La multiplication des candidatures, au moins potentielles car il y a loin de la coupe aux lĂšvres, Ă la prochaine Ă©lection prĂ©sidentielle est symptomatique des maux politiques qui frappent la France, aujourdâhui. Dâabord, elle tĂ©moigne du dĂ©tournement des institutions de la Ve RĂ©publique en raison de leur dĂ©voiement mĂ©diatique. Conçues en fonction des aspirations mĂ©galomanes de son fondateur, elles ont sombrĂ© dans ce qui ressemble beaucoup Ă un plĂ©biscite prĂ©sidentiel au jour le jour. Elles condamnent le peuple français Ă subir pendant cinq ans des politiques quâil juge nĂ©fastes, faute de pouvoir se dĂ©dire, ou de pouvoir changer de majoritĂ© et dâexĂ©cutif comme cela devrait pouvoir se faire dans une dĂ©mocratie parlementaire digne de ce nom. Cette forme plĂ©biscitaire dâun exĂ©cutif tĂ©tanisĂ© par les sondages explique aussi son immobilisme et son incapacitĂ© Ă rĂ©former le pays en profondeur, compte tenu du conservatisme du corps social français.
Ensuite, Ă cause de lâextrĂȘme personnalisation du pouvoir, le systĂšme politico-mĂ©diatique exacerbe les ambitions. Les Ă©lections prĂ©sidentielles sont devenues une sorte de « bal des prĂ©tentieux ». Soit que les candidats dĂ©clarĂ©s brillent par leur inculture ou, pour le moins, par leur mĂ©connaissance du rĂ©el, et tiennent des discours irrĂ©alistes. Soit que, bien quâavertis des difficultĂ©s qui les attendent, et bien quâassez lucides quant Ă leurs faiblesses, ils sont dans lâincapacitĂ©, contrairement Ă ce quâils avancent, de relever une France qui nâa pas les moyens de sâopposer aux forces mondiales Ă©tatiques et privĂ©es.
Il faut ajouter que cette radicalisation des ego, remarquable lors des Ă©lections prĂ©sidentielles, mais perceptible Ă dâautres niveaux, sâexplique aussi par le fait que depuis quelques dĂ©cennies, on peut sâenrichir rapidement en faisant de la politique. Sans Ă©voquer les cas les plus emblĂ©matiques que lâon connaĂźt, de la gauche Ă lâextrĂȘme droite, le seul fait dâengranger quelques dizaines de milliers dâeuros par mois (toutes indemnitĂ©s confondues), et pendant toute une vie, sans prendre la moindre responsabilitĂ©, a rendu attractive et lucrative la profession de politique.
Alors, que peut-on espĂ©rer dâun pays et dâune classe politique incapables de se rĂ©former ? Un effondrement du systĂšme français sur lui-mĂȘme, comme cela est arrivĂ©, et pour des causes qui seraient assez analogues, Ă lâUnion soviĂ©tique, il nây a pas si longtemps ? Sans savoir ce quâil adviendra de la suite, tant le courage et la volontĂ© politiques font dĂ©faut.