L’Union européenne, ce grand cadavre à la renverse, n’en finit pas de nous étonner par sa capacité de résilience. Ce Babel improbable, impotent et omnipotent, pourrait encore tenir soixante-dix ans, tant qu’il saura se tenir à distance raisonnable des peuples. Il s’y emploie, d’ailleurs, de manière toujours plus raffinée.
Ainsi, le 30 septembre, la Commission européenne aura-t-elle présenté une « stratégie anti-fuite » visant à empêcher « que les informations délicates et confidentielles » soient divulguées urbi et orbi et à « éviter un dommage politique » susceptible de causer du tort à « la réputation de la Commission ».
Ce dispositif a été discuté et élaboré par les directeurs généraux en lien avec la présidence de la Commission. Aux dires du site euractiv.fr, « certaines fuites de documents ont ainsi exposé les liens étroits entre l’exécutif et les représentants de l’industrie, alors que d’autres ont considérablement nui à l’accord de libre-échange avec les États-Unis ».
Que veut donc cacher Jean-Claude Junker de si compromettant pour son image et, plus largement, pour l’intégrité politique et morale de l’Union européenne ? Seraient-ce les turpitudes de l’ex-commissaire hollandais à la concurrence, ex-vice-présidente de la Commission, Neelie Kroes (ayant, depuis, pantouflé dans l’entreprise californienne Uber) qui dirigeait une société off-shore alors qu’elle était en fonction, de 2004 à 2014 ?
À moins que ce ne soit Junker lui-même qui cherche à se protéger contre d’éventuels rebondissements de l’affaire « LuxLeaks » qui viendraient ternir son mandat de président de la Commission ? On se souviendra que celui-ci a été mis en cause, fin 2014, pour avoir favorisé, en tant que Premier ministre du Grand-Duché du Luxembourg de 1995 à 2013, des accords fiscaux permettant à des entreprises internationales d’échapper à l’impôt.
Ou sans doute, la Commission regrette-t-elle encore, de n’avoir pu étouffer le scandale, désormais éventé, des rapports qu’entretenait, tandis qu’il était également en fonction, l’ancien président de la Commission, José-Manuel Barroso avec des membres de la banque new-yorkaise, Goldman Sachs ?
Et plus personne, en Europe, n’ignore que ces fuites ont permis de sensibiliser l’opinion publique européenne sur les négociations en cours concernant le futur Traité transatlantique de libre-échange, pendant que l’oligarchie, de Paris à Bruxelles, prenait soin d’agiter les peuples sur cette énième trahison des élites.
Mais, comme pour mieux noyer le poisson de cette omerta institutionnalisée, la Commission cherche-t-elle, dans le même temps, à instaurer un système garantissant la transparence des activités de lobbying via un accord interinstitutionnel (AII) applicable aux trois institutions politiques de l’UE, la Commission, le Conseil et le Parlement. Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission, affirme-t-il, sans rire que « les citoyens ont le droit de savoir qui tente d’influencer le processus législatif de l’UE ».
La fausse transparence revendiquée n’apparaît, ainsi, que comme l’os jeté cyniquement aux peuples par une superclasse mondiale aspirant à ne pas être dérangé dans l’accomplissement de ses desseins.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.
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Journaliste et essayiste, apporte régulièrement sa contribution à la presse d’information et d’opinion, de L’Action française 2000 à Boulevard Voltaire. Conjuguant militantisme et réflexion politiques, il exerce des responsabilités au sein d’un parti politique national. Il est l’auteur de trois essais (Détournement d’héritages, préface de Pierre Hillard et La souveraineté dans la nation, préface de Philippe Randa). et Dictionnaire du Grand Épuisement français et européen (Préface de Pierre Le Vigan).