La sauce verte dans l’art d’accommoder les restes
Je tiens de ma grand-mère paysanne la recette éprouvée du gratin parmentier à la dauphinoise. César, Jules de son prénom, avait déjà souligné dans sa Guerre des Gaules cette propension de l’Allobroge à rester exagérément près de ses sous et chez Mémé bon sang n’aurait su mentir. C’est pourquoi ce plat fameux constituait la preuve la plus flagrante de cet atavisme.
On utilisait les rogatons de toutes les viandes cuisinées la semaine précédente, du pot-au-feu au rôti de porc en passant par les fibres dépiautées de la carcasse d’un lapin ou du bréchet d’un poulet.
Quelques pommes de terre du jardin, des croûtons de pain plus que rassis trempés dans le petit-lait de chèvre, résidu de la fabrication de ses tommes réputées (elle fournissait le maire, le curé et le notaire du bourg), et hop ! Il n’y avait plus qu’à enfourner le caquelon précédemment frotté à l’ail et préparer une laitue coupée du matin avant d’attendre impatiemment de passer à table.
Le second tour des élections municipales m’a rajeuni d’une soixantaine d’années et mes capacités autant olfactives qu’imaginatives m’ont replongé dans la chaude ambiance de la cuisine de la ferme. Les odeurs de ces préparations roboratives ont mystérieusement resurgi pour me chatouiller les narines.
Comment, concernant les scrutins bordelais ou lyonnais, ne pas évoquer ce mélange de viandes de chevaux de retours, de vaches stériles, de mules réformées, récupérées au seuil de la boucanerie de la démocratie à la française.
Autant de viandes avancées nappées d’une sauce verte de synthèse destinée à masquer leur goût au-delà du faisandé. Depuis des temps immémoriaux chacun sait que la sauce fait passer le poisson.
À y regarder de plus près, dans certaines cuisines locales on découvre d’autres spécialités qui ne sont jamais que la déclinaison du célèbre pâté d’alouette (une alouette-un cheval).
Dans ce domaine, la très convoitée « toque d’or » devrait revenir à Emmanuelle Pierre-Marie, la Mère Brazier des gamelles et fourneaux parisiens. Avec 11,95 % des votants au 1er tour (environ 5 % des inscrits) elle se retrouve, au lendemain du 2e, en position d’être élue maire du 12e arrondissement. Que dire de la bouillabaisse à l’orientale de Samia Ghali, qu’une simple mais épicée pincée de voix (2,70 % au 1er tour) promeut jusqu’au rang envié de 2e adjoint du maire de Marseille. Réussir de tels plats à partir de rien. Quelle créativité !
D’aucuns prétendent instaurer une nouvelle cuisine alors que des recettes les plus anciennes font encore autorité dans les cuisines des brasseries institutionnelles germanopratines où se mitonnent les combinaisons gouvernementales les plus subtiles. Balivernes ! Tout réside en réalité dans l’appellation pour donner l’illusion du renouvellement. L’assiette de cochonnailles d’hier devient «la délicieuse corolle du maître charcutier », celle de crudités « l’arc-en-ciel de fraîcheur ». En politique plus qu’en tout autre domaine c’est dans la marmite la plus culottée qu’on fait la meilleure soupe. Pour abuser l’électeur il suffit de rajouter une cuillérée d’écoloquelquechose et un filet de vivrensemble citoyen et il n’y a plus qu’à servir dans une assiette de la manufacture Elgébété aux liserés arc-en-ciel très mode.
Il se murmure qu’au lendemain de cette vague verte artificielle, actionnée par la machinerie des maîtres de l’illusion écologistes, le président sollicitera les suffrages populaires par un référendum rassembleur. Je suggère l’option fédérative suivante : « Préférez-vous l’eau de source à l’eau croupie et un air pur à une atmosphère polluée ? ».
Les instituts de sondages seraient déjà à l’œuvre pour dégager une première tendance. Celle concernant la question ou celle portant sur la participation ? Pourtant le taux d’abstention de l’électorat au scrutin municipal n’est-il pas déjà révélateur des véritables préoccupations de la population ?
Monsieur le Président, prenez garde que le souffle automnal des éoliennes écologistes ne fasse s’envoler votre nouvelle panoplie en feuilles de vigne et que vous ne vous retrouviez sur le perron de l’Élysée, nu comme un vert !
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