Les réseaux sociaux bruissent de cette rumeur selon laquelle Donald Trump aurait annoncé le retrait des États-Unis des négociations transatlantiques et enterrerait, ainsi, le TAFTA. Certains en concluent que « la parole de campagne est tenue », le futur président des États-Unis ayant fait état de son intention de négocier des traités bilatéraux, ce qui serait « plutôt encourageant » (Twitter, @OuchikhKarim, 22 novembre).
À vrai dire, il revient à la chancelière allemande, Angela Merkel – qui envisagerait, au surplus, de briguer un quatrième mandat en 2017 –, lors de l’ultime visite protocolaire de Barack Obama à Berlin, il y a quelques jours, d’être à l’origine de cette fausse « bonne » nouvelle. Parce que, selon elle, la politique isolationniste prônée par Trump contredirait à angle droit le dogme libre-échangiste de l’Union européenne, s’est-elle laissée aller à déclarer que l’accord de partenariat transatlantique « ne pouvait être conclu en l’état. »
Trump n’a jamais caché son hostilité à cet accord, pour le motif exclusif qu’il léserait les intérêts de l’économie américaine. Ce faisant, sans aucunement vouloir « l’enterrer », a-t-il toujours précisé qu’il ne le signerait pas « en l’état » (sic), laissant donc entrevoir l’hypothèse de (re)négociations futures.
En d’autres termes, en fait de promesse électorale « tenue », nous assistons, de ce côté-ci de l’Atlantique, à la reddition, sans combattre, de Berlin et Bruxelles, la Commission ayant tout de même précautionneusement précisé que l’arrêt des négociations n’était que « temporaire » – pour le commissaire au commerce, Cecilia Malmström, l’Union européenne, va « poursuivre la discussion sur le TTIP avec la nouvelle administration américaine. »
Par ailleurs, il convient de toujours garder présent à l’esprit le fait que Washington regarde le monde de sa propre fenêtre. Le prétendu retour « protectionniste » avancé par Trump durant sa campagne, d’une part, est encore loin d’être concrétisé, d’autre part, n’est nullement incompatible avec la sauvegarde des intérêts du Grand Sam à l’extérieur de ses frontières.
La stratégie du Bureau ovale pourrait donc parfaitement s’analyser comme un simple repli tactique destiné à vaincre les dernières réticences de l’Union européenne. Précipitant cette dernière dans le redoutable piège du défaitisme et de l’abdication en rase campagne, il s’engouffre dans cette brèche psychologique pour mieux la harponner et la faire revenir, penaude et contrite, à la table des négociations, préalablement dépouillée de toutes ses préventions originelles (notamment en matière de la protection des données personnelles ou de recours à l’arbitrage privé pour trancher les conflits commerciaux interétatiques).
À noter encore que l’entourage administratif et politique de Trump, composé de personnalités hétéroclites – à l’image, d’ailleurs, d’une campagne électorale pour le moins iconoclaste –, de sauveurs de la victoire, en opportunistes repentis, saura, le moment venu, réactiver un processus enclenché depuis tellement d’années, que beaucoup – parmi les financiers et les grandes entreprises multinationales – considèrent aujourd’hui qu’en l’arrêtant net, soit si près du but, Trump endosserait bien plus qu’une responsabilité : une faute lourde.
C’est dire que ceux qui s’arc-boutent à la finalisation du TAFTA risquent, plus rapidement, qu’on ne le pense, d’apparaître comme les idiots utiles des États-Unis lesquels, en la matière, ne s’embarrassent surtout pas de morale ou de grands principes.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.
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Journaliste et essayiste, apporte régulièrement sa contribution à la presse d’information et d’opinion, de L’Action française 2000 à Boulevard Voltaire. Conjuguant militantisme et réflexion politiques, il exerce des responsabilités au sein d’un parti politique national. Il est l’auteur de trois essais (Détournement d’héritages, préface de Pierre Hillard et La souveraineté dans la nation, préface de Philippe Randa). et Dictionnaire du Grand Épuisement français et européen (Préface de Pierre Le Vigan).