idées-forces dont le seul objet est d’éluder des difficultés nées d’une décolonisation calamiteuse qu’aucun gouvernement de la Ve République n’a pu surmonter.
C’est la vulgarisation de la langue de bois, l’avènement de néologismes et l’invention de nouveaux concepts dont le seul but est de détourner l’attention du citoyen afin de lui cacher la réalité d’une situation préoccupante sinon alarmante. C’est pour camoufler leur impuissance que nos dirigeants recourent au style incantatoire et « charment » littéralement l’opinion publique en utilisant des formules aussi novatrices que magiques.
Ainsi a-t-on inventé le « Devoir de mémoire » qui n’engage personne dans la mesure où, par définition, la mémoire est aléatoire. Qui peut contester le caractère fluctuant de la mémoire quand tant d’expressions en relativisent la valeur : perte de mémoire, trou de mémoire, mémoire sélective, trouble de la mémoire, mémoire courte, mémoire infidèle…
Pour qui observe l’émergence d’un tel concept, la manipulation de l’opinion publique est évidente : il s’agit d’imposer un prétendu devoir de mémoire pour échapper aux dures contraintes du devoir de Vérité. Et si d’aventure, un inconséquent cherchait à perturber le cérémonial thérapeutique de cette obligation salvatrice, en introduisant dans le Temple cette malheureuse Vérité jusqu’alors enfermée au fond de son puits, les grands prêtres ne manqueraient pas de prononcer l’excommunication de l’hérétique pour « révisionnisme » (encore un néologisme surgi de l’après-guerre). Et voilà pourquoi votre fille est muette !
L’une des plus récentes illustrations de ce type de démarche est la commémoration médiatique du « Massacre du 17 octobre 1961 ».
Notre propos n’est pas de réécrire l’histoire de cet événement, mais d’analyser la genèse d’un mythe forgé par le FLN, relayé par ses porteurs de valises, et destiné simplement à stigmatiser les agissements du colonisateur odieux pour mieux recouvrir ses propres horreurs.
Le 17 octobre 1961 la Willaya VII du FLN (France métropolitaine), clandestine à preuve du contraire, organise, malgré son interdiction, une manifestation dans Paris au motif de protester contre le couvre-feu qui frappe les populations nord-africaines de la Seine (depuis plusieurs semaines les règlements de compte meurtriers au sein de la communauté musulmane se sont multipliés). Des milliers de manifestants venus des banlieues entrent dans Paris avant de buter sur des forces de police. Des heurts et des scènes de panique s’ensuivent. Des blessés sont évacués vers les hôpitaux, des vérifications d’identité interviennent. Il est fait état de morts dont certains noyés dans la Seine.
Les jours passent et l’émotion retombe. L’attention se porte désormais sur les négociations entreprises avec le GPRA. Des observateurs avisés s’interrogent d’ailleurs sur l’opportunité de cette manifestation alors que pour les leaders nationalistes la guerre est déjà finie. Il s’agit tout simplement pour eux d’imposer leur représentativité exclusive afin d’éliminer définitivement du tour de table toute autre partie prenante à l’avenir de l’Algérie.
19 mars – 5 juillet 1962. « Djezaïr ! Yaya ! » Le 17 octobre n’est déjà plus qu’un souvenir anecdotique. Il est temps de passer aux choses sérieuses. Mais encore ? Pour les diverses factions du FLN : prendre le pouvoir, le garder et nettoyer l’État nouveau-né des miasmes de la colonisation en faisant litière des accords d’Évian et des garanties consenties aux personnes et à leurs biens. Coût de l’opération : des milliers d’Européens assassinés ou disparus, des dizaines de milliers de musulmans massacrés pour leur engagement en faveur de la France. Tout cela il est vrai sous le regard indifférent sinon complice du gouvernement français.
Juger l’arbre à ses fruits est un sage principe qui peut être appliqué à la politique d’un gouvernement. Des lustres après l’indépendance que reste-t-il du rêve algérien ? L’espoir d’une vie meilleure… en « Métropole » ?
Au cours des années quatre-vingt-dix, l’émergence du FIS et du GIA et les sanglantes manipulations de l’ALN, vont occasionner plus de morts que « la Guerre de Libération ». Comment dès lors détourner la vindicte populaire et donner l’illusion d’exercer encore un pouvoir aussi contesté qu’écorné ? Une fois de plus en culpabilisant l’ex- colonisateur et en lui imposant un exercice nouveau : LA REPENTANCE. Comment ? En l’étouffant sous des cadavres exhumés d’improbables catacombes.
Et c’est ainsi que, en octobre 1991, Jean-Luc Einaudi, le providentiel historien du FLN, publie un ouvrage – La bataille de Paris. 17 octobre 1961 – qui fait état de plus de 200 morts. Il est toutefois plaisant de noter qu’Ali Haroun (à l’époque dirigeant de la Fédération de France du FLN) dans La VIIe Wilaya (1987) a pris la précaution d’écrire, concernant le même bilan approximatif : « Ces chiffres paraissent crédibles à la lumière des faits relatés par la “déclaration de policiers républicains” ».
Qui sont ces « policiers républicains » ? Des membres du Parti communiste ? « le parti des 75 000 fusillés » inventés par ses dirigeants, professeurs émérites en désinformation, pour faire oublier le pacte germano-soviétique et leur compromission avec l’occupant jusqu’à l’invasion de l’URSS par les troupes allemandes ? (4 520 personnes de toute appartenance politique ont été exécutées par les Allemands sur le territoire métropolitain).
Qu’importe que, des années plus tard, les chiffres du prétendu massacre aient été considérablement revus à la baisse (y compris par Benjamin Stora qu’on ne peut accuser de complaisance envers les sbires du colonialisme français). Qu’importe que ces événements aient été objectivement replacés dans le contexte historique de l’époque avec pour toile de fond la lutte farouche entre FLN et MNA et l’enjeu de l’adhésion le plus souvent arrachée au travailleur musulman sous la menace du rasoir aiguisé d’un collecteur de fonds impitoyable. Qu’importe que, entre 1955 et 1962, plus de 6 000 Nord-Africains aient succombé en France métropolitaine sous les coups du FLN.
Mentez ! Mentez ! Il en restera toujours quelque chose.
Un Candide à l’humour un peu noir pourrait s’étonner de cet échange de dupes consenti par la France : des complexes sidérurgiques et pétrochimiques contre un complexe de culpabilité. La repentance éternelle serait-elle la nouvelle expression du fameux « Fardeau de l’Homme blanc » exalté naguère par Rudyard Kipling ? Au nom de la nouvelle bienséance décrétée par l’obédience des Bien-pensants, devrons-nous, le 26 mars prochain, recourir à un exorcisme collectif pour libérer notre conscience collective diabolique d’une complicité dans la mort de dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants rue d’Isly à Alger ?
Ou bien, en pleine campagne présidentielle, verrons-nous chaque candidat, devant le Mur des Disparus du Centre de Documentation des Français d’Algérie de Perpignan, une fleur à la main, exprimer quelque compassion, avant de reconnaître la responsabilité de l’État dans ces événements douloureux ? On peut rêver…
Faut-il pour autant désespérer de la Vérité ? Surtout pas ! Car, comme le disait Camus, « La liberté c’est le droit de ne pas mentir ». Soyons libres !
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Philippe Randa,
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