30 août 2016

La Ligue du nord italienne (02)

Par Franck Buleux

Comme pour l’Écosse, le cinéma utilisera le problème des relations entre septentrionaux et méridionaux, comme dans La terre tremble de Luchino Visconti, tourné en Sicile en 1948 qui met en exergue les antagonismes. D’autres œuvres cinématographiques reprendront cette thématique dans Napoletani a Milano d’Edouardo de Filippo ou, plus connu sous nos latitudes, Rocco et ses frères à travers la migration d’une famille méridionale à Milan.

Ainsi, la Ligue du nord va utiliser une double thématique, celle de l’enracinement du territoire, le concept du sol, mais aussi celle de l’enracinement humain sur ce même territoire, lié au concept du sang.

D’abord le territoire : il semble difficile à délimiter (au nord de quelle limite ?), la création de la Padanie vient à point, en septembre 1996, car ce territoire mythique se concrétise par l’existence, bien réelle, du fleuve, le Pô.

La mi-septembre 1996 vit la légitimation territoriale du combat léghiste par la célébration de la naissance de la Padanie, issue, comme la langue originelle, du monde celte. Une chaîne humaine sera formée, pour l’occasion, par les partisans d’Umberto Bossi rappelant une forme de culte ancestral entre un fleuve, le Pô, et son peuple, les Padans. L’Égypte antique et le Nil ont-ils servi de modèle à Umberto Bossi ?

Cette démarche à la fois inclusive et exclusive, intégrante et excluante, est rendue, toutefois, difficile par la limitation (les fameux « limes » aux portes des territoires) de la Padanie.

« Je dirais que ses frontières correspondent plus ou moins à la zone dans laquelle existait l’aire celtique, disons de Senigalla à Lucques. Il n’y a pas de doute que cette identité vénético-celtique se prolonge jusqu’à la partie haute de la Toscane et aux Marches septentrionales », affirme Umberto Bossi en mai 1996, ce qui lui permet un certain vague dans les frontières du futur État.

Au demeurant, les doctrinaires de la Ligue se querellèrent sur les limites souhaitées, Roberto Calderoni n’hésitant pas à affirmer « Quand la gangrène progresse, il faut amputer haut », indiquant ainsi situer la frontière du nord extrêmement au nord de l’Italie…

Ces hésitations indiquent bien qu’il est difficile de délimiter un État artificiel, fondé sur des critères historico-linguistiques très complexes à déterminer.

Mais l’apologie du nord « Milan travaille » et la discrimination du centre « Rome mange et dort », voire la haine du sud paresseux « Naples chante » n’est pas uniquement fondé sur le territoire, dont il est difficile, nous l’avons vu, d’adopter les contours.

L’élément linguistique va permettre d’élaborer une distinction plus nette entre systèmes dialectaux qui va fonder une frontière entre Romanie occidentale et Romanie orientale ; l’intérêt, issu de travaux de linguistes, est, bien évidemment, d’isoler une ligne géographique représentant le territoire padan.

Cette volonté d’altérité entre un nord productif et un sud attentiste, voire fainéant, comme le dénoncent certains documents de propagande électorale de la Ligue du nord montre une volonté de créer un passé, plus ou moins magnifié, pour se réinventer un avenir séparé.

Or, l’attrait électoral de ce mouvement repose, avant tout, sur l’aspect fiscal, ou plutôt anti-fiscaliste, du programme. La fracture italienne dénoncée dans des allégories ethnico-territoriales ne repose-t-elle pas sur des critères économiques ?

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Philippe Randa,
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