Chez Robert Aldrich, il y avait Douze salopards. Dans la France de François Hollande, on ne trouve que onze candidats Ă la magistrature suprĂȘme. Qui se sont mĂȘme rĂ©unis en un dĂ©bat tĂ©lĂ©visĂ©, il y a de cela un peu moins de deux semaines. Lâaffaire a fait couler pas mal dâencre, sans que cette question, tout hormis subsidiaire, nâait Ă©tĂ© posĂ©e : combien de partisans de lâEurope, quâelle soit europĂ©enne ou europĂ©iste dans lâassistance ?
Le compte est bon, vite fait et bien fait : un seul, Emmanuel Macron, puisque fils adultĂ©rin du PrĂ©sident sortant, lui-mĂȘme enfant spirituel du PrĂ©sident jamais entrĂ©, Jacques Delors. Il paraĂźt quâautrefois, au siĂšcle dernier, lâEurope faisait rĂȘver, Ă droite comme Ă gauche et mĂȘme parfois dans certains cercles de cette droite donnĂ©e pour ĂȘtre extrĂȘme. LĂ , pis quâun poisson dâavril, le rĂȘve europĂ©en aurait plutĂŽt tendance Ă tourner au cauchemar.
La preuve en est que Les Ăchos, quotidien de rĂ©fĂ©rence en la matiĂšre, donne lâinquiĂ©tude rĂ©trospective : « Rappelons-nous le si tristement cĂ©lĂšbre discours de Cochin de Jacques Chirac en 1978 dans lequel le leader du RPR avait parlĂ© du « parti de lâĂ©tranger » Ă propos de lâUDF, alors créée par ValĂ©ry Giscard dâEstaing. »
Il est vrai quâĂ lâĂ©poque, Jacques Chirac Ă©tait gaulliste, ce qui ne rajeunira personne. Et le mĂȘme journal de pratiquer la mĂ©thode CouĂ© en sâexclamant : « Aujourdâhui, il nâen est rien, heureusement ! »
Ă croire que personne nâa tout Ă fait regardĂ© la mĂȘme Ă©mission, le mĂȘme dĂ©bat, ou que la France dâen haut ne vive pas tout Ă fait dans la mĂȘme France que celle dâen basâŠ
En effet, et inutile de tous les Ă©numĂ©rer, sur onze candidats, dix sont pour le moins eurosceptiques, mĂȘme François Fillon, homme de lâentre-deux, souverainiste quand ça lâarrange â il a votĂ© « non » lors du rĂ©fĂ©rendum de Maastricht, en 1992 â, pour ensuite le regretter, puis, fĂ©dĂ©raliste lorsque cela ne le dĂ©range pas plus que ça. Et Les Ăchos de continuer de nous jouer la nuit de la grande trouille en ces termes : « Les deux, Ă lâopposĂ© de lâĂ©chiquier politique [Marine Le Pen et Jean-Luc MĂ©lenchon, on imagine, NDLR], parlent dâune renĂ©gociation des traitĂ©s europĂ©ens ou de « refondation de lâEurope », ce terme est en lui-mĂȘme un mensonge. »
Ah bon ? Peut-on savoir exactement pourquoi, les traitĂ©s ayant, par nature, vocation Ă ĂȘtre renĂ©gociĂ©s ; autrement, lâEurope vivrait toujours sur celui de Westphalie⊠Histoire de poursuivre dans le mĂȘme registre du « Hou ! Hou ! Fais-moi peur », le mĂȘme folliculaire persiste et signe : « Si les dĂ©cisions annoncĂ©es Ă©taient mises Ă exĂ©cution, la construction europĂ©enne sâarrĂȘterait dâun seul coup, sans plan B pour prendre la suite. Les intĂ©rĂȘts dâune gĂ©nĂ©ration de nos concitoyens seraient sacrifiĂ©s sur lâautel dâune idĂ©e a priori sĂ©duisante, mais trompeuse et dangereuse ». Tandis que le Soleil sâarrĂȘterait de briller dans le ciel, et la Lune dâĂ©clairer la nuit ?
On rappellera Ă ces adeptes du « repli frileux » quâen son temps, lorsque le gĂ©nĂ©ral De Gaulle, mĂ©content de la tournure que prenait la construction europĂ©enne, jugea opportun de pratiquer la politique dite de « la chaise vide » â ce qui lui Ă©vita au moins de se retrouver le cul entre⊠deux chaises â, lâEurope ne sâen arrĂȘta pas pour autant, prenant tout simplement une autre voie plus conforme Ă la volontĂ© des peuples europĂ©ens.
Et dire que ce sont les mĂȘmes qui stigmatisent une Marine Le Pen « jouant sur les peurs », alors quâils sont les premiers Ă se contorsionner en une peur panique de lâinconnu. Nonobstant, et ne leur dĂ©plaise, « leur » Europe est aujourdâhui loin de faire lâunanimitĂ© auprĂšs du peuple de France et des autres peuples dâEurope. Le peuple⊠cette variable dâajustement devenue si embarrassante que sans elle, la dĂ©mocratie Ă©clairĂ©e et la bonne gouvernance iraient de soi. Pas de chance, les gars. Les temps changent, tel que le chantait jadis un rĂ©cent Prix Nobel, Bob Dylan, pour ne pas le nommer.
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Philippe Randa,
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