1 septembre 2016

La Ligue du nord italienne (04)

Par Franck Buleux

 

Outre une force électorale jamais démentie, c’est aussi, paradoxalement, la participation au pouvoir de la Ligue dans le cadre d’une coalition nationale jamais contestée de 1994 à 2011 et avec des partenaires parfois extrêmement centralisateurs comme ceux de l’Alliance Nationale, qui a limité son identification comme clairement séparatiste.

En effet, le programme de la Ligue, notamment défini en septembre 1996, n’a jamais été porté à la Chambre des députés.

La carte d’identité padane, véritable symbole d’exclusivité souveraine, n’a-t-il été qu’un gadget de propagande électorale dont les revendications s’arrêtèrent aux portes du Parlement italien ?

Le drapeau aux couleurs de la Padanie a été rangé au profit d’une coalition de droite. Le gouvernement du « Soleil » dont s’était dotée la Ligue, lorsqu’elle était dans l’opposition parlementaire, s’est éclipsé face aux arcanes du Pouvoir.

Il ne peut pas être reproché à un parti respectant le jeu démocratique d’accepter des postes, ministres et secrétaires d’État, au sein d’un gouvernement, mais il paraît évident que les revendications sécessionnistes manifestes ont été mises sous le boisseau. Quitte évidemment à réapparaître dans les périodes d’opposition qui, on le sait, se succèdent en Italie, compte tenu de la faiblesse, en termes de durée, des ministères dans la Péninsule.

Seule perspective limitée, ou raisonnable, fut, encore à l’image de l’expression britannique, une « proposition de dévolution » au Conseil des ministres du 21 novembre 2001 du Ministre des réformes, Umberto Bossi, qui comportait deux innovations :

– Une compétence législative exclusive des régions dans quatre domaines : l’assistance et l’organisation sanitaire, l’organisation scolaire, la gestion des instituts scolaires et de formation, la définition des programmes scolaires d’intérêt propre aux régions et la police locale ;

– Un mécanisme de silence valant acceptation qui assure la légitimité des lois régionales si la loi promulguée par une région n’est pas bloquée par les magistrats dans les soixante jours suivant sa promulgation.

Cette proposition nationale, pour fédéraliste qu’elle soit, est loin de la reconnaissance de la nation padane.

En matière de rapport avec l’Union européenne, le programme de la Ligue n’a jamais, au contraire, mis en cause le processus de construction européenne.

Membre à l’origine d’un groupe européen favorable à la Communauté européenne, l’ARC (« Arc-en-Ciel » dont l’ossature était constituée des élus « Verts » européens), les tendances de la Ligue ont eu comme objectifs de se faire reconnaître de manière internationale, ainsi l’article 1 du « statut de la Ligue du nord pour l’indépendance de la Padanie », approuvé par le Congrès fédéral extraordinaire du parti les 24 et 25 octobre 1998, indiquait comme « finalité », la « reconnaissance internationale de la Padanie en tant que République Fédérale indépendante et souveraine. »

Cela étant, il est difficile d’établir une ligne claire à la Lega : anti-italienne et trois fois membre de gouvernements nationaux, sécessionniste ou fédéraliste, européen ou eurosceptique. Elle a participé d’ailleurs à un groupe au Parlement européen qualifié d’eurosceptique avec l’UKIP britannique, le Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers ou le parti des libertés (ENL) avec, notamment, les élus du Front national (FN).

La Ligue semble utiliser une conception que l’on pourrait qualifier de « populiste » de la politique avec une double expression : une interne actuellement défavorable à l’Union et opposée à l’immigration et une externe la rapprochant d’une sensibilité de droite libérale opposée à une fiscalité abusive.

Si, toutefois, par hypothèse, l’on retient sa rhétorique séparatiste menant le nord de l’Italie sur la voie de la partition, pourrait-on supposer une gestion à l’écossaise, c’est-à-dire la signature d’une charte prévoyant un référendum avec un gouvernement central italien ? En l’état actuel, cela semble peu vraisemblable et cela pour un double, et a priori paradoxal, motif:

– Si la majorité au Parlement italien est liée aux partis situés à droite, la Lega est confrontée à deux solutions : soit, faire partie du gouvernement (comme à trois reprises depuis vingt ans) et agir a minima sur des positions fédéralistes limitées dans le cadre de transferts de compétence non régaliens ; en effet, il ne faut pas négliger le fait que l’ensemble des droites italiennes, nonobstant la Ligue, sont des mouvements attachés à l’unité nationale;

–Si la majorité au Parlement italien, est, comme actuellement, issue des rangs des gauches italiennes, il est peu probable que s’engage toute négociation avec un parti, pour représentatif qu’il soit sur un territoire donné, se manifestant parfois par certains propos outranciers comme dernièrement à l’encontre d’un ministre, représentant ainsi, peu ou prou, une opposition populiste qualifiée d’extrémiste.

De par un programme parfois exubérant, car utilisant une rhétorique opposant celtitude à latinité, elle s’expose à une « extrémisation » de son discours, mais celui-ci se conjugue à un mouvement ancré, fort d’élus nationaux et locaux et d’alliés électoraux compréhensifs.

Son potentiel électoral s’associe plus à une identité économique privilégiée, la région de Milan, qu’à une survivance du monde celte.

L’opposition entre régions riches et pauvres, flagrante en Italie, se retrouve au nord de l’Union, dans le Royaume fédéral de Belgique.

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