Iran : Le Régime islamiste peut-il tomber ?

Depuis la mort tragique de Mahsa Amini, en septembre dernier à Téhéran, jeune Kurde iranienne de 22 ans, brutalisée dans un commissariat, par la police des mœurs pour « ne pas avoir respecté le code vestimentaire imposé aux femmes », et l’ensemble des manifestations qui s’en sont suivies, beaucoup d’analystes posent la question de savoir si l’Iran serait susceptible d’en finir avec la république islamique des mollahs, ce qui aurait des conséquences géopolitiques considérables.

Si les grandes manifestations se raréfient, et on peut le comprendre, compte tenu de la répression massive qu’elles entraînent, beaucoup de femmes néanmoins accompagnées d’hommes, et avec un courage remarquable, compte tenu des risques qu’elles (qu’ils) encourent, continuent de défier le pouvoir autocrate religieux et beaucoup d’Iraniennes osent sortir sans le voile réglementaire (cf l’entretien de Mahnaz Shirali le 16 février 2023 au Figaro).

C’est ainsi par exemple, que tout dernièrement, une Iranienne, qui avait vu sa candidature au conseil d’administration des ingénieurs de construction de Téhéran rejetée, a quitté la salle en jetant à terre de colère son voile, sous les applaudissements de l’assemblée, car elle soutenait ne pas être pour le port du voile obligatoire. Les autorités ont annoncé qu’elle sera poursuivie « et qu’une action en justice a été déposée pour insulte au hijab » la courte vidéo sur YouTube faisant des millions de vues.

Car la loi iranienne islamique impose que les femmes âgées de plus de 9 ans, recouvrent leur tête et leur cou d’un voile cachant les cheveux. Et les sanctions sont extrêmement sévères. Cette loi et la police des mœurs ont été créées dès mars 1979, dès l’installation de la république islamique.

Autre exemple, Sara Khadem, joueuse d’échecs iranienne qui avait comparu tête nue au Championnat du monde d’échecs de parties rapides au Kazakhstan en fin d’année dernière, s’est exilée en Espagne  avec son mari et son jeune fils pour échapper aux foudres des ayatollahs. Pourtant elle avait une vie aisée, et du fait de ses activités, elle pouvait voyager dans le monde entier.

Même la fille d’un ancien président du pays, Faezeh Rafsanjani accusée « de propagande contre la république islamique », pour avoir soutenu les manifestations des femmes a été écrouée, alors qu’elle pensait que peut-être, compte tenu de sa filiation, elle aurait pu être épargnée.

Les exemples peuvent se multiplier à l’infini, mais hélas dans le silence assourdissant de nos « néo-féministes » occidentales et de nos vrais islamo-gauchistes de chez nous qui sont totalement taisant(e)s alors que pourtant elles ou ils n’hésitent pas à brailler pour un oui ou un non, et défendent le port du voile en Europe, se faisant les complices de l’oppression, comme leurs prédécesseurs se sont fait les complices du totalitarisme communiste à travers le monde.

Car il manque aux manifestants iraniens, pour que leurs protestations courageuses aboutissent, d’une part un leader, où à tout le moins des personnalités qui puissent émerger, et d’autre part des soutiens internationaux qui sont pour le moment bien trop frileux.

Comme le dit justement Chantal de Rudder dans un entretien avec Eugénie Boilait le 28 septembre 2022 dans le Figaro : « le voile semble être la pierre angulaire du régime des mollahs ».

Pourtant Chantal de Rudder est particulièrement de gauche. Ancienne rédactrice en chef du Nouvel Obs, elle a écrit un livre sur le voile : Un voile dans le monde, (éditions de l’Observatoire, 2021), après une enquête internationale de plusieurs années. Elle rappelle l’Histoire : comment pour combattre le régime du Chah, les femmes iraniennes avaient enfilé leur tchador alors que pourtant, tout comme en Turquie avec Atatürk, dans les années 1930, le père du dernier Chah d’Iran avait interdit le port du voile dans l’espace public et comment son fils avait en 1967, ordonné la liberté de divorcer, l’abolition de la répudiation, réglementé la polygamie, etc. On retrouvait cette même volonté d’émancipation des femmes par le retrait du voile dans l’espace public, en Égypte avec Nasser, ou en Tunisie avec Habib Bourguiba dans les années 1950-1970. Le Président tunisien qui avait justement dénommé le voile « l’épouvantable chiffon ».

Je rappelle souvent cette juxtaposition de photos qu’avait réalisée un magazine il y a quelques années, où l’on voyait au Caire, à Kaboul, à Téhéran, des scènes de rues en 1970, puis d’autres, prises aux mêmes endroits, au début des années 2000. Sur les premières, on y apercevait des jeunes filles en minijupes, sans voile, déambuler tranquillement souriantes, dans ces mêmes capitales ; sur les autres, elles étaient quasiment toutes recouvertes d’un voile ou d’un tchador. Quelle régression !

