Dès 1989, avant l’unité leghiste de 1991, on peut lire dans une revue éditée par la Ligue lombarde : « La Lombardie est une réalité qui bat le rappel de ses citoyens, ce n’est pas une vache à lait ni un territoire à dominer par des bureaucraties étrangères. La Lombardie n’est pas l’imbécile qui paye les dettes des autres. Elle n’entend pas suivre passivement Rome dans la banqueroute parce qu’elle ne veut pas sacrifier sur l’autel du mal gouverner romain le droit de ses gens, la personnalité de son peuple. »
Le consensus électoral, entre les nombreuses factions léghistes, reposera sur le caractère de dénonciation coloniale romaine, et non sur le découpage territorial lié à une ethnie mythifiée.
La Ligue va reprendre, dès sa création unitaire, le thème de l’anticolonialisme à l’encontre du pouvoir romain, qui redistribue, via l’impôt, les richesses produites par le nord aux Italiens du sud.
La Ligue éditera un Manuel de Résistance Fiscale en 1996 et organisera, par la suite, des « Campagnes de résistance fiscale » dont l’objet sera principalement les dénonciations des projets jugés coûteux situés au sud de l’Italie.
Ainsi, il est intéressant de noter deux éléments significatifs et connexes : les deux premiers élus au Parlement européen issus de la Ligue Lombarde, en 1989, Umberto Bossi et Francesco Speroni, vont siéger dans le groupe « Arc-en-Ciel » (ARC) qui regroupait à l’époque les élus écologistes du Parlement européen, ainsi que quelques éléments issus de mouvements régionalistes définis comme progressistes et l’expression politique de la Ligue, ou plus précisément des Ligues à cette époque, se focalise contre l’État central et ne comporte aucune rhétorique visant à limiter, voire à stigmatiser, l’immigration extra-européenne.
Au demeurant, la Ligue condamne, parfois de manière très excessive dans les propos, le parti situé à l’extrême droite de la vie politique italienne, issu du fascisme, le Mouvement Social Italien (MSI), lui, centralisateur en matière de gestion du territoire.
Le début des années 1990 marque la poussée des Ligues, puis de la Ligue « unifiée » du nord, qui rassembla jusqu’à un tiers des suffrages dans la partie septentrionale de l’Italie (d’ailleurs, elle ne présente pas de candidats dans les autres parties du territoire, centrale ou méridionale).
Dès 1994, la Ligue participe au gouvernement de coalition italien dirigé par le président du conseil, Silvio Berlusconi, qui vient de s’engager en politique à la tête du mouvement Forza Italia (« En avant, l’Italie » ou « Allez l’Italie »).
Trois partis principaux font partie de cette coalition « de droite », appelée le « Pôle des Libertés » : outre le mouvement créé par l’homme d’affaires Silvio Berlusconi, la Ligue très influente au nord et la très jacobine Alliance Nationale de Gianfranco Fini, qui a succédé, après un « aggiornamento » post-fasciste, au Mouvement Social Italien (MSI) précité. La jeune militante de la Ligue du Nord Irene Pivetti est même élue, à l’âge de 31 ans, présidente de la Chambre des députés et, par voie de conséquence, troisième personnage de l’État, démontrant ainsi l’influence de ce parti au sein du pouvoir italien.
Sans écrire l’histoire – mouvementée, car dense – politique de l’Italie des vingt dernières années, il faut retenir que la Ligue est à l’origine de la chute du premier gouvernement Berlusconi, à la fin de l’année 1994, mais qu’elle revint au pouvoir, par deux fois, avec le même Président du Conseil, en faisant partie de la même majorité, avec quelques variantes en matière d’alliés.
Ce qu’il est nécessaire de retenir, c’est d’abord la force électorale dans la zone nord de l’Italie de la Ligue (avec, bien évidemment des périodes de force et de faiblesse) : la Ligue a de nombreux élus députés, sénateurs, élus territoriaux maires… Elle fut même à la tête de la mairie de Milan, capitale de la Lombardie, au cœur de la plaine du Pô, deuxième ville d’Italie et « capitale économique » pour beaucoup, de 1993 à 1997, préfigurant la victoire aux législatives de 1994, avec Marco Formantini.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.
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Franck Buleux, 50 ans, chargé d’enseignement, est diplômé en histoire, en droit, en sciences politiques et en criminologie. Il a publié, chez L'Æncre, "L’Europe des peuples face à l’Union européenne", préfacé par Georges Feltin-Tracol ; chez Dualpha "La Guerre sociale qui vient" (D’Action directe aux Black Blocs, la violence des ultras), également préfacé par Georges Feltin-Tracol et a dirigé chez Synthèse éditions le n°20 des Cahiers d'Histoire du nationalisme "Pierre Poujade. Union et Fraternité française". Auteur d’un mémoire sur les séparatismes européens, il se passionne pour les mouvements politiques favorables à « L’Europe aux cent drapeaux. »