Musiques en juin, fêtes et affrontements
La musique marque l’espace et témoigne de la capacité à imposer son référentiel identitaire sur un territoire. Le général Bigeard l’avait parfaitement intégré quand il faisait défiler ses soldats en chantant dans les rues d’Alger après en avoir éliminé les terroristes. Les populations constataient qu’il avait gagné car ils entendaient : « La rue appartient à celui qui y descend. »
Le rappeur Vin2S s’inscrit dans une démarche similaire en tournant un clip dans l’église Saint-Pierre à Bourges et en s’asseyant sur l’autel. Il prétend même l’avoir tourné dans la cathédrale. Provocation et surtout profanation, l’archidiocèse a célébré une messe de réparation.
À Marseille, c’est le rappeur Vald qui tourne un clip dans le stade vélodrome avec un maillot du PSG. La direction du stade proteste, mais on ne sait pas trop si c’est à cause du maillot, du rap ou de l’autorisation de tournage ; encore un rappeur qui soigne sa promo, mais il a du chemin à faire pour rattraper le rappeur étasunien Diddy qui est la célébrité la plus riche de l’année selon le magazine Forbes. Avec 130 millions de dollars, il dépasse Beyoncé (105 millions) et l’auteur d’Harry Potter, J.K. Rowling (95 millions).
Dans cette compétition, le vinyle renaît, Sony va reprendre les pressages d’ici mars 2018 après avoir arrêté pendant trois décennies. Avec une prévision de 40 millions de disques écoulés en 2017, le marché connaît une progression à deux chiffres pour la septième année consécutive, avec un regain d’attrait des jeunes pour le « bel objet ».
Énorme retentissement pour la prestation de la musique de la Garde républicaine au Stade de France pour le match France-Angleterre. La musique est mise à contribution pour jouer l’hymne national et mettre du faste musical dans ce moment festif.
Pour envoyer un message de solidarité au peuple anglais touché par l’attentat de Manchester, à la demande de la fédération, le chef de musique, Antoine Langagne, adapte Don’t Look Back in Anger du groupe Oasis. La chanson est interprétée par Jean-Michel Mekil, trombone à la musique, mais aussi guitariste et membre du groupe de rock Pop In The Box qui réunit quelques musiciens de la Garde. Passé le moment de surprise, le succès est considérable. Reprise par les supporteurs britanniques, la prestation est mise en ligne et comptabilise rapidement plus de 3 millions de vues.
Invité par les radios et les TV, Mekil a donné une autre image de la musique militaire, moins cérémonielle, plus festive, tout aussi professionnelle et capable de toujours créer du lien collectif, bien loin des clichés complaisamment répétés par les ignorants qui tentent de se donner un vernis de culture.
La fête de la Musique, instituée par l’ancien maléfique ministre de la Culture de Mitterrand, Jack Lang, est l’occasion de faire du bruit toute la nuit pour ceux qui ne bossent pas. Elle est aussi une occasion de constater l’état déplorable de l’enseignement de la musique en France. Seuls 3 % des Français pratiquent régulièrement d’un instrument et 8 % de temps en temps. Ça s’entend !
L’amplification des instruments permet chaque année à une multitude de handicapés du solfège d’imposer leurs approximations musicales à tout un quartier. Avec la chaleur et la boisson indispensable pour la faire oublier, le niveau déjà pas très élevé baissait avec la montée du taux d’alcool.
Tout le monde s’est bien éclaté, surtout les 48 000 policiers et gendarmes envoyés renforcer les 7 000 militaires de l’opération Sentinelle, la France est toujours en plein état d’urgence.
On a moins communiqué sur les coûts de cette festivité. L’an dernier, le concert géant organisé par la ville de Toulouse pour l’occasion avait coûté 200 000 euros. En revanche, pas de chiffres pour ceux du ministère de la Culture dans les jardins du Palais Royal, ni pour celui de l’Élysée, du ministère de l’Intérieur, ou de l’Institut du monde arabe.
La liberté de parodier vient d’en prendre un coup. Alors que la députée « Insoumise » fraîchement élue, Danièle Obono, défend la liberté d’expression pour chanter « Nique la France », Dieudonné est condamné à 40 000 € pour avoir parodié la chanson d’Annie Cordy Cho Ka Ka O. Il ne pourra plus chanter Shoananas, jugée antisémite. Passer un extrait de cette chanson bouffonne avait valu à votre serviteur son exclusion de Radio Courtoisie, en novembre 2013 [cliquez ici].