Car, et Chantal de Rudder le souligne, dès les premiers jours de l’arrivée de Khomeiny en Iran en mars 1979, le voile a été « constitutionnalisé ». Elle indique deux choses très importantes pour la France et les Occidentaux en général : « Les islamistes savent tirer parti de notre éthique de tolérance. Le voile est leur vitrine… leur stratégie majeure pour provoquer une espèce de craquement de la société occidentale. Ils maîtrisent la loi à leur avantage et parlent systématiquement des obligations légales des sociétés occidentales pour mieux les piéger. ». Cela rejoint la remarquable analyse de la sociologue Florence Bergeaud-Blackler dans son ouvrage publié tout récemment : Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête, aux éditions Odile Jacob.

Et surtout, à l’heure où les autorités européennes promeuvent la liberté du port du voile, elle décrypte que : « Le terme “d’islamophobie”, comme les campagnes menées en son nom, est une tentative de rendre inacceptable toute critique de l’islam, dont le voile est devenu un emblème ». On retrouve à la manœuvre, dans l’ombre, l’empreinte des Frères musulmans, partout en Europe.

J’ai rappelé dans de précédents articles, les versets du Coran qui imposent aux femmes « croyantes » le port du voile. Dès lors ce port devient pour l’islam une prescription divine, le Coran étant la retranscription sans altération de la parole de dieu comme je l’ai évoqué précédemment. Le port du voile pour une musulmane est une obligation issue de la parole même de dieu, et non pas culturelle comme cela pouvait être le cas dans les civilisations antiques ou traditionnelles, chrétiennes ou juives, c’est de nature ontologiquement différente.

Car le port du voile, la répudiation, la polygamie, toutes ces règles de vie, sont issues de sourates et de versets du Coran. Comme le fait qu’une femme est inférieure à un homme, dans l’héritage, dans le témoignage en justice et dans bien d’autres domaines, tout cela est écrit noir sur blanc dans des versets que récitent quotidiennement les mollahs ou les élèves des écoles coraniques dans le monde entier. Et le Coran sait se montrer très précis comme en matière de répudiation par exemple, ou sur le fait qu’un mari soit autorisé à battre sa femme.

« Retenez vos femmes dans vos demeures, jusqu’à ce que la mort les rappelle… » S 4, V 15-19.

« Il est permis d’épouser deux, trois, quatre parmi les femmes qui vous plaisent… » S 4, V 3.

« Au fils, une part équivalente à celle de deux filles… » S 4, V 11-12.

« Quand vous répudiez vos femmes, répudiez-les conformément à la période d’attente prescrite… » S 65, V 1-2.

« Faites-en témoigner… et à défaut de deux hommes, un homme et deux femmes » S2, V 282 car « prenez un homme et deux femmes, si l’une des femmes se trompe, l’autre lui rappellera les faits… » ibidem.

« Les hommes ont autorité sur les femmes… » S4, V 34.

Or le texte coranique a un statut unique pour l’ensemble du monde musulman, en ce sens qu’il n’est pas œuvre humaine comme d’autres recueils religieux, la Bible, les Évangiles, ou les textes Bouddhiques ou Hindouistes par exemple, mais qu’il est la parole même de dieu, ce qui fait de ses sourates divinisées des obligations permanentes et de toute éternité pour l’Humanité entière, il est, pour les musulmans, incréé. Comme l’ont souligné les deux grands professeurs de pensée et de civilisation arabe à l’Université de Toulouse II Marie-Thérèse et Dominique Urvoy : « Mahomet avait selon la tradition islamique, “des secrétaires de la révélation” qui prenaient par écrit son message (de dieu) sous la dictée. » (Cf La Mésentente aux Éditions du Cerf en 2014).

En effet, pour les musulmans, le Coran est une révélation divine (al-tanzil) : « c’est l’image de la pluie qui se cache derrière le mot tanzil (descente)… Allah fit descendre (anzala) le Coran aux hommes par étapes successives et par l’intermédiaire de son envoyé (rasul), Mahomet » (cf Sabrina Mervin, Histoire de l’islam, doctrines et fondements Champs Université Flammarion, 2000).

Conséquemment, le voile est intrinsèquement lié au Coran, à l’islam, comme le statut de la femme et c’est donc bien autre chose qu’une tradition patriarcale ou antique, sachant que l’islam se veut une religion prosélyte et conquérante et qui a pour ambition de dominer toute l’humanité.

C’est ce que ne comprennent pas nos autorités nationales ou européennes, par ignorance et pusillanimité face au religieusement correct. En France, les gouvernants essaient bien vainement d’organiser « un islam de France » illusoire et se débattent avec deux entités, le CFCM, Conseil Français du Culte Musulman, crée en 2003 par Sarkozy et le FORIF, Forum de l’islam de France, lancé en février 2022 par Darmanin.

En tout cas, ce qui se passe actuellement en Iran est hautement significatif pour nos sociétés européennes affaiblies, et doit être scruté de très près.

Michel Festivi est l’auteur de deux livres aux éditions Dualpha :

Les trahisons des gauches espagnoles
L’Espagne ensanglantée

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