Le négociateur en chef de l’UE sur le Brexit, le Français Michel Barnier, aurait récemment déclaré à des parlementaires européens qu’ils devaient conclure un accord « spécial » avec le secteur financier britannique afin que le crédit continue d’irriguer le continent, indiquait le 13 janvier The Guardian. M. Barnier a expliqué aux députés européens qu’il voulait garantir que les banques, les entreprises et les gouvernements des 27 autres membres de l’Union européenne auront toujours accès à la City, le quartier d’affaires de Londres, après la sortie du Royaume-Uni du bloc.
On ne peut que s’étonner de l’attitude du négociateur qui fut présenté comme un hypothétique négociateur dur « in case of… ».
Même si un porte-parole de la Commission européenne a ensuite assuré au Guardian que le compte rendu ne reflétait « pas correctement ce que M. Barnier avait dit », on ne peut que s’inquiéter de la possible récupération politique de cette affaire, qui induirait que les Européens continentaux se soumettent afin de continuer à bénéficier des « largesses » de la City, en termes de crédit ; on sait que les chambres de compensations sont localisées au Royaume-Uni (1).
Concédons néanmoins que Michel Barnier a jusque-là maintenu une ligne assez dure sur les négociations du Brexit. Les dirigeants européens considèrent le secteur financier londonien comme une faiblesse potentielle dans les négociations pour les Britanniques ; ces derniers auront à cœur de défendre jusqu’au bout le joyau de leur économie et de maintenir des échanges transfrontaliers avec le continent.
« Il va falloir faire un travail très spécifique dans ce domaine », a déclaré M. Barnier, selon le compte rendu.
« Il y aura une relation spéciale/spécifique. Il faudra travailler en dehors du cadre des négociations […] pour éviter l’instabilité financière. »
De son côté, le patron de la Banque d’Angleterre, Mark Carney (2), avait prévenu le mardi 10 que l’Europe aussi avait beaucoup à perdre si aucun accord n’était conclu ; une opinion que partage apparemment M. Barnier, selon The Guardian.
Au moment où chacun montre ses muscles dans la perspective des futures négociations, il est somme toute dommage que l’Europe continentale paraisse se présenter en moins bonne position que le Royaume-Uni, alors même que chacun sait que l’Angleterre a bien plus à perdre que l’UE, dans un cycle de négociations dures.
Michel Barnier a beau répéter que l’Union européenne ne laisserait pas le Royaume-Uni se concocter un Brexit « à la carte » durant la procédure de divorce avec l’Union, le doute est cependant permis et il convient plus que jamais de ne pas sous-estimer la capacité britannique de répandre la division.
Face à ce risque majeur, il y a lieu de rappeler quelques vérités fortes, au moment où Theresa May s’apprête à prononcer un discours dur ce 17 janvier :
– En termes industriels, le Royaume-Uni n’exporte plus grand-chose ;
– Sa dépendance commerciale à l’égard du continent est majeure et représente bien plus, dans son PNB, que le commerce avec le Commonwealth ;
– Sa monnaie est plus fragile qu’il n’y paraît ;
– Les quelque 250 accords commerciaux internationaux qui lient l’Union européenne et qui bénéficiaient au Royaume-Uni, devront être renégociés par celui-ci dans des conditions particulièrement défavorables, si l’on se souvient des déclarations des BRICS, durant l’été 2016 ;
– Enfin, s’il y avait une véritable volonté franco-allemande – ce qui n’est à l’évidence pas le cas aujourd’hui –, il serait possible de détrôner à court/moyen terme la City, en organisant le transfert de la cotation des activités boursières traditionnelles à Francfort et à Paris et Amsterdam la cotation des produits dérivés et autres, comme ceci fut un temps envisagé.
Notes
(1) Il y quelque temps, la BCE avait envisagé le rapatriement des chambres de compensation sur le continent, dans la mesure où le Royaume-Uni n’était pas membre de la zone Euro ; saisie, la CJE, Cour de Justice Européenne estima que le RU était cependant membre de l’Union européenne ; or, tel n’est plus la situation aujourd’hui.
(2) M. Carney a déclaré à des parlementaires britanniques qu’il y avait « plus de risques d’instabilité financière sur le continent à court terme, pour la transition, que pour le Royaume-Uni ». Il a souligné que les trois quarts des opérations de changes du continent, la moitié de ses prêts et la moitié de ses transactions boursières avaient lieu à Londres. Il a également prévenu que s’isoler de Londres pourrait renchérir le coût du capital et avoir de graves conséquences pour les banques, les entreprises et les gouvernements européens.
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