Liberté d’expression ? Pas dans les stades ! Le milieu de terrain ghanéen a quitté la pelouse de Cagliari après avoir été visé par des chants racistes. Le syndicat des joueurs professionnels a demandé aux instances italiennes de « prendre des mesures fortes. »
La liberté d’expression est à géométrie variable pour le Hellfest. En 2016, le groupe Down avait annulé sa venue, non pas à la demande des organisateurs, mais suite aux protestations déclenchées par son salut nazi au cri de « White Power » pendant un concert. Par contre, les paroles des chansons n’ont pas inquiété les organisateurs, pas plus que les médias. Elles font partie du folklore des metalleux. La cible des groupes est essentiellement la religion catholique et ses symboles, pour une banalisation du satanisme. Quelques exemples des dernières éditions, au Hellfest 2016, Déicide : « Once upon the cross, Kill him, kill him, kill him, kill him », [Une fois sur la croix, tuez-le, tuez-le, tuez-le, tuez-le] ; Archgoat, « Called once the messiah His mother is the wholy whore », [Appelé une fois le Messie, Sa mère est la prostituée]. Au Hellfest 2015, le groupe Sodom, « I spit on your crapulous creed curse them ! » [Je crache sur votre croyance crapuleuse jetez leur un sort !] ; Enthroned : « Created by hell to destroy all christian life », [Créé par l’enfer pour détruire toute la vie chrétienne], « Sodomizing the virgins with a bestial force », [Sodomiser les vierges avec une force bestiale] ; Mayhem : « The wage of mayhem, the wage of sin », [Le salaire du chaos, la vague du vice], « Come and hear, Lucifer sings », [Venez et écoutez : Lucifer chante]. La christianophobie, le satanisme et la haine sont les marques de ces musiques metal.
Évidemment, les populations européennes ayant abandonné toute foi, sauf celle de l’argent, ne peuvent plus mesurer comment ce genre de paroles altère profondément l’identité de nos sociétés.
Pour son édition 2017, le festival revendique 220 000 entrées et avec une moyenne de 390 euros par festivalier, pas pour les chômeurs. Peut-être même une distraction pour gays : on y trouve essentiellement des hommes (81 %).
20 ans que des musiciens se produisent dans le métro, enfin que le label Musiciens du métro les encadre, car les artistes n’ont pas attendu l’autorisation pour se produire. On y trouve de tout, mais souvent de la musique amplifiée pour essayer de couvrir les bruits du trafic. Ne doutant de rien, la RATP prétend être une des plus grandes scènes du monde ! Pour fêter cet anniversaire, une sélection en ligne [cliquez ici] permet aux voyageurs de retenir ceux qui seront invités à jouer à l’Olympia en novembre prochain. Il y en a effectivement pour tous les goûts : pop-rock, world, jazz, chanson française ou encore de l’opéra. Ces lieux ne sont pas forcément réservés aux musiciens de rues, ou plutôt de couloirs, les clients du métro de New York ont eu la surprise de croiser Miley Cyrus en duo avec un animateur et producteur de TV dans un morceau de country, Jolene.
Parfois on peut aussi rencontrer des musiciens de talent dans les espaces publics. Ainsi Luc Arbogast aime se produire devant la cathédrale de Strasbourg, ne ratez pas ce rare moment de découvrir ou de retrouver cet artiste qui sait faire revivre des chansons enracinées [cliquez ici].
Sans illusions, on ne peut qu’approuver l’annonce de Jean-Michel Blanquer, nouveau ministre de l’Éducation nationale, de relancer l’enseignement de la musique. Les bienfaits de la pratique musicale ne sont plus à démontrer, maîtrise de soi, rigueur, travail en groupe, et surtout entretenir le lien collectif vivant. Il faut attendre les mesures qui seront prises car la mise en œuvre de ce programme sera forcément problématique.
En primaire, les instituteurs ne sont pas formés à l’enseignement de la musique et cela ne s’improvise pas. Le premier objectif fixé est une rentrée scolaire 2017 en musique, laissée à l’initiative des écoles. Va quand même falloir proposer autre chose pour la suite.
La SNCF diffuse de la musique classique dans la gare de Rennes, pas pour ses passagers, mais pour éloigner les indésirables. La gare est en travaux et il faut éviter l’installation d’individus et de trafics indésirables. L’expérience avait déjà fonctionné pour éloigner les dealers. Le classique, un des sommets de la musique, ravalé au rôle de « mort-aux-rats », Ô tempora, Ô mores !
Mais les mélomanes peuvent encore écouter de grandes compositions au cinéma. L’Harmattan vient de publier deux ouvrages sur le sujet : Jean-Blaise Collombin, Ennio Morricone, Perspective d’une œuvre, L’Harmattan, 212 pages, 22,50 € ; et Alexandre Tylsky (dir.), John Williams, Un alchimiste musical à Hollywood, L’Harmattan, 218 pages, 21 €. Il y a encore une véritable création musicale pour le cinéma.
Côté publications, il ne faudra pas partir sans le recueil de chants de l’été car il est indispensable d’entretenir le répertoire, la convivialité et les liens collectifs de nos communautés. Les éditions Synthèses publient donc un compagnon propre à animer les festivités estivales : Les Chansons de notre identité, 318 pages, à commander [http://synthese-editions.com/home/125-les-chansons-de-notre-identite.html]. Toutes présentées par votre serviteur, car il faut savoir pourquoi l’on chante (pour commander ce livre, cliquez ici).
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.