Le français, langue de l’immigration ?
Tandis qu’il cabotait entre les pages du site de la Cour européenne des droits de l’homme, en quête de la moindre pépite originale destinée à nourrir ses chroniques pour votre site préféré, l’auteur de ses lignes se rendit rapidement à l’évidence que tous les arrêts de la Cour n’étaient pas, tant s’en faut, traduits en français.
Non pas que votre serviteur méconnût la langue de Shakespeare, mais il lui revint à l’esprit que la langue de Balzac était, traditionnellement, comptée comme un des idiomes officiels des institutions internationales. Pour en avoir le cœur net, il consulta la page « versions linguistique » du site et fut bien aise d’y voir confirmée ce que ses maîtres en droit international lui eurent jadis enseigné : « Les arrêts, les décisions et les autres textes sont disponibles sur HUDOC dans l’une ou les deux langues officielles de la Cour (le français et l’anglais). »
Mais, comme toujours, il est un abîme entre la théorie et la pratique. Déjà, dans une étude publiée en 1997, notre Sénat français s’était ému de « l’évolution récente [tendant] à réduire le rôle du français comme langue de travail ».
Dans les institutions de l’Union européenne, le recul de notre langue nationale est particulièrement significatif, sinon alarmant. Ainsi, pour nous en tenir à la seule Commission européenne, on constate un écroulement exponentiel du français comme langue diplomatique et de travail. Ainsi, notait le rapport sénatorial, « alors qu’en 1986, les documents originellement rédigés en langue française représentaient 70 % du total des documents, ils ne constituent que 38,5 % en 1996. L’augmentation corrélative de l’anglais est très nette : les documents originellement rédigés en langue anglaise passent de 19 % en 1985 à 44,7 % en 1996. »
Depuis, les chiffres ont vertigineusement chuté. Vingt ans après, les textes rédigés en français ne représentent plus guère que 5 % quand ceux retranscrits dans la langue de l’empire plafonnent triomphalement à plus de 80 %.
Malgré la signature, en 2006, lors de la 22e session de la Conférence ministérielle de la Francophonie à Bucarest, d’un Vade-mecum relatif à l’usage de la langue française dans les organisations internationales, le français ne prend pas. Certains observateurs imputeraient ce désintérêt pour notre langue au fait que l’anglais, sa concurrente directe, se poserait d’emblée en langue par défaut, venant ainsi combler le vide linguistique laissé par un français en manque de représentation.
Dont acte. Mais l’explication peut sembler insuffisante tant elle fait l’économie d’un fait historique majeur. En 1945, l’occident s’étant scindé en deux, la langue du monde supposément libre s’est naturellement imposée comme étant celle du vainqueur états-unien. Le temps a fait le reste.
En 2010, l’Organisation internationale de la Francophonie notait un mouvement de reflux du français en Europe, tandis qu’il progressait remarquablement en Afrique. Le croisement des courbes fait apparaître que l’hégémonie de l’anglais croît à mesure que s’étend l’emprise économique et commerciale de ses locuteurs natifs sur le monde, lors même que la perte d’influence du français comme vecteur littéraire et scientifique coïncide avec l’augmentation notable du nombre de ses locuteurs subsahariens.
CQFD ?
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Philippe Randa,
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