Peter Randa ou le roman populaire européen
« Je me suis souvent demandé ce que représente une statue érigée dans un jardin. Je le sais à présent. Je suis pareil à une statue, mais je pense. Une volonté farouche m’anime. Je veux m’obliger à remuer. Un effort stérile, à l’intérieur, un effort impuissant. Mon esprit forme un monde et mon corps est enfermé dans un autre. Une dualité de cauchemar. »
Ainsi soliloque intérieurement Charles Daivremont, auquel l’amant de sa femme, son ancien médecin traitant, vient d’administrer un sérum paralysant dont la formule est seule connue des Indiens d’Amazonie. Notre homme ayant découvert, grâce à sa bonne qui est aussi sa maîtresse, que ces derniers l’empoisonnaient depuis plusieurs semaines, se trouve alors plongé dans un profond état cataleptique le faisant passer, de toute évidence, pour un mort intégral qui aurait succombé à une attaque. Comme dans la série à succès Columbo, l’on connaît très vite l’assassin.
Nous n’irons pas, cependant, jusqu’à dévoiler le mobile de ce crime presque parfait et encore moins l’incroyable dénouement de Parodie à la mort, roman d’angoisse paru en 1960 au Fleuve Noir sous la plume du prolifique Peter Randa et que les récentes et dynamiques éditions French Pulp ont eu l’heureuse idée de rééditer. Peter Randa, disparu tragiquement dans un accident de voiture en 1979, père aimant et attentionné de notre fidèle ami Philippe Randa, a été un des piliers (avec Frédéric Dard) du FN (Fleuve Noir), comme Albert Simonin l’était de la SN (Série Noire) et Agatha Christie ou Exbrayat du Masque (Librairie des Champs-Élysées).
Époque bénie d’après-guerre où le pré-carré du roman noir était occupé par ces trois augustes maisons qui se partageaient un juteux marché dans le domaine de la littérature populaire. Le Fleuve Noir avait précisément cette réputation, d’ailleurs pas totalement infondée, d’éditer des « romans de gare ». Si, comme le remarque Francis Bergeron, « beaucoup de titres du Fleuve Noir ne supportent pas la relecture : écriture poussive, tirant à la ligne, scénario indigent », une grande majorité émergeait néanmoins tel un iceberg géant de cet océan de nullités alimentaires. André Duquesne, dit Peter Randa, publia pas moins de 300 romans, explorant à peu près tous les genres que pouvait se permettre de boucler en 200 pages de moyenne un auteur à l’imagination débridée. Ainsi, de l’aventure (son héros, Achille Nau, vaut le détour), à l’anticipation, en passant par l’angoisse ou le polar conventionnel, Peter Randa, s’il fut parfois inégal, ne déçut quasiment jamais ses lecteurs.
C’est que le sujet belge Randa qui commença sa carrière à la « noire » alors dirigée par Marcel Duhamel qui édita son premier roman, Freudaines, en 1955, savait incontestablement y faire, en authentique virtuose de l’intrigue et du suspense, concertiste du divertissement, mélomane littéraire dont le quotidien était rythmé par le cliquetis de l’Olivetti, puis de l’IBM, aux sonorités si caractéristiques d’une époque révolue que les moins de quarante ans n’ont jamais connu ou peu s’en faut.
Notre homme, avant de s’installer avec armes, femme et enfant dans les Deux-Sèvres au début des années soixante, aura eu mille vies qui, à n’en pas douter, alimenteront son univers romanesque. Aux dires de son fils, « Peter Randa sera tour à tour joueur professionnel, comédien, éditeur poursuivi par le gouvernement suisse pour la légèreté de ses publications, propriétaire d’un cabaret à Genève pendant la guerre où se côtoieront collaborateurs et résistants français… La vie lui aura ainsi donné pendant quarante ans sinon le goût du risque, du moins celui d’une vie de bohème qu’il se targuera toujours d’avoir été un des derniers à connaître ».
Le style de l’écrivain est énergique, cadencé, quasi cinématographique – Parodie à la mort étant, par exemple, découpé en plans-séquences qui rendraient l’œuvre parfaitement adaptable pour la télévision ou le cinéma. Son confrère du crime de plume, Michel Lebrun, disait de lui qu’il avait « une écriture spontanée, quasi automatique, plus ouverte que tout autre romancier ». Toutefois, la langue, bien qu’enlevée, reste classique et non dénuée d’une certaine poésie, preuve, s’il en était besoin, que Peter Randa mérite d’être redécouvert. Certains romans sont même d’authentiques petits bijoux du genre, tels que, pour s’en tenir exclusivement au polar, À moi de jouer ce matin, L’instinct du tueur (tous deux également réédité par French Pulp), Sans solutions (1967) ou encore Des milliards à tombeaux ouverts.
On ne terminera pas cette chronique sans relever que Parodie à la mort traite d’un thème qu’en 1955 Alfred Hitchcock avait lui-même porté à l’écran dans la célèbre série « Alfred Hitchcock présente ». Dans le 7e épisode intitulé Accident (Breakdown), Joseph Cotten (que le maître avait déjà dirigé en 1943 et 1949 dans L’ombre d’un doute et Les Amants du Capricorne), homme d’affaires sans états d’âme qui vient de licencier brutalement un employé de longue date, se retrouve immobilisé dans sa voiture suite à un violent accident. Dépouillé par des individus le croyant mort, il est en fait conscient mais totalement paralysé. Il échappera in extremis à une inhumation en règle grâce à une larme aussi rédemptrice que salvatrice. Il est néanmoins très peu vraisemblable que Peter Randa ait pu visionner ce téléfilm diffusé à partir de novembre 1955 sur la chaîne CBS.
